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Vendredi 11 juin 2004 : Dernier bloc-note d’Alain Lipietz

Publie le vendredi 11 juin 2004 par Open-Publishing
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Eh oui. Conformément à la loi, ce site sera « gelé » ce soir à minuit.

 Un extrait pou le plaisir :
(…)

…. Puis, une heure et demi de débat avec Francis Wurtz puis de nous deux avec les auditeurs, sur Beur FM.

De tous les eurodéputés français (non Verts), Francis est celui que j’aime et admire le plus. Sa rectitude, son affabilité, sa clarté. Et même son passé de communiste de la grande époque.

Un jour, au Forum Social Européen, j’observais les Vertes allemandes muettes de respect devant un homme. Francis me le présenta : Hans Modrow, l’ultime et éphémère président de la RDA. Puis il me raconta le respect qu’il avait toujours éprouvé pour cet homme, et qui reste partagé par la population allemande. J’entendais dans son éloge une sorte d’autoportrait. Francis aurait pu, finalement, incarner en France une forme de socialisme à visage humain, en parfaite continuité avec son engagement antérieur.

Cette évolution souterraine, mais qui reflète une continuité d’engagement, on le retrouve dans son évolution sur l’Europe. IL SAIT QUE TOUT SON PARTI EST ANTI-EUROPEEN, SOUVERAINISTE. Lui, probablement, ne l’est plus. Alors il s’en tire en répétant ce slogan creux : « L’Europe oui, mais pas celle-là ». J’AI ENVIE DE LUI REPONDRE : « LA FRANCE, OUI, MAIS PAS CELLE LA, LE MONDE, OUI, MAIS PAS CELUI LA ».

Le fond de la question, c’est que ces ex-souverainistes de gauche n’osent pas s’avouer qu’ils ne croient plus que la politique se joue en ignorant ce qui existe : l’Europe telle qu’elle est, qui sert de cadre à notre lutte, et qu’il nous faut réformer. Du vers de Paul Eluard : « Un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci », ils évacuent la seconde partie. MAIS JE SAIS QUE FRANCIS EN TIENT LE PLUS GRAND COMPTE... DANS SA TETE. LUI A VOTE DE LA TAXE DE TOBIN, ET FIN CONNAISSEUR DU PARLEMENT, OU IL SIEGE DEPUIS DES LUSTRES, AVAIT AVERTI LES ELUS LCR ET LO QUE LE VOTE SE JOUERAIT A QUELQUES VOIX PRES : LES LEURS !

Débattre avec lui est un plaisir et un piège :je souhaite ardemment qu’il soit réélu, mais il est en concurrence avec Alima, et surtout avec la liste Euro-Palestine. Justement les auditeurs se déchaînent en faveur de cette liste, qui risque de compromettre sa réélection. Rien n’y fait : une partie de l’électorat de Beur FM est prête à sacrifier, avec la réélection d’Alima et de Francis, les meilleurs défenseurs de la cause palestinienne au Parlement. En fait, on sent bien qu’ils se foutent de qui sera élu, ce qu’ils veulent c’est clamer par ce vote leur rage devant le racisme en France, leur humiliation quotidienne, ces « politiciens qui ne s’occupent pas d’eux ».

Nous avons beau lire au micro l’appel de Leïla Shahid, déléguée en France du peuple palestinien, à ne pas voter pour Euro-Palestine, rien n’y fait. Le mot « politicien », s’adressant à Francis, le blesse vraiment. Je me surprends à le défendre, alors que je suis là pour faire la pub d’Alima.

Je file ensuite au Marché des Blancs Manteaux, jolie structure couverte au cœur du Marais que les associations ont sauvée de la rage « rénovatrice » de la période chiraquienne, où se tient le débat sur la santé. Pas mal de monde, des habitants du quartier, d’excellents intervenants. Mais on sent bien, dans le débat avec Annick Flageollet, du collectif « La santé n’est pas une marchandise ! », ce qui sépare les Verts (et les médecins ou collectifs de patients dont ils sont proches) de la « gauche de la gauche ». Cette dernière se bat surtout pour le remboursement des soins à 100%, et nous pour garder la santé et ne pas tomber malade... notamment d’un excès de médicaments !

Il faut pour cela reconnaître que nous abordons une seconde révolution pasteurienne : l’humanité n’est plus seulement agressée par les microbes (à part les virus du Sida et autre Sras) que par les molécules qu’elle disperse elle-même dans la nature et ingurgite. D’ailleurs la première révolution pasteurienne reposait plus sur l’hygiène que sur la vaccination. Une politique de santé, aujourd’hui, c’est d’abord prévenir les pollutions, ensuite faire participer les pollueurs au financement du système des soins, et tout cela passe par l’Europe.

La discussion se poursuit dans la nuit tiède, jusque sur le trottoir, avec les habitants….

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