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L’espoir renaît en Europe

Publie le lundi 16 juin 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

de Jean-Claude Lefort

Le référendum sur le Traité de Lisbonne en Irlande, obligatoire dans l’île alors qu’il a été littéralement "interdit" – c’est le mot qui convient – pour tous les autres peuples européens, donne un résultat sans appel. C’est "non" !

Il en résulte une première conséquence. Dès lors qu’il s’agit d’un traité international celui-ci supposait l’adhésion de tous les pays signataires pour être mis en œuvre. Ce funeste traité n’existe donc plus. Il est mort. Il n’a plus d’existence juridique. Il est "éteint", selon les termes mêmes de la Convention de Vienne relative aux traités, convention qui s’impose de manière impérative à tous.

Pourtant, alors que la démocratie a clairement parlé sur le sol irlandais, des dirigeants européens, qui n’ont cure du peuple et qui n’ont rien appris des "non" français et hollandais, imaginent déjà des scénarii divers pour passer en force, coûte que coûte et imposer ce traité qui n’est plus.

Il est vrai que le Traité de Lisbonne était, en lui-même, un passage en force puisqu’il n’était ni "simplifié" par rapport au projet de Constitution européenne pas plus qu’il n’était "nouveau". C’était, selon Giscard d’Estaing soi-même, en son auguste personne, la même chose.

Ce Traité de Lisbonne, enfant non légitime de Sarkozy, était tout sauf respectueux du suffrage universel. Mais les tenants du « marché libre et non faussé » avaient bigrement faim et n’en tenaient plus de voir deux peuples s’opposer à leurs intérêts colossaux. Quelle audace insupportable que de leur dire « non » ! Ils ne sont pas habitués à être contredits, ces gens-là. Et vint ainsi le Traité de Lisbonne qui était au Traité constitutionnel ce que le pain était à la brioche pour Marie-Antoinette…

Et ils continuent aujourd’hui après le « non » irlandais qui bouscule les plans des dirigeants européens à leur service. On parle « d’arrangements juridiques ». On veut refaire aux irlandais le coup qu’on leur a déjà fait en 2001 quand ils avaient rejeté le Traité de Nice : un petit paragraphe « spécial Irlande » avait alors été rajouté et le tour avait été joué. Pour passer outre la démocratie ils ne sont jamais à court d’idées, ces gens-là…

Il est donc une première exigence à faire valoir : celle consistant à faire entériner l’acte de décès de feu le Traité de Lisbonne et de stopper toutes les autres procédures de ratification prévues. Au reste, un seul mot changerait dans ce traité qu’il faudrait recommencer celles déjà réalisées. Elles l’ont été, par voie parlementaire, sur la base d’un texte qui ne serait plus le même s’il devait être amendé.

Il résulterait de cet « arrangement » envisagé que celle nouvelle ratification posée en France devrait faire prévaloir la voie référendaire puisque la voie parlementaire a encore une fois montré toutes ses limites. Une nouvelle bataille s’ouvre pour l’Europe. Une bataille démocratique.

Car il est un point qui ne peut manquer de faire réfléchir : il est temps de prendre conscience qu’on ne peut pas construire l’Europe de la manière actuelle, c’est-à-dire hors les peuples et contre eux. C’est un point majeur sur lequel personne ne peut plus faire l’impasse désormais. Il ne suffit pas d’affirmer qu’on est « pour » l’Europe pour que cela soit vrai. Il faut nécessairement, pour que l’Union européenne ne soit pas rejetée – et nous tenons au projet de construction européenne –, qu’elle dispose et soit légitimée de l’adhésion des peuples.

Ne sont aujourd’hui des européens authentiques que ceux qui professent, comme nous le faisons, cette conception populaire et démocratique de la construction européenne. Et jouent absolument contre l’Europe ceux qui veulent s’en dispenser. Ceux-là, qui ont toujours le mot « Europe » à la bouche et qui taxent volontiers d’anti-européens toutes celles et ceux qui ne sont pas de leur avis, sont en vérité fondamentalement des « anti-européens ». A les suivre c’est l’idée même d’Europe qui serait mise en cause jusqu’à imploser de ne pas respecter les intérêts populaires et les tenir dans le carcan libéral et l’alignement sur Washington.

Il n’y a pas de chemin plus court ou plus rapide pour construire l’Europe que celui de l’adhésion populaire. Cela seul permettra du solide. Les nations qui composent l’Union sont diverses mais aussi anciennes. « La vieille Europe », comme il a été dit, ce n’est pas le « nouveau continent ». Les traditions de vie et de culture mais aussi de luttes y sont vivantes. L’Europe ne peut pas être le « papier collé » des Etats-Unis. Elle doit avoir son identité et affirmer sa visée propre en interne comme en externe. Elle doit apporter lumière et référence à la civilisation mondiale qui en a bien besoin.

L’Europe ne peut être que celle des peuples ou bien elle ne sera pas. La « Constituante » elle est-là, dans un processus populaire, sinon, les choses étant ce qu’elles sont, on aura bis repetita…

C’est pourquoi, et c’est un second point majeur, le « non » irlandais raisonne en nous comme un « Hymne à la joie ». Car la question est ainsi de nouveau posée : quelle Europe et comment ? Et vient du même coup avec plus de force encore l’idée qu’il y a bien un « plan B » à cette Europe des marchands et des financiers. Une alternative. Ce « plan B » qu’il faut mettre en œuvre maintenant s’appelle tout simplement : démocratie et adhésion populaire !

Contrairement aux propos haineux entendus contre le peuple irlandais, les raisons du succès du « non » sont certes multiples mais aussi dominées par la question sociale. Plus les quartiers qui votaient étaient populaires et plus le « non » l’a emporté. Cela a un sens. Le même que celui qui s’est emparé du « non » de gauche en France.

Il est temps de repenser l’Europe comme espace pertinent de progrès social dans la mondialisation libérale qui jette les peuples les uns contre les autres. Et qui les tirent vers le bas. Quand on sait qu’en 25 ans la part des salaires dans le PIB européen a reculé de 9% au profit du capital, il y a bien de l’espace pour cela et non pas seulement des marges.

Il est temps de mettre l’économie au service des peuples et non l’inverse, en desserrant l’étau de la Banque centrale européenne sur l’économie et en sortant du dogme de la libéralisation de tous les services publics.

Il est temps de repenser l’Europe comme espace de paix et de solidarité internationale et non plus comme un lieu où s’accumulent les armements en état de dépendance atlantique mais aussi les mauvais coups contre les peuples du Sud ainsi que révélés tragiquement avec les terribles émeutes de la faim.

Il est temps, plus que temps, que la démocratie supplante l’économique et le technocratique envahissant. La participation effective des parlements européen et nationaux mais aussi des peuples reste à bâtir. 27 personnes et une kyrielle de technocrates irresponsables à leurs côtés ne peuvent décider seuls de la vie de 450 millions d’habitants.

Bref, après le « non » irlandais une idée neuve de l‘Europe doit s’affirmer qui permette que le peuple européen mais aussi le monde perçoivent enfin que le bonheur existe et qu’il est possible aujourd’hui !
L’Europe tombe des mains de ceux qui la dirigent. Ils sont dépassés. Aux progressistes et aux démocrates européens de prendre désormais leur relais !

La présidence française qui commencera le 1er juillet sera une présidence doublement affaiblie : à cause de ce « non » irlandais et à cause du fait que l’instigateur principal de feu le Traité de Lisbonne n’est autre que le président français qui triomphait hautement et modestement hier. Il est maintenant au pied du mur ce bonimenteur. D’un mur démocratique que ne peut plus dissimuler aucun tour de passe-passe de Monsieur Sarkozy, l’homme qui a fait que l’Europe est désormais en convulsion grave. Pauvre image de France qui ne mérite certainement pas cela…

Jean-Claude Lefort
Député honoraire
Ivry, le 15 juin 2008

Messages

  • C’est un vrai soulagement que j’ai ressenti à l’annonce du résultat du référendum Irlandais,tous les peuples sont égaux,normalement,quand on engage leur avenir et celui des générations futures . Mais l’Europe telle qu’elle fonctionne aujourdh’ui ce n’est pas le cas. Il faut donc une autre Europe où tous les peuples soient consultés sur un traité clair compréhensible et qui favorise d’abord ceux qui produisent et qui vivent de leur travail,c’est donc uneEurope à l’opposé de celle qu’on nous propose et que le peuple Français dans sa majorité a rejeté
    Je suis d’accord en partie avec les arguments avancés dans l’article.Il ne faut pas laisser torpiller le non Irlandais,comme ils ont osé torpiller le nôtre !
    Yvonne 38

  • Les dépenses communautaires sont illégales et irrégulières

    Selon le rapport de la Commission elle-même

    par Jean-Yves Crevel

    L’aveu est discret, en page 250, du rapport. Mais il en dit long sur le double langage pratiqué par les plus hautes instances européennes. A la presse, M. Barroso déclare "nous avons, au sein de l’Union, des règles budgétaires très strictes. C’est la Commission qui est responsable des dépenses devant le Parlement européen, la Cour des comptes européenne, et les États membres. C’est de l’argent public." (Interview à la Croix du 22 mai 2008)

    Mais, dans son rapport officiel, la Commission tient un discours à 180°, sans doute pour amadouer la Cour des comptes européenne qui est en train de travailler sur son rapport pour l’année 2007, :

    “ Le 13 novembre, le président de la Cour des comptes a présenté au Parlement européen le rapport annuel relatif à l’exercice budgétaire 2006 . Ce rapport met en lumière quelques améliorations, en particulier dans le domaine des dépenses agricoles. Toutefois, des erreurs continuent à affecter la légalité et la régularité de la majeure partie des dépenses communautaires en raison de faiblesses dans les systèmes de contrôle interne tant à la Commission que dans les États membres. ” (lire la page 250)

    Si personne ne réagit, c’est sans doute que ce rapport n’est lu par personne. Pourtant, tout est dit dans cette phrase officielle. Non seulement l’Europe est illégitime en étant imposée aux peuples contre leur gré, mais elle reconnaît par la voix de sa plus haute institution se vautrer dans l’illégalité.

    Il faut donc que les pêcheurs qui doivent disparaître, les routiers qui ont déjà disparu, les industriels qui ont dû quitter l’Europe et tous ceux qu’on sacrifie méthodiquement sur l’autel des lois européennes soient conscients que ceux qui imposent ces lois destructrices reconnaissent officiellement s’affranchir de la légalité dans la majeure partie de leur dépenses !

    Dans ces conditions, peut-on continuer à faire semblant en continuant à négocier telle ou telle mesure avec l’omnipotente et illégale Commission sans devenir complice d’un système intrinsèquement dictatorial ?

    La réponse s’impose. Face à une dictature, il n’y a qu’une attitude possible : la combattre.

    Dernièrement, on me faisait valoir que le peuple français aurait une responsabilité historique vis à vis des peuples européens qu’il avait entraînés dans cette galère en étant un pays fondateur de l’Europe ; que cette responsabilité nous interdisait de militer pour la sortie de la France de l’Union européenne.

    Je répondais évidemment qu’une guerre se gagne bataille par bataille, et que la sortie de la France, en déclenchant très certainement l’effondrement rapide de cette prison de peuples, sera décisive. J’ajoute aujourd’hui que la meilleure façon d’assumer cette responsabilité historique consiste précisément à détruire cette prison.

    Il faudra ensuite que chaque nation redevenue libre renoue avec une profonde exigence démocratique et choisisse librement sa voie. Le rassemblement libérateur concerne tous ceux qui sont attachés à la liberté et à la démocratie, quelles que soient par ailleurs leurs préférences politiques, plus sociales pour les uns, plus libérales pour les autres. Anticiper sur ces discussions qui viendront en leur temps ne conduit qu’à la division, donc à l’immobilisme et à nier aux peuples la possibilité d’opérer de vrais choix après avoir retrouver leur liberté.


    Post-scriptum :

    For the attention of our english and irish friends :

    Court of Auditors

    Annual report

    On 13 November the President of the Court of Auditors presented its annual report for 2006 to the European Parliament (4). The report notes a number of improvements, especially with regard to agricultural expenditure. But it says that the legality and regularity of most Community expenditure continues to be affected by errors/

    , owing to weaknesses in the internal controls at the Commission and in the Member States.

    page 234

    Sources Decap’actu

    http://www.decapactu.com/spip/article.php3?id_article=449

  • Ce qui ressort de cela, c’est qu’une nouvelle fois la notion de vote va a nouveau être réduite en poudre.
    On sait déjà à l’avance qu’il va avoir des dispositions prises pour que ce vote soit annulé.
    En terme politique poli, on appelle cela un coup d’état permanent.
    En Terme moins poli, du fascisme "doux".

    • Jean-claude Lefort prône l’Europe des peuples,en soi c’est une bonne idée.Mais je lui fais remarquer que L’union soviètique a imploser,que les Etats-Unis se posent la question de l’autonomie véritable de chaque Etat au Vermont,en Caroline du sud,au Texas,en Californie,que les Etats Africains et moyens-orientaux n’arrivent pas à s’unir,que L’inde se trouve dans une situation délicate dans son fédéralisme,que la Chine tient son unité par un pouvoir autoritaire....

      Je ne crois pas à L’Europe des peuples car la sociologie et pratiques culturelles et sociales sont très différentes d’un peuple à l’autre. L’Utopie Européenne n’est pas simplement dû au Capitalisme,elle est une utopie intellectuelle de quelques penseurs sans prise directe avec les peuples dans leur diversité régionale,y compris en France (Bretons- Basques- savoyards- alsaciens- chtimis- auvergnats- catalans- berrichons). L’Europe sociale que les communistes veulent promouvoir se heurtent à cette réalité historique,il faut donc déjà abattre le pouvoir bourgeois dans chaque pays d’Europe avant d’essayer la mise en place de cette utopie européenne.La force de l’exemple dans un pays ne fait pas forcément "boule de neige",nous l’avons vu avec la guerre froide et la fin du mur de Berlin et l’offensive actuelle du capitalisme mondialisé. L’internationalisme prolètarien a éclaté et le chacun pour soi est la règle.Si le ’Non" à l’Europe devient populaire,malgré la campagne médiatique pour le oui, c’est que chaque peuple veut préserver son identité et sa propre marche historique vers le progrès social et vers la socièté communiste de l’avenir.On ne peut obliger un peuple à courir plus vite qu’il ne peut.Les dirigeants capitalistes le savent et c’est pour ça qu’ils courcicuitent les Etats-Nations au profit des Multinationales indépendantes des pouvoirs politiques.

      Les révolutionnaires que nous sommes doivent plutôt se concentrer sur le devenir de chaque nation dans sa composante économique et sociale pour faire triompher la socièté communiste à la mesure du "vouloir" de chaque peuple et à son rythme.La France n’est pas l’Allemagne, L’Italie n’est pas l’Espagne etc ......... Alors L’Europe souhaitée par Jean-claude Lefort pourra se confédérer sur un ou deux siècles à condition que la socièté communiste s’installe progressivement par la force de l’exemple social et démocratique,tout le contraire de ce qui s’est passé en Union Soviètique et dans les pays de l’Est européen.L’expérience amorcé en Amérique Latine aujourd’hui à l’initiative du Vénézuèla de Chavez prouve la difficulté de faire travailler ensemble des peuples aux racines historiques très diversifiées et même divergentes .La force de l’exemple de Cuba aide mais ne précipite pas le mouvement historique d’évolution progressiste .......La résistance au changement est une donnée de base de la psycho-sociologie .....Le capitalisme le sait et adapte ses choix à cette nécessité , quand il n’en tient pas compte comme l’équipe Bush il va à l’échec..Les communistes doivent aussi en tenir compte dans leur combat révolutionnaire sinon ils subissent des échecs comme en Union Soviètique et dans certains pays d’Afrique et au Chili d’Allende....

      L’Europe des peuples c’est un slogan creux qui empêche de raisonner "National" pour un travail d’émancipation au plus près du terrain local.L’exemple d’Une Académie Française qui repousse les langues régionales prouve le déphasage des "élites" avec les réalités d’une Nation vieille comme la France ...Alors l’Europe reste un concept sans valeur historique et elle est simplement une occupation idéologique de quelques dirigeants politiques et intellectuels très loin des préoccupations populaires .......

      bernard Sarton,section d’Aubagne