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La liberté et la vie pour Marina Petrella, pitié (reportage photo)

Publie le vendredi 18 juillet 2008 par Open-Publishing
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de La Louve

C’est en ces termes très crûs, que se pose aujourd’hui la question du sort que l’Etat français va réserver à Marina Petrella.

Chaque jour qui se passe en détention est, pour elle, un jour de trop.

Que va finalement décider l’Etat français, ce même Etat français qui, dans les années 80, à travers la bouche de François Mitterrand, offrit l’asile aux réfugiés politiques italiens d’extrême gauche qui avaient renoncé à la lutte armée.

Alors, on pourra objecter, si l’on est de très mauvaise foi, ou très mal renseigné, ou les deux, que Marina aurait été une sorte d’ un assassin, un criminel, une "ex-terroriste", (selon un raisonnement spécieux, un peu comme Charb dans le dernier Charlie Hebdo sur le sujet).

Et que donc, finalement, à supposer que cela soit vrai (ce que je conteste évidemment), et que l’on puisse recouvrir ses épaules du manteau de l’infamie qui frappe les tueurs crapuleux de sang-froid, et bien, on pouvait la comparer à Bokassa, Khomeyni, ou, mieux, à Papon...

Et que donc, sa punition, son arrestation, son enfermement, finalement, seraient "effrayant mais pas scandaleux" (toujours le même Charb, dans le même "journal").

Adhérer à ce genre de propos, c’est évidemment, d’abord et avant tout, travestir la réalité de la vie et de l’action de Marina dans les Brigades rouges, nier la spécificité du contexte historique de l’action des militants des Brigades rouges, nier la spécificité de "l’extrême gauche" italienne ; c’est aussi par la même occasion, continuer à faire de l’histoire un instrument de politique et de pure propagande, en décidant arbitrairement qui est héros, qui est criminel, en ne donnant qu’une voix, celle du vainqueur.

Ou, dans ce cas, nous sommes toutes et tous des "monstres" potentiels, car qui sait ce que l’avenir nous réserve ?

C’est aussi "oublier" que, de la prison, Marina en a déjà fait, et de longues années, sa première fille y est même née ; qu’elle ne s’est pas échappée sans procès, que ce procès a été pipé et rendu par une justice d’exception. Qu’en Italie, on lui a dénié le droit élémentaire d’avoir un procès pénal juste et équitable, comme à tant d’autres.

"Vae Victis", ce serait l’histoire de Marina et de tous les siens, faisant ainsi peu de cas d’une réflexion sérieuse et objective sur ce sujet précis des Brigades rouges et de l’Italie des années 60 et 70.

On voudrait ainsi semer de nouvelles graines de violence et de révolte chez des jeunes, on ne s’y prendrait pas autrement que d’instaurer à nouveau l’injustice, la complaisance, la machination, le refus du dialogue et de la liberté d’expression, comme outils de gouvernement légitimes, que de faire de nouveaux sacrifices et de nouvelles victimes expiatoires !

On pourrait aussi dire que, comme Robert ("Bobby") Sands en son temps, ce membre de l’IRA qui se laissa mourir de faim, avec 9 autres de ces camarades, à la prison de Maze, après tout, Marina fait un choix, un choix de ne plus s’alimenter, un choix de baisser les bras, un choix de dresser son corps comme ultime défense entre sa liberté et la violence d’Etat.

C’est évidemment une belle saloperie que de dire ce genre de chose, et je ne crois pas que celles et ceux qui avancent ce type d’arguments puissent comprendre ce que doit ressentir Marina dans la situation qui est actuellement la sienne.

Marina n’est plus à l’heure des choix, si choix suppose libre conscience, volonté, détermination.

Marina est une femme écrasée par sa douleur, abattue par le sort, et l’injustice qui lui est faite.

Marina est une femme qui voit s’envoler la vie qu’elle s’était reconstruite, il suffit de lire les dernières lettres qu’elle a écrites à ses proches pour mesurer son désarroi, et en comprendre le sens.

On peut dire aussi, toujours comme Charb, que la "doctrine Sarkozy" serait un "fait du prince", et qu’elle vaudrait bien celle de Mitterrand.

Que le fait du prince ne fait pas loi etc.

Bref, dire à demi-mots que tout cela c’était une "lubie personnelle" de Mitterrand, alors, bon, que Sarkozy peut bien avoir la sienne.

Même si la figure florentine de l’ancien Président de la République Mitterrand peut prêter aisément à ce genre de réflexion, (du Prince machiavélien, au fait du prince il n’y aurait qu’un pas...), la loi, la jurisprudence et la doctrine vont malheureusement dans un tout autre sens, et la construction de la fonction présidentielle sous la 5ème République française, héritière d’une longue tradition monarchique honteuse, dessinée par Debré pour De Gaulle ne donne pas raison à Charb et à d’autres.

Je me permets donc de rappeler que la théorie du fait du prince n’est pas qu’une formule , dans la sphère publique, où nous sommes aujourd’hui, c’est une théorie qui existe, et c’est une théorie spécifique à l’action administrative contractuelle, et qui ouvre droit à une compensation matérielle, au moins.

En revanche, et c’est peut être cela que visait M. Charb dans son édito (mais je lui pardonne cette erreur de béotien), ce qui qualifie la "doctrine Mitterrand" c’est, plus probablement, l’acte de gouvernement.

Dans ces actes de gouvernement, ( pour quelques exemples "amusants" de ces actes de gouvernement , intouchables par la justice française, voir la petite liste ci-dessous*), il y a justement, et notamment, les actes liés à la conduite des affaires extérieures de la France, affaires extérieures qui furent de tout temps, la "chasse gardée" du Président de la République.

Le motif officiel de l’incontrôlabilité, de l’impunité de ces actes de gouvernement, c’est leur caractère éminemment politique - les décisions visées ne s’embarrassent pas de le cacher et les motifs sont clairs.

Aussi, plutôt que de parler de "fait du prince", comme si on était dans une logique contractuelle et intuitu personae, ou comme si cela était une volonté personnelle, il est plus juste de dire que M. Le Président de la République Sarkozy assume publiquement que, par son acte de gouvernement - qui, en effet, vaut bien celui de François Mitterrand en termes institutionnels -, qu’il envoie une femme à la mort par pure motivation politique.

Qu’il estime que la vie de Marina vaut moins que celle des FARC, par exemple, pour des motifs politiques.

Que tout cela , c’est vrai et là, nous sommes d’accord pour une fois, n’a rien de personnel de sa part, mais que c’est une affaire d’Etat.

Que cette affaire d’Etat est une énième pièce au puzzle de la criminalisation européenne de tout ce qui ressemble de près ou de loin au communisme en général, et à l’anarcho-communisme dans ce cas particulier.

Que les "rouges", même condamnés et libérés, même absouts, même mourrants, ont tort pour les siècles des siècles, et qu’aucun pardon ne leur sera jamais accordé. Que même la théorie du pardon ne peut leur être appliquée.

Qu’enfin, cette affaire d’Etat est une remise en cause gravissime d’un des plus vieux droit de l’homme au monde, un droit qui naquit en Angleterre au 17ème siècle , un droit que Beccaria, un autre italien, contribua à théoriser dans son célèbre "Des délits et des peines".

Un droit pour lequel se battirent en France Voltaire et tant d’autres, celui qui garantit qu’on ne peut pas être détenu arbitrairement, illégitimement, c’est celui de l’habeas corpus.

Celui qui fait que le placement en détention doit toujours être l’exception et le maintien en liberté la règle, jusqu’au bout. Pour tout le monde. Rouge ou blanc.

Ce qui donnera l’article 9 de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :

"Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » (présomption d’innocence, proportionnalité des délits et des peines).

Affaire d’Etat donc, car ce qui est fait à Marina demain, le sera peut être à nous, les militant-e-s de gauche. (Pourquoi pas, si la volonté politique peut s’affranchir de toutes les contraintes morales et philosophiques qu’elle a elle même posée préalablement ?)

Voilà , Marina, malheureusement, pour le moment, c’est ainsi ; tu ne le voulais plus, et tu l’as amplement prouvé, sans le clamer sur les toits, toi qui es à mes yeux, une assistante sociale, une compagne , une maman, et sûrement pas une "terroriste" ni même une "ex-terroriste", mais ta vie est toujours politique, et tes anciens ennemis ne te laisseront jamais en paix, car eux n’ont pas déposé les armes, les traîtres...

Tu es prisonnière de cette guerre commencée avant toi, avant nous, qui se poursuivra longtemps encore après nous toutes et tous, la guerre des puissants contre les faibles, où il n’y a jamais d’armistice mais seulement de fausses trêves, destinées à leurrer ceux qui luttent.

Il y aura UN AN le 21 août 2008 que Marina Petrella, convoquée pour une formalité administrative de carte grise, est tombée dans un piège que lui a tendu la police française, qu’elle a été arrêtée au commissariat d’Argenteuil et incarcérée à la prison de femmes de Fresnes, maintes fois transférée, aujourd’hui à Fleury Mérogis...

Nous devons toutes et tous aujourd’hui, et à plus forte raison si nous sommes des militants politiques, nous unir, sans aucune faille pour réclamer au Président de la République, au gouvernement ,de changer leur décision politique, d’abroger le décret d’extradition.

Par la même occasion, je demande avec insistance à Mme Royal, à Mme Voynet, à Mme Bétancourt, à Mme Dati... , je demande à toutes ces femmes qui savent ce qu’est l’action politique, qui sont elles aussi engagées, mais qui sont, je pense ,attachées au prix de la vie humaine et au respect des droits de l’Homme, je leur demande, à genoux si je pouvais, de se joindre à nous urgemment si elles ne l’ont déjà fait, pour intercéder en faveur de Marina.

J’aimerais les voir jeudi prochain le 24 juillet à 18.30 avec nous, à nos côtés sur le parvis devant Beaubourg.

Plus généralement, je demande à tous les Hommes de bonne volonté, à toutes celles et tous ceux qui savent pardonner, de s’unir avec nous pour demander à ce que Marina soit sauvée, à ce que sa famille soit sauvée, ne laissez pas une telle injustice se faire !

On ne réparera pas le passé en offrant la vie de Marina Petrella, de Cesare Battisti ou d’autres...

Marina, sache que nous pensons à toi chaque jour, que nous sommes avec toi de toutes nos forces même si nous ne te connaissons pas personnellement, et même si nous sommes loin.

Pitié et grâce pour Marina Petrella.

La Louve

Ps : le site d’information sur Marina Petrella Parole Donnée


Décisions sur l’acte de gouvernement et les affaires extérieures

* *Protection des personnes et des biens français à l’étranger : CE, 2 mars 1966, Dame Cramencel,

* Refus de soumettre un litige à la Cour internationale de justice : CE, 9 juin 1952, Gény,

* Ordre de brouiller les émissions d’une radio étrangère : TC, 2 février 1950, Radiodiffusion française,

* Création d’une zone de sécurité dans les eaux internationales pendant des essais nucléaires : CE, Ass., 11 juillet 1975, Paris de la Bollardière

* Décision de reprise des essais nucléaires avant la conclusion d’un accord international devant interdire de tels essais : CE, Ass., 29 septembre 1995, Association Greenpeace France,

* Décision d’engager des forces militaires en Yougoslavie en liaison avec les évènements du Kosovo : CE, 5 juillet 2000, Mégret et Mekhantar

* Conditions de signature d’un accord international : CE, Sect., 1er juin 1951, Société des étains et wolfram du Tonkin,

* Décision de ne pas publier un traité : CE, 4 novembre 1970, de Malglaive,

* Vote du ministre français au Conseil des communautés européennes : CE, Ass., 23 novembre 1984, Association « Les Verts »,

* Décision de suspendre l’exécution d’un traité : CE, Ass., 18 décembre 1992, Préfet de la Gironde c. Mahmedi

* Décision de suspendre la coopération scientifique et technique avec l’Irak pendant la Guerre du Golfe : CE, 23 septembre 1992, GISTI


Manif 17.07.2008
Hamed Merakchi et Bellaciao

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