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il essaie toujours de dégager sur les autres si ça tourne mal.

Publie le dimanche 15 juin 2008 par Open-Publishing
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ALAIN GENESTAR

« Nicolas Sarkozy exerce un habile chantage à l’amitié »

En publiant des clichés de Cécilia avec son amant, Alain Genestar savait qu’il risquait de provoquer la colère de Nicolas Sarkozy. Mais il n’a pas pensé un seul instant perdre sa placeA. Dans un livre à paraître mardi, il raconte les dessous de son éviction, les pressions subies. Interview

Fabiano Citroni - le 14 juin 2008, 18h33
Le Matin Dimanche

Cécilia en une de Paris Match avec son amant : Nicolas Sarkozy n’a pas supporté l’affront. Comment se venger ? En faisant sauter le directeur du magazine, Alain Genestar. Trois ans après la fameuse couverture du 25 août 2005, le journaliste raconte pour la première fois les pressions subies. Et dénonce les méthodes employées par l’actuel président de la République française.

Alain Genestar, Patrick Poivre d’Arvor, deux destins similaires ?
Deux amis perdent leur place. En ce sens, il y a un lien.

Il est délogé car il ne plaît pas à Nicolas Sarkozy. C’était aussi votre cas, non ?
Je n’ai pas d’éléments précis concernant sa situation. Je ne l’assimile donc pas à la mienne. Ce serait faire de la récupération. Mais si les raisons de son départ reviennent à ce que vous dites, alors il y a un lien.

Comment résumer ce qui vous est arrivé ?
C’est l’histoire du directeur d’un magazine qui fait son travail comme il doit le faire, à la satisfaction de sa direction et de son actionnaire. Mais suite à une couverture qui respectait pourtant les usages en vigueur dans son journal et dans son groupe, il se retrouve viré après que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, ait exprimé son mécontentement.

Trois jours après la publication des photos montrant Cécilia main dans la main avec son amant, vous avez Nicolas Sarkozy au téléphone. Il vous dit : « Jamais je n’oublierai ce que tu m’as fait. »
Quand je l’ai eu au téléphone, j’ai compris qu’il avait eu un coup de fil avec mon actionnaire, Arnaud Lagardère. J’ai compris qu’une demande avait été faite et exaucée.

En publiant ces clichés, vous pensiez que vous pouviez sauter ?
Je savais que la réaction serait violente, mais je ne pensais pas être viré. A ce titre, mon expérience a servi. Elle a montré qu’un tel scénario était possible.

Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il si mal réagi à la publication des photos ?
Dans le système qu’il a instauré et qui n’est pas critiquable en soi ni antirépublicain, il entretient de bonnes relations voire des amitiés avec des propriétaires de journaux, des directeurs, des chefs de service et des journalistes. Il pense que vous le trahissez selon ce que vous publiez. Par ailleurs, j’imagine que ça doit faire un choc de voir son épouse en photo avec un autre homme.

Nicolas Sarkozy a beaucoup d’amis dans le milieu de la presse. Est-ce un hasard ?
Il est à fond dans son métier d’homme politique. Et cela depuis vingt ou trente ans. Forcément, il baigne dans un milieu où il y a des journalistes politiques. En plus, les dirigeants de journaux et de télévision français s’intéressent beaucoup à la politique. Il a donc un rapport à la presse permanent. Des liens se tissent car il est loin d’être antipathique.

C’est une de ses forces...
Peut-être. Mais plus un homme politique se montre proche de vous, plus il faut faire attention. Nicolas Sarkozy est dans le tutoiement, dans une relation qui peut tomber dans la connivence. Il faut donc s’en méfier. Cela n’a rien à voir avec ses idées politiques. Il fait tout simplement trop copain copain.

Vous écrivez que c’est un spécialiste de la pression amicale...
C’est son arme fatale. Il exerce un habile chantage à l’amitié. Ceux qui, parmi ses amis, ont manqué à leur devoir d’amitié sont des lâches, des faibles, incapables de contrôler leurs journaux, leur télé, leur radio. Le plus étrange, c’est que ça marche : c’est très dur de dire non à un ami...

En France, l’info sera donc contrôlée jusqu’au terme du mandat de Nicolas Sarkozy ?
Non. Dans les mois qui ont précédé et suivi son élection, le personnage a fasciné. Certains ont même eu peur de ce qui pouvait leur arriver s’ils se fâchaient avec lui. On a notamment eu droit à une campagne électorale où les forces critiques ont été très faibles. Mais les amitiés de Nicolas Sarkozy avec les patrons de presse ne sont pas suffisantes pour changer la nature de ces patrons. Ils ne donneront jamais une consigne pour que le service politique soit bienveillant avec tel ou tel candidat. En outre, le journaliste est difficile à influencer et à mettre sous contrôle.

Votre ancien patron de presse ne donne peut-être pas de consignes, mais il vous a fait sauter !
Nicolas Sarkozy a exercé une telle pression, ce que j’ai fait a été tellement visible, que j’ai été lâché. Je le dis dans le livre : « Arnaud Lagardère m’a lâché pour se libérer lui-même. »

Vous écrivez aussi que si c’était à refaire, vous ne le referiez pas. Pourquoi ?
J’ai été viré. Cela a été violent pour moi, ma famille, mes parents, mon entourage, les collaborateurs de Paris Match et le groupe. Tout ça pour une histoire dont je n’ai rien à faire. Nous devions la publier en raison de la notoriété énorme des protagonistes. Mais ce n’est pas le Watergate, ça ne change pas l’histoire de la République.

Dans votre livre, vous écrivez que Nicolas Sarkozy peut être très violent et vulgaire. Vous n’avez pas peur d’être grillé dans la profession ?
Je n’ai jamais changé mon comportement dans le but de diriger un journal. Ce serait la meilleure façon de ne pas y parvenir. Ensuite, on ne peut pas me faire pire que ce qu’on m’a fait. En gros, interrompre ma carrière quand le journal marche bien. Enfin, je pense être respectueux envers la fonction présidentielle. Je ne dis jamais que Nicolas Sarkozy est dangereux. C’est un démocrate authentique, mais il a des traits de caractère que je développe : il est fort, irritable et particulièrement autoritaire.

Reste qu’il semble avoir changé depuis quelques mois. Il est moins arrogant...
Il a changé de façon de communiquer. Cela dit, il y a une nature humaine : le vrai Sarkozy, c’est celui qu’on a vu dans les premiers mois de sa présidence. Il a énormément de courage pour faire les choses, mais il essaie toujours de dégager sur les autres si ça tourne mal. La France le quitte parce qu’il l’a trompée. Et c’est la faute des journalistes parce qu’ils en parlent.

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