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Référés : audience sur EDVIGE, mais pas sur CRISTINA

Publie le lundi 27 octobre 2008 par Open-Publishing
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A l’audience du Conseil d’Etat sur les référés demandant la suspension provisoire des fichiers EDVIGE et CRISTINA, seules les conclusions dirigées contre EDVIGE (Décret 2008-632) ont été examinées. Pour des raisons non spécifiées, le juge unique n’a pas souhaité y aborder mes conclusions contre CRISTINA (Décret non publié), les missions de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (Décret 2008-609) et le décret connexe 2008-631.

 
Le Bureau des référés n’a pas pu me fournir d’autres précisions cet après-midi. Le Ministère de l’Intérieur n’avait pas répondu à cette partie de mes conclusions.

La décision suite à l’audience de ce matin devrait intervenir sous 48 heures. J’ignore si mes demandes non traitées à l’audience seront comprises dans cette décision, ou si une autre audience sera prévue. J’ai néanmoins brièvement rappelé ces demandes de suspension au cours des débats.

Aucun journaliste présent n’est venu me demander mon avis à ce sujet après l’audience.

Pour rappel, la DCRI, au profit de laquelle a été créé CRISTINA, participe notamment « à la surveillance des individus, groupes, organisations et à l’analyse des phénomènes de société, susceptibles, par leur caractère radical, leur inspiration ou leurs modes d’action, de porter atteinte à la sécurité nationale » (Décret 2008-609).

 
Voir mes deux notes rédigées avant l’audience :

Quelques infos, avant l’audience du 27 octobre (I) et (II)

http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/10/26/quelques-infos-avant-l-audience-du-27-octobre-i.html

http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/10/26/quelques-infos-avant-l-audience-du-27-octobre-ii.html

 
Luis Gonzalez-Mestres
lgm_sci@yahoo.fr
http://scientia.blog.lemonde.fr
http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com

 
Suit ma note rédigée après l’audience :

 
Après l’audience du référé sur EDVIGE et CRISTINA (I)

http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/10/27/apres-l-audience-du-refere-sur-edvige-et-cristina-i.html

A l'audience du 27 octobre au matin sur les trois référés contre EDVIGE et CRISTINA, le Juge des Référés du Conseil d'Etat (le président de la Section du Contentieux, Bernard STIRN) a souhaité évoquer uniquement les conclusions en suspension contre EDVIGE, laissant de côté les conclusions additionnelles que j'avais introduites visant notamment CRISTINA et les missions de la DCRI. Avant l'audience de 9h30, j'avais également déposé (à 9h) des conclusions tendant à la suspension provisoire de la lettre du 17 octobre du directeur de cabinet de la Ministre de l'Intérieur « en ce qu’elle évoque déjà, à titre opérationnel, le dispositif EDVIRSP qui à ce jour n’a fait l’objet d’aucun décret ni même d’un avis de la CNIL ou du Conseil d’Etat ». A la fin de l'audience, le Juge des Référés a annoncé une décision dans les quarante-huit heures.

 

J'ai malgré tout brièvement évoqué à l'audience mes conclusions contre CRISTINA et les autres décrets attaqués dans mon référé. La raison pour laquelle cette partie de mes conclusions n'a pas été inscrite à l'audience ne m'a pas été précisée. Le Ministère de l'Intérieur n'y avait pas répondu.

Le débat de ce matin sur EDVIGE a porté : d'abord, sur la question du non-lieu demandé par le Ministère ; ensuite, sur l'urgence de l'affaire. En ce qui me concerne, j'ai notamment abordé :

 la question de l'archivage des données que le Ministère de l'Intérieur dit ne plus juger pertinentes ;

 celle de la mise en place de fait d'EDVIRSP sans même un décret et profitant du « décret EDVIGE » que l'on dit retirer mais qu'on ne retire pas vraiment du moment qu'on instaure déjà EDVIRSP ;

 celles des amalgames et des mélanges de genres dans les textes du Ministère de l'Intérieur où on voit passer tantôt des expressions comme « radical », « altermondialisme », « défense des précaires  »... tantôt d'autres comme « terroriste », « violent » ou « subversif » ;

 l'impossibilité de séparer dans la pratique EDVIGE et CRISTINA en tant que dispositifs, a fortiori vu les possibilités de contrôle très limitées, et le contexte plus global qui peut comprendre jusqu'aux passes Navigo ou des formes de marquage des bagages dans les trains ;

 le fait que l"urgence avait été ouvertement proclamée en septembre dernier par le Président de l'Assemblée Nationale pour s'opposer à la préparation d'une loi ;

 plus globalement, la dégradation générale de l’image des institutions françaises sur le plan du respect des droits de la personne et la nécessité d’un« message fort » de la part de la Haute Juridiction.

 

Voici un autre extrait du mémoire que j"ai déposé ce matin à l'adresse du référé 321705.

 

« Suivent, dans l’urgence, quelques considérations complémentaires, précisant d’emblée que l’intérêt à agir par rapport à l’ensemble de mes conclusions doit être reconnu à tout citoyen, dès lors que tout citoyen peut devenir une cible des fichages par plusieurs biais, notamment celui des « fréquentations » ou celui d’une « radicalité » politique ou associative supposée. Le danger d’une instrumentalisation politique des opérations de police, visant l’ensemble de la population,  paraît bien réel et impossible à justifier par un intérêt collectif.

(...) 

 

SUR CRISTINA ET LA DCRI

D’après le Décret 2008-609, la DCRI, au profit de laquelle a été crée le fichier CRISTINA, « participe également à la surveillance des individus, groupes, organisations et à l'analyse des phénomènes de société, susceptibles, par leur caractère radical, leur inspiration ou leurs modes d'action, de porter atteinte à la sécurité nationale ». C’est une définition politique injustifiée qui est donnée via le mot « radical », et que de surcroît le dictionnaire ne justifie pas, non plus. On remarquera que même le mémoire en défense emploie le mot « radical » à propos des mesures récentes exposées par le Ministère de l’Intérieur. Que vise-t-on avec le mot « radical » dans le décret 2008-609 ? Il existe même, en France et dans d’autres pays, plus d’un « Parti Radical » parlementaire.  Le mémoire en défense attribue à la DCRI la mission de « surveillance des mouvements subversifs violents et des phénomènes de société précurseurs de menaces ».  Ce n’est pas du tout ce que dit le décret 2008-609, dont le texte se livre à un dangereux amalgame politique portant atteinte à une liberté fondamentale.

Le même problème se pose pour CRISTINA, fichier dont j’ai demandé la communication du décret pertinent mais à ce jour je n’ai reçu aucune réponse et je ne peux pas y accéder. C’est pourquoi j’ai l’honneur de demander à la Haute Juridiction de bien vouloir accéder à ce décret. Cependant, il me semble que les vices signalés dans la définition même des missions de la DCRI sont suffisants pour invalider un fichier défini d’après les mêmes critères et simultanément avec EDVIGE. La situation d’urgence découle des dangers évidents pour les personnes et les libertés que génèrent la présente opacité et la définition déjà exposée des missions de la DCRI, avec impossibilité totale de contrôler le contenu et l’usage des données.

Je produis, pli joint PJ10, le Décret 2008-609 suivi d’un extrait du site du Ministère de l’Intérieur évoquant le suivi de l’ « altermondialisme » et de la « défense des précaires » par les Renseignements Généraux ; (...) deux extraits des sites du Ministère de l’Intérieur et du Premier Ministre avec une définition des missions de la DCRI proche de celle donnée dans le mémoire en défense mais qui ne s’accorde pas avec le décret 2008-609 ; enfin, le décret 98-567 permettant en principe à une juridiction d’accéder à CRISTINA. (...) Et comment ne pas prendre position sur la question de la précarité dans la recherche ? Il me semble exister une démesure dangereuse dans nombre de définitions officielles en matière de renseignement.

(...) »

 

(fin de l'extrait)

 

A suivre

 

Luis Gonzalez-Mestres
lgm_sci@yahoo.fr
http://scientia.blog.lemonde.fr
http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com

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