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Cesare Battisti : lettre de C. Mesplède à l’éditorialiste du Figaro Magazine

Publie le dimanche 20 juin 2004 par Open-Publishing
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A Monsieur Joseph Macé-Scaron,

Je viens de lire votre article "Les dictateurs à penser". Il me choque dans la mesure où vous faites allusion à "l’affaire Battisti", exemple de la dérive, écrivez-vous, "de nos rien pensants". Il est assez drôle, ce faisant, de relever dans votre texte, au demeurant assez péremptoire, tous les défauts et les manques de nuances que vous reprochez à un pouvoir intellectuel non identifié mais que vous auriez tendance à situer à Saint-Germain des Prés.

Pour ma part, même si j’écris des livres, j’ignore si j’appartiens à cette race décriée par vous ou non. Je me considère avant tout comme un simple citoyen engagé par la parole donnée en 1985 par le président de la République de l’époque, François Mitterrand. En accueillant sur notre sol, plusieurs dizaines d’activistes italiens, (ceux que votre journal appelle des terroristes alors que, vous le savez aussi bien que moi, ces gens-là n’ont rien de comparable avec les véritables terroristes dont les méfaits endeuillent la planète quotidiennement), il engageait la parole de la France et cet engagement a été respecté par la dizaine de gouvernements de droite comme de gauche qui se sont succédé depuis. Vous ne pouvez nier cette réalité. Ce "monde concret" comme vous l’écrivez. Vous n’ignorez pas non plus que le gouvernement de M. Juppé accorda en son temps un permis de séjour à Monsieur Battisti jusqu’en 2007. Tout cela donne à réfléchir tout de même.

C’est pourquoi votre article me choque. Vous faites comme si cet homme Battisti, qui vivait depuis 1991 en France, au vu et au su du gouvernement et de la police, était soudain devenu une personne dont on découvrait l’existence et le passé. Vous qui vous renseignez toujours avant d’écrire pour rester dans le "monde concret", vous savez très certainement qu’un courrier du ministère des affaires étrangères informait en date du 11 février 2004 monsieur Battisti de la prochaine parution au Journal officiel du décret portant sa naturalisation. (après deux ans d’enquête et un avis favorable du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité). Je ne pense pas que les personnes qui ont enquêté et décidé de cette naturalisation aient fait preuve de cet esprit partisan que vous semblez reprocher à ceux qui soutiennent la cause de M. Battisti. Pour ma part, je soutiens le respect de la parole donnée car je suis scandalisé par les promesses non tenues par les hommes politiques, leurs engagements rarement respectés et le mépris dans lequel ils tiennent généralement leurs électeurs.

C’est cela mon monde concret. Lorsque j’engage ma parole je la respecte. C’est ma conception de l’honneur et de la droiture, en espérant que ces mots de moins en moins usités dans une société qui va à vau-l’eau ne vous arracheront pas un sourire. Soyez attentif monsieur Joseph Macé-Scaron. Je n’ai pas l’honneur de vous connaître et je ne mets pas en doute votre bonne foi. Mais dans cette affaire qui n’est en rien comparable à l’affaire Dreyfus (même si de piètres historiens ont osé la comparaison), les choses sont d’une grande simplicité. À ce propos, je vous conseille de lire l’ouvrage publié par Fred Vargas "La Vérité sur Cesare Battisti" dont je suis co-signataire. Il contient des faits irréfutables que d’ailleurs personne n’a réfuté depuis la sortie de ce livre. Monsieur Battisti était sous la protection de l’état français. Il doit y rester. C’est le sens d’une pétition nationale qui a recueilli 24.000 signatures d’hommes et de femmes de toutes obédiences. On y compte même quelques élus du parti de l’UMP ce qui tendrait à prouver que notre démarche ne relève pas de la droite ni de la gauche, mais tout simplement de la défense des idéaux républicains.

Claude Mesplède

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