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Entretien avec Marie-George Buffet

Publie le jeudi 27 mai 2004 par Open-Publishing

"La politique du gouvernement actuel en Israël ferme toute issue permettant un accord politique pour une paix juste et durable."

L’armée israélienne vient de mener une opération particulièrement meurtrière dans la bande de Gaza, notamment dans le camp de réfugiés de Rafah. Comment jugez-vous ce qui vient de se passer ?

J’ai à l’esprit les images insoutenables de l’armée d’Ariel Sharon s’acharnant sur la population de Rafah. Je considère, comme Amnesty International, que s’attaquer à des populations civiles, détruire leurs maisons et leurs moyens d’existence sont des crimes de guerre et l’on ne peut accepter ce mur de la honte qui se construit en Cisjordanie. La politique du gouvernement actuel en Israël ferme toute issue permettant un accord politique pour une paix juste et durable. Ce gouvernement ne commet pas seulement l’inacceptable contre le peuple palestinien, il plonge dans la souffrance et l’impasse son propre peuple.

Des personnalités israéliennes et palestiniennes ont élaboré un document précis pour une sortie du conflit. Que pensez-vous de cette initiative de paix, baptisée initiative de Genève ?

D’abord, je voudrais saluer avec une profonde estime et une intense reconnaissance le courage et le travail de Yossi Beilin et de Yasser Abed Rabbo. Ces artisans de la paix ouvrent des chemins pour l’avenir. Avec leurs équipes, ils ont montré la possibilité de dépasser la violence pour faire émerger ensemble une perspective de paix. Comme ils le disent eux-mêmes, le plan de Genève n’est pas une solution clefs en main, mais une exploration détaillée et courageuse des possibilités de réponses aux questions même les plus délicates comme celles de Jérusalem et des réfugiés pour aboutir à un accord.

L’occupation militaire des territoires occupés, la répression sanglante, le non-respect des résolutions de l’ONU, la construction du mur d’annexion, les assassinats ciblés, l’arrachage des oliviers comme les attentats terroristes sont des obstacles rédhibitoires à toute marche vers la paix. L’immense mérite de l’initiative de Genève est d’offrir une perspective de sortie de cette dramatique impasse.

Selon vous, quel rôle pourrait ou devrait jouer l’Union européenne au Proche-Orient ?

La politique européenne est trop timorée. Elle doit s’engager vraiment pour le plan de Genève. C’est un chemin prometteur vers la paix. Le Parti communiste français se prononce donc pour la réunion, sur cette base, d’une conférence internationale pour la paix placée sous l’égide de l’ONU. Nous savons bien que la résolution de ce conflit est un point nodal pour apaiser les tensions internationales. Cela nécessite un engagement de très haut niveau des Européens : c’est la seule solution pour sortir du chaos actuel.

Que pensez-vous du plan américain de grand Moyen-Orient, qui fera l’objet d’une discussion lors du prochain sommet du G8, en juin, aux États-Unis ?

George W. Bush a justifié son plan par l’exigence d’installer la démocratie dans la région. La démocratie au Moyen-Orient est une aspiration profonde de ces peuples. Mais le " grand Moyen-Orient " de Bush, c’est tout autre chose. En fait d’exporter la démocratie dans la région, la stratégie Bush est en train d’y installer le chaos. Ce pouvoir américain est irresponsable, c’est la politique d’un empire sans foi ni loi. Au fond, il tente de redéfinir la carte du monde et du Moyen-Orient pour s’assurer un approvisionnement pétrolier stable dans le contexte de la raréfaction à moyen terme de cette matière première.

Mais il n’y a aucun raccourci possible au Moyen-Orient : la condition sine qua non de toute perspective de développement harmonieux de la région est une solution juste du problème palestinien.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-05-26/2004-05-26-394332