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Formation professionnelle : avis de tempête sur l’AFPA

Publie le lundi 14 juin 2004 par Open-Publishing

Humanité

Dans le cadre de la décentralisation, l’association de formation des adultes sera mise en concurrence. La direction prépare un plan de réduction des coûts et de suppression de 615 emplois.

Sombre avenir pour l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Jeudi, la direction a présenté au bureau de l’association un " projet de plan d’entreprise " qui prévoit la suppression de 615 emplois d’ici 2009. Le 29 juin, l’assemblée générale de l’association examinera ce projet. Si elle l’adopte, la procédure d’information et consultation du comité central d’entreprise pourra être lancée dès juillet, pour application en octobre. Or, dans cette AG tripartite, les représentants de l’État et du patronat, favorables au projet, sont majoritaires face à ceux des organisations syndicales.

Ce " plan d’entreprise " a été concocté par Pierre Boissier, placé en octobre à la direction de l’AFPA par le ministère du Travail. Son objectif est ni plus ni moins la réduction des coûts, dans un contexte de mise en concurrence de l’association sur le marché de la formation. Créée en 1946 pour contribuer à la reconstruction, l’AFPA fait partie, avec l’ANPE, du service public de l’emploi, sous tutelle de l’État. Avec 12 000 salariés dont 5 000 formateurs et 800 psychologues, l’essentiel de son activité est l’orientation et la formation longue et qualifiante des chômeurs pour le compte de l’État, qui assure 70 % de son financement au travers d’une subvention. Une architecture remise en cause par la loi de décentralisation, adoptée en avril par l’Assemblée nationale en première lecture.

Dans son article 8, le texte prévoit le transfert des crédits de formation aux régions, et la suppression de la garantie d’affectation à l’AFPA. Sur les 710 millions d’euros de la subvention actuelle de l’État à l’association, environ 500 millions passeraient aux mains des régions, mais celles-ci pourraient passer commande auprès de n’importe quel prestataire de formation, y compris privé à but lucratif (1). " En 2009, 70 % des ressources de l’AFPA devraient se situer hors commandes de l’État et sans garantie d’affectation des crédits ", explique le projet de la direction, présenté jeudi au bureau. Avec ce désengagement de l’État, l’association n’aura plus de crédits fixes, et devra chercher des commandes auprès des conseils régionaux, généraux, des ASSEDIC et des entreprises, dans un univers concurrentiel.

" Dans ce contexte, estime la direction, il ne sera plus possible de conserver durablement des tariLa recette est simple : le plan d’entreprise prévoit un " gel des augmentations salariales en 2004 et 2005, représentant une économie de 18,9 millions d’euros ", une " réduction de 100 emplois de CDD " (4 millions d’euros), une " réduction au minimum de 615 du nombre de CDI " (33,1 millions d’euros). Les suppressions de postes toucheraient surtout les emplois administratifs et techniques, les ingénieurs qui élaborent les formations, et le siège à Montreuil. La direction compte sur des départs naturels ou volontaires pour effectuer " en douceur " cette réduction d’effectifs d’ici fin 2008.

La restructuration entraînerait aussi près de 200 mobilités forcées (à moins de 50 kilomètres), qu’un salarié ne pourrait refuser sous peine de licenciement. Dans le nouvel esprit maison, le projet prévoit en revanche l’embauche de 83 chargés de clientèle, pour " promouvoir l’offre de services de l’AFPA auprès des différInformée depuis janvier, l’intersyndicale CGT-CFDT-CFTC-CFDT-FO-CGC-SUD a rejeté en bloc ce projet, estimant que les suppressions d’emploi sont injustifiées. La réduction des coûts se traduira par une baisse de la qualité des formations, tandis que la mise en concurrence incitera l’AFPA à s’occuper de moins en moins des chômeurs en difficulté, pour pouvoir afficher de meilleurs " résultats " en termes de retour à l’emploi.

Pour Jacques Coudsi (CGT), c’est un " plan de casse " qui va " faire entrer l’AFPA dans une dynamique qui obligera par la suite à de nouvelles suppressions d’emploi ". La direction a choisi de cibler les postes administratifs, mais pour Jean-Marc Bouchet de Force ouvrière, " la division ne marche pas : ici tout le monde sait que les personnels administratifs, les magasiniers, etc., sont indispensables à la qualité de l’accueil et des formations. " Après une première grève suivie à 50 % le 27 avril

(1) Un marché juteux s’ouvre aux entreprises de formation privées, sur le dos des chômeurs.