Consommez ! C’est un ordre !

de SuperNo

Connaissez-vous Jean Quatremer ? C’est un journaliste qui tient un blog à Libé. Un blog qui fut même un temps le “premier blog politique de France”, du moins si on en croit les “oracles infaillibles” de Wikio. Quatremer vit à Bruxelles, d’où il tient ce blog qui a pour but premier la promotion des institutions européennes. Il est aussi le nouveau président de l’”Association de Journalistes Européens”

Il est donc un peu le porte-étendard de tous ceux qui “sautent sur leur chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe !” EDIT :

Afin de prévenir toute accusation primaire dont les oui-ouistes sont coutumiers, du genre “Tu votes contre le TCE, c’est que tu es CONTRE L’EUROPE”, je préfère annoncer la couleur tout de suite : tout aussi européen que vous, tas de ouiouistes ! D’ailleurs je ne sais pas ce que peut signifier “Etre contre l’Europe”. C’est un peu comme “Etre contre le soleil”, ou “Etre contre la mort”… Je suis français, je vis en Lorraine, et je travaille au Luxembourg.

En moins d’une heure de bagnole, je peux me rendre en France, en Belgique, au Luxembourg ou en Allemagne. Les frontières m’emmerdent, leur disparition me réjouit donc, et je suis par ailleurs très content de l’euro, ne serait-ce que d’un point de vue pratique, et sans être dupe du type de politique budgétaire uniforme qu’il a induit. On ne peut donc pas me classer parmi les grincheux du style “c’était mieux aaaaaavant, faut revenir au franc…”

Non, ce que j’ai toujours combattu dans ces traités européens, c’est cette volonté quasi-désespérée d’ancrer, de graver dans le marbre les lois libérales : “la concurrence libre et non faussée”, la prééminence absolue du privée contre le public, la croissance, et son étalon universel et indépassable : le pognon. Comme si on ne pouvait pas concevoir l’Europe autrement… Comme un espace de solidarité, de coopération, de vrai progrès, où l’on prendrait le meilleur de chaque pays.

J’aimerais tant que le Parlement Européen ait plus de pouvoir, qu’il soit plus représentatif du peuple, qu’il ne soit pas seulement un endroit qui serve à recycler les ministres, comme Sarkozy nous le démontre de manière si scandaleuse en y envoyant Barnier qui a selon lui “le charisme d’une huître” (dixit Le Canard) et Rachida Dati, dont la tâche est de rendre la liste “plus bandante” (dixit toujours le Canard), et à laquelle il promet de retrouver un poste ministériel dans un an !

L’Europe telle qu’on nous la propose n’a rien de la Grande Idée dont on voudrait qu’elle nous fît venir la larme à l’œil : c’est plus prosaïquement le moyen pour les entreprises de trouver de nouveaux marchés et de la main d’œuvre moins chère ailleurs, et d’harmoniser par le bas le coût du travail et la protection sociale… Certain commissaire européen avait même trouvé l’idée géniale et tellement révélatrice d’autoriser des Polonais à travailler en France sous le régime du droit du travail et du salaire polonais ! Cette histoire avait même contribué à déclencher la fronde qui avait conduit à la déroute de 2005.

Quatremer a donc été fort marri du NON français au TCE en 2005, malgré la formidable propagande mise en œuvre pour le OUI par tous les médias, et dont il fut à son niveau l’un des plus déterminés. Il en a conçu une grande aigreur, qui l’a déjà conduit à raconter n’importe quoi, comme le rapporte CSP (dans le style inimitable qui fait son succès) .

Jean Quatremer démontre aujourd’hui (s’il en était encore besoin) que tous ceux qui ont nourri des craintes à propos des dérives libérales des ouiouistes ont non seulement eu raison, mais qu’ils étaient encore largement en-dessous de la réalité. Car désormais, il jette le masque et franchit un nouveau palier dans le délire. J’avoue commencer à être sérieusement inquiet pour sa santé mentale. Lisez plutôt…

Un chef d’oeuvre de bêtise : Salauds de pauvres ! Vos patrons vous mettent au chômage partiel, vous licencient, ou vous avez tout simplement peur de l’avenir et vous achetez moins de conneries (0.5% en décembre, quel drame !) ? C’est votre faute, tout ça ! Je vous demande de consommer ! Je ne vous le demande pas, je vous l’ordonne ! Je veux et j’exige ! Achetez n’importe quoi, des actions, des maisons, en plus c’est moins cher en ce moment, mais qu’attendez-vous pour vous jeter dessus, tas de boeufs suicidaires !

Pourquoi ne se révolte-t-il pas plutôt contre ces entreprises, partout dans le monde, dont les comptables anticipent (voire prennent pour prétexte) la crise pour licencier sans pitié, avec tout le discernement dont est capable un tableur, tant de pourcents de son personnel ? N’est-ce pas révélateur d’un certain état d’esprit, complètement déconnecté de la réalité : l’entreprise est tout, l’humain n’est rien ? L’entreprise est le but, l’humain est le moyen ?

Jean Quatremer, qui ne trahit d’ailleurs pas les principes sous-tendus par le traité européen, semble donc sincèrement persuadé que la raison d’être de l’homme sur terre est de consommer, et pire, qu’il est condamné à consommer encore et toujours plus sous peine de disparaître à brève échéance. Il nous prend en quelque sorte pour des robots décérébrés. Quel glorieux dessein ! Quelle pathétique pitrerie !

Je ne sais pas si vous réalisez la portée de ce genre de raisonnement. Ce mec est fou, complètement drogué. Il a perdu le sens commun, et en vient à s’exciter comme le poisson qui réalise qu’il est pris dans la nasse, et quand il voit que ses lubies commencent à se heurter à la dure réalité. Il ne sait même plus qui il est, qui nous sommes.

Il faut dire que Jean Quatremer est juriste. Il avait peut-être quelques lacunes en mathématiques ou en philosphie… Doit-on lui réexpliquer qu’une croissance infinie n’a pas de sens dans un monde fini ? Et que la finitude du monde, il n’y a plus besoin de grosses jumelles pour l’apercevoir, là, tout près, qui se rapproche à grandes enjambées ? Et qu’accessoirement le bonheur ne se mesure pas au nombre de 4x4 dans son garage ou de résidences secondaires à Deauville ou à Cannes ?

Tenez, une expérience à faire. Prenez une voiture, même très puissante. Prenez une route, mettons le ring de Bruxelles, que Quatremer doit bien connaître. Ou le périph parisien. Faites-le boucler, de telle sorte qu’il n’y ait aucune autre voiture que la vôtre. Oui, c’est de la théorie. Maintenant démarrez, et accélérez à fond ! Vous sentez comme ça pousse ? C’est jouissif, hein ? Allez, encore, plus vite ! Hé ho, attention, il y a un virage, là, fais gaffe, t’as failli te planter ! De toute façon, au bout d’un moment, quelle que soit la puissance de la bagnole, ça s’arrête de pousser. Et au bout de quelques centaines de kilomètres, c’est la panne sèche. Voilà, c’était juste une allégorie sur la croissance infinie…

“la flambée du prix des matières premières et des produits agricoles n’est plus qu’un souvenir” écrit-il… Oui, c’est exact, la spéculation ça marche dans les deux sens… Mais rassurez-vous, les données de base n’ont pas changé, ce n’est pas une variation de la consommation de quelques pouièmes de pourcents qui va changer grand chose, et sa rareté se rappellera forcément bientôt à votre bon souvenir…

Et s’il n’y avait que le pétrole ! Nous pillons avec une frénésie et une férocité irresponsables toutes les richesses que la Terre renferme, et qu’elle a mis des milliards d’années à produire : nous avons donc bouffé plus de la moitié du pétrole en quelques dizaines d’années, mais c’est aussi le cas de l’uranium, quand certains (suivez mon regard) ne jurent que par le nucléaire au point d’envisager de construire en France une centrale privée (mais dont les déchets et le coût du démantèlement seront bien publics !)…

Nous avons pillé l’Afrique et la pillons encore ! Nous avons dévasté son sous-sol, corrompu ses dirigeants, affamé et tué une partie de sa population, afin de pouvoir construire nos téléphones portables, nos ordinateurs, nos écrans LCD, tout en leur vendant nos armes. Vous connaissez l’histoire du coltan en République “Démocratique” du Congo (une ancienne colonie belge au passage) ? De la même manière, où et comment allons-nous trouver les millions de tonnes de lithium nécessaires pour alimenter la fabrication de milliards de voitures électriques ? Ou le platine nécessaire à la fabrication en masse des piles à combustible qui propulseront nos futures putatives bagnoles à hydrogène ? Inutile de chercher, nous ne les trouverons pas, il n’y en a pas assez !

Et le réchauffement climatique, qui est selon bon nombre de connaisseurs LE problème du monde. Pas selon nos politiciens, qui s’en servent pour meubler de grands discours larmoyants, mais qui est en fait le cadet de leurs soucis. N’a-t-il pas encore atteint la Belgique, pour que Jean Quatremer ne le prenne pas en compte ?

Consommer bouffe de l’énergie, consommer bouffe des ressources naturelles, consommer rejette des gaz à effet de serre qui réchauffent le climat, consommer produit des déchets, consommer est une hérésie. Et accessoirement, consommer rend con ! Comment peut-on donc sérieusement penser que cela puisse être une solution à nos problèmes, puisque c’est une composante majeure du problème lui-même ?

L’occidental aisé, celui qui seul lit le blog de Jean Quatremer (et accessoirement le mien) possède déjà une quantité déraisonnable de biens matériels. Mais drogué qu’il est, il en veut encore plus ! Qui aura donc le courage de lui faire entamer une cure de désintoxication, au lieu de le pousser encore à entretenir davantage son vice ?

Seuls les plus pauvres d’entre nous (et il y en a évidemment), les smicards, chômeurs, les RMIstes, les intérimaires, les temps partiels subis, les petits retraités, sans même parler des “hors circuit”, SDF ou autres peuvent légitimement réclamer une hausse de leur “pouvoir d’achat” et de leur consommation, ne serait-ce que pour subvenir à leurs besoins élémentaires d’alimentation et de logement décents. On peut y parvenir sans tirer davantage sur les ressources naturelles, il suffit de mieux partager les biens existants, ce qui n’est pas très difficile, vu la scandaleuse inéquité du mode de partage actuel, qui lui ne semble pas troubler le moins du monde monsieur Quatremer.

Mais les autres ? Se rendent-ils compte que leur “pouvoir d’achat” est très supérieur à ce que la planète peut encaisser ? Non, manifestement, puisqu’ils sont comme lui, à faire la danse de la pluie autour de la statue du dieu Croissance…

La désintoxication va être longue et difficile.

La solution, elle est de faire exactement l’inverse de ce que Monsieur Quatremer et tous les libéraux du monde préconisent : elle est dans la sobriété, la raison, le partage et la décroissance. Stopper et inverser cette spirale ridicule et mortelle du toujours plus de croissance, qui est basée sur un triple non-sens mathématique, physique et philosophique, et qui ne peut terminer sa course folle ailleurs que dans un mur.

[J’ajoute cette photo : merci Vinz !]

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