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Un jeûne pour alimenter le courant anti-EPR

Publie le mercredi 23 juin 2004 par Open-Publishing

Par Alexandra SCHWARTZBROD

Nucléaire : à partir de lundi, trois militants cesseront de se nourrir pour
réclamer l’abandon du nouveau réacteur et sensibiliser l’opinion.

Le clin d’oeil est cruel. Alors que trois militants antinucléaires se
préparent à entamer, lundi, un jeûne « indéterminé » pour réclamer l’abandon
du projet de réacteur nucléaire EPR et la réorientation des budgets vers les
énergies renouvelables, la direction d’EDF engagera mardi « le processus de
consultation » pour déterminer le site de construction du démonstrateur de
l’EPR.

Une façon de montrer le peu de cas qu’elle fait - et le gouvernement
avec elle - des critiques qui se sont élevées dans la classe politique et
chez certains experts contre ce réacteur censé faire la jonction entre les
réacteurs vieillissants du parc actuel et ceux de la génération future,
attendus en 2030. Une façon surtout de montrer que tout est bouclé et que
rien n’entamera la détermination des pouvoirs publics à lancer l’EPR.
Temporiser.

Soutenus par des associations écologistes (Agir pour
l’environnement, Les Amis de la terre, Sortir du nucléaire, Greenpeace) et
par les Verts, les trois futurs jeûneurs sont malgré tout décidés à aller
jusqu’au bout de leur combat. Ce ne sont ni des fous furieux, ni des
doux rêveurs. Si l’abandon de l’EPR fait partie de leurs revendications, ils
savent qu’ils ne parviendront pas à eux seuls à l’obtenir.

Mais ils espèrent
provoquer dans l’opinion une prise de conscience qui poussera le
gouvernement à temporiser. Jusqu’en... 2007. A cette date, une nouvelle
majorité en France ou de nouvelles directives en Europe pourraient,
espèrent-ils, retoquer le projet EPR. « On connaît la stratégie Raffarin : un
dossier gênant, on le remet sous la pile... », déclarait l’un d’eux, vendredi
au cours d’une conférence de presse suivie de près par les autorités puisque
les Renseignements généraux y avaient envoyé une observatrice « pour
information ».

Concrètement, après un dernier repas pris dimanche à midi
dans un square de la capitale à l’occasion d’un pique-nique de soutien, les
trois hommes s’installeront dans un appartement prêté pour l’opération par
la Mairie de Paris où ils n’avaleront plus que de l’eau. Suivis par un
médecin, ils s’arrêteront quand ils auront conscience d’avoir atteint leurs
limites. « On n’est pas suicidaire, on aime la vie et on compte bien y goûter
encore », explique André Larivière, 56 ans, animateur du réseau Sortir du
nucléaire, qui a déjà effectué deux jeûnes de plus d’un mois, en 1983 aux
Etats-Unis contre la course aux armements, et en 1986 en Allemagne contre
les euromissiles.

« Le jeûne, c’est la force pure des gens pauvres. Areva (le
constructeur de l’EPR, ndlr) fait de la pub dans le monde entier, nous, on
n’a que notre énergie propre... » Ses deux partenaires sont sur la même ligne
 : Dominique Masset, 51 ans, du mouvement Appel pour une insurrection des
consciences ; et Michel Bernard, 46 ans, fondateur de la revue Silence qui
prône la décroissance. « Ce jeûne, c’est une démarche très humaine »,
déclarait à leurs côtés la sénatrice (Verte) du Nord, Marie-Christine
Blandin, qui ajoutait en fustigeant le lobby nucléaire : « Ce sont des vieux
nucléocrates, l’EPR est leur Viagra ! »

Les jeûneurs devant s’affaiblir au fil des semaines (ils devraient perdre un
kilo tous les deux jours), des « négociateurs » ont déjà été désignés pour
faire le lien avec les pouvoirs publics. Parmi eux, Michèle Rivasi,
ex-député de la Drôme (apparentée PS) et experte du nucléaire, qui vient de
quitter la tête de Greenpeace France.

Libération