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Blocage Virgin

Publie le dimanche 21 décembre 2008 par Open-Publishing
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Toulouse. Samedi 20 décembre après-midi. LA journée nationale des courses de Noël. Virgin Mégastore rate le coche.

Pendant quatre heures, des intermittents et autres précaires bloquent les deux entrées du magasin situé en plein centre de la ville rose, face au donjon du Capitole, dans l’ « artère » principale, la rue Alsace Lorraine, à deux pas du « Marché de Noël ».

Une centaine de personnes, dix mille selon la police, divisée en deux groupes ont investi (à un taux de cent pour cent d’après les derniers cours de la Bourse) les deux porches où les bouches du métro vomissent les porteurs de petites pièces dont ils comptaient se débarrasser chez Butler Capital Partner... entre autres, contre quelques objets brillants.

« Tapis dans l’ombre » accentuée par un ciel bas et la coupure des lumières par la direction du magasin, de courageux femmes et hommes, non syndiqués, CNT, quelques badges CGT, serrés devant les portes, affichent de maigres pancartes, une grande banderole qui crie « Résistance » et mégaphonent sporadiquement quelques slogans : « Chômage, précarité,... y’en a assez ! », « Le Capital au RMI, les bourgeois au RSA ! ».

Les RG et les BAC virevoltent sur le trottoir d’en face, viennent renifler de plus près, bigophonent, murmurent à leur col de blouson : « Allo, la Kommandantur ? - Yafol – Il y a un chuif-consommateur qui n’a pas mis son bonnet de Père Noël clignotant, was macht man ? - Mettez l’inspektor Derrick sur le coup, schnell ! - Il est tot ! - Ach ! Crapule ! Il se débine pour ne pas servir le Führer ! Fusillez-le ! ».

Il est vrai qu’ils ne peuvent pas faire grand chose d’autre que prendre des photos, vu la foule.

LA FOULE ! Ça (oui, ça !) se presse dans le moindre espace. Ça grouille, et oui, littéralement, ça grouille. Ça rentre et ça sort de tous les orifices des vitrines luxueuses qui canalisent le flot que rien n’arrête que sa propre compacité. Comme dans des centaines de villes en France, des milliers dans le monde, le centre ville tout entier est bourré d’êtres humains qui se vivent certainement comme des individus singuliers mais ont des apparences de troupeau téléguidé, menés par autant de fils de pêche invisibles. La notion de « masse » prend corps, là.

Là-dedans, vu du haut du donjon, le petit mur humain est invisible. Aussi invisible que les multiples combats que mènent dans leurs entreprises les futurs "assédisés " qui peut-être sont là, dans la foule, passant à une rue plus loin, sans savoir que l’on se bat pour leur prochain statut. Aussi invisible que les indiens Tupis Guaranis qui luttent et qui meurent dans le film « Les hommes rouges » qui passe en ce moment à deux pas de là.

Une partie de cette masse vient buter contre ce petit mur ridicule qui l’empêche de satisfaire ses désirs : « Mais vous pensez aux enfants ! Nous, les gens qui travaillons, nous n’avons qu’aujourd’hui pour acheter leurs petits cadeaux. Vous ne pouvez pas les en priver ! » Et ils replongent dans le flot, tirant, ou tirés, par les marmots qui se frottent le nez aux culs de la foule qui les roulent. Mais la plupart d’entre eux, voyant l’accès barré, repartent illico, comme anesthésiés par le fait de ne rien maîtriser de ce qui leur arrive. Ce serait une grève du personnel, une alerte à la bombe, le directeur parti avec la caisse, une invasion de rats, ce serait pareil. « Ah ? C’est fermé ? ». Par ci, par là, certains lâchent : « Enculés ! » à l’adresse des empêcheurs de dépenser en rond, à voix basse. Mais pas d’agression. On sait que ça existe, la pauvreté, le chômage, on en entend parler à la télé. Mais la télé, c’est pas la rue...

Une petite animation au moment où des lutins et leur char jetés par la mairie pour animer la rue et favoriser l’achat, s’arrêtent un long moment et saluent leurs confrères des porches. « Les lutins, avec nous ! Les lutins, avec nous ». Puis ils passent, solidaires mais il faut bien perdre sa vie. Le flot les engloutit.

Peu à peu, le fleuve se tarit, beaucoup sont allés manger les marrons chauds au Marché de Noël. La troupe se regroupe et part vers d’autres lieux...

Bon courage les filles et les gars. Nous partîmes cinq cent...

P’tit Nico

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