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Enseignement Sup : les mensonges de Sarkozy

Publie le jeudi 12 février 2009 par Open-Publishing
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Je n’ai rien lu d’aussi fort depuis deux ans sur la loi LRU.
Ce texte d’Antoine Destemberg (Paris I) met magistralement en lumière les mensonges de Sarkozy et de Pécresse. Il met également en relief le niveau de sa réflexion : que ses discours soient écrits ou non par ses conseillers, le Chef de l’État ne peut s’élever au-dessus d’un médiocre Café du commerce.
 
Je me dis, par ailleurs, que si Sarkozy ment aussi effrontément lorsqu’il parle d’un domaine que je connais bien, il ment tout autant lorsqu’il parle d’autres choses que je connais moins bien. Destemberg retrace le cursus scolaire et universitaire de Sarkozy. Il a l’élégance de ne pas entrer dans les détails et de ne pas livrer au public – ça finira par se faire – les notes obtenues par le Président de la République tout au long de sa brillante scolarité... Elles sont moins bling-bling que ses montres !
 
Commentaire de texte du discours de Nicolas Sarkozy « À l’occasion du lancement de la réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d’innovation » (22 janvier 2009).
 
Texte et vidéo du discours :
 
INTRODUCTION
 
Ce discours du président de la République fut prononcé le 22 janvier 2009 au Palais de l’Élysée devant des ministres, élus, présidents d’universités, directeurs de grandes écoles et d’organismes de recherche et chefs d’entreprise. Suivant la stratégie de communication développée par les services de l’Élysée depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, ce discours fut, immédiatement après son allocution, rendu disponible sur le site Internet de l’Élysée, sous forme écrite, correspondant à 7 pages et sous la forme d’une vidéo, réalisée en plan fixe adoptant un cadrage unique sur la personne de N. Sarkozy et d’une durée fidèle à celle de l’allocution. Les mentions légales accompagnant la mise à disposition de ce texte précisent le cadre d’exploitation de ces documents appartenant à la catégorie des textes rédactionnels qui « n’ont pas de valeur officielle et n’ont pour but que de présenter les activités de la présidence de la République et faciliter l’accès aux contenus du site ».
 
Le statut « d’auteur » du texte est à examiner attentivement : de façon coutumière les discours des présidents de la République française, comme nombre d’autres responsables politiques, ne sont pas l’œuvre directe de ceux qui les prononcent. Un ou plusieurs auteurs, dont le statut peut être variable – chef de cabinet, conseiller, communicants divers –, proposent un texte ayant vocation à servir de support au discours, mais c’est la prononciation et celui qui réalise cette performance qui engage la responsabilité morale quant aux propos tenus. Aussi, convient-il de considérer que Nicolas Sarkozy est bien l’auteur de ces propos. Notons en complément, la variation régulière entre format écrit et format oral de ce discours, qui nécessite que les services de communication de l’Élysée opèrent une adaptation dialogique entre texte écrit et paroles prononcées dans la formalisation finale du texte proposé : en d’autres termes, le texte initial est modifié à l’issue du discours pour l’adapter partiellement à la réalité des propos tenus, et inversement les propos tenus lors du discours sont inégalement restitués dans le texte final opérant ainsi une régulation a posteriori de la parole présidentielle.
 
Sans entrer dans les détails biographiques concernant le président de la République que tout le monde a en tête, il convient de préciser ses rapports personnels avec le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, avant même son accession au pouvoir en mai 2007. Après un baccalauréat série B préparé dans l’établissement privé Cours Saint-Louis de Monceau (Initialement inscrit au lycée Chaptal (Paris 8e), il est contraint de le quitter dès la première année pour permettre son redoublement en classe de sixième) et obtenu en 1973, N. Sarkozy poursuit des études de droit à l’université Paris X Nanterre, où il obtient après cinq ans d’études (1978), une maîtrise de droit privé. Après avoir satisfait aux obligations militaires, il entre à l’Institut d’Études Politique de Paris (communément appelé Sciences Po Paris) dont il ressort sans avoir réussi à obtenir le diplôme, mais achève ses études en février 1980 en soutenant un DEA de sciences politiques. Il obtient en 1981 le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), et intègre une carrière juridique spécialisée dans le droit des affaires et le droit immobilier, qu’il délaisse très vite au profit de la carrière politique : il est en effet élu maire de Neuilly-sur-Seine en 1983, après avoir été conseiller municipal depuis 1977, promu par Charles Pasqua à la tête de la section RPR de Neuilly dès 1976.
 
Ces liens lâches avec le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche se confirment dans les postes ministériels qu’il occupe : ministre du budget de 1993 à 1995 période durant laquelle nous aurons l’occasion de revenir sur son action en direction de l’ES&R, de l’Intérieur de 2002 à 2004, de l’Économie, Finance et Industrie de mars à novembre 2004, puis à nouveau de l’Intérieur de 2005 à 2007. Cela n’empêche toutefois pas le candidat et président Sarkozy de manifester un intérêt pour certains aspects de l’activité de recherche et d’enseignement, notamment dans le domaine de l’histoire qui nous intéressera ici plus particulièrement :
 
- Du point de vue de la méthode historique, lors d’un entretien avec le médiatique philosophe Michel Onfray, réalisé au siège du ministère de l’Intérieur (place Beauvau) et paru dans Philosophie Magazine de mars-avril 2007, la question de la valeur justificative des explications historiques est abordée : à M. Onfray qui dit, « expliquer, ce n’est pas excuser. Par exemple, beaucoup d’historiens ont travaillé sur l’Allemagne des années 1930, sur la montée du nazisme, sur la mise en place d’une mécanique génocidaire. Ces historiens ne peuvent pas être accusés de complaisance envers l’horreur des camps, ni de justification » ; NS répond « Qu’un grand peuple démocratique participe par son vote à la folie nazie, c’est une énigme. Il y a beaucoup de nations à travers le monde qui traversent des crises sociales, monétaires, politiques, et qui n’inventent pas la solution finale ni ne décrètent l’extermination d’une race. Mieux vaut admettre qu’il y a là une part de mystère irréductible plutôt que de rechercher des causes rationnelles. » (http://www.philomag.com/article,dialogue,nicolas-sarkozy-et-michel-onfrayconfidences- entre-ennemis,288.php). Affirmation qui fait douter de sa compréhension des enjeux des SHS (Sciences Humaines et Sociales) et de la méthode historique, malgré les citations de Marc Bloch dont il use à plusieurs reprises (Maison-Alfort, le 02/02/2007 et Caen, le 09/03/2007) (Gérard Noiriel, « Marc Bloch », dans Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, dir. L. de Cock, F. Madeline, N. Offenstadt et S. Wahnich, Paris, Agone, 2008, p. 36-39).
 
- L’implication de NS dans les questions historiques et mémorielles connut une inflation avec son élection à la présidence de la République, de sa prise de fonction avec l’établissement d’une journée commémorative chaque 22 octobre consacrée à la lecture de la lettre de Guy Môquet (tombé en désuétude dès la 2e année), jusqu’à la décision récente de créer un musée de l’histoire de France (rappelons qu’il en existe déjà un à l’Hôtel de Soubise), en passant par la volonté d’imposer que chaque enfant de CM2 parraine un enfant juif mort en camp de concentration (abandonné dès son annonce).
 
Sans entrer dans l’analyse des implications politiques de ces décisions, qui ont alimenté de nombreux débats, attachons-nous à souligner ce qu’elles révèlent de la conception de leur auteur de la méthode historique [Je me permets ici de renvoyer à un texte que j’ai écrit en octobre 2007 sur Sarkozy et Môcquet : http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/10/22/la-lettre-de-guy-moquet.html BG]. Pour NS, conseillé en cela par Henri Guaino et Max Gallo, la recherche historique sert à fabriquer un discours national, où l’émotion se substitue à l’analyse. Cette tendance mythographique, qui vise à isoler de tout contexte des prétendus faits historiques établis (Fanny Madeline et Yann Potin, « Fille aînée de l’Église », dans Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, op. cit., p. 87-90, avec les références bibliographiques p. 87.), et qui adopte une position essentialiste où la France existe depuis toujours et préexiste même à la formulation de son idée, se lit parfaitement dans le discours qu’il prononce au Latran, devant le pape Benoît XVI, le 20 décembre 2007 : « C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l’Église. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe. À de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Église et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas - de la conquête par Pépin le Bref, des premiers États pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique » ( http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat_id=7&press_id=819 ).
 
Suivant les conceptions brièvement évoquées ici, NS a hérité – plutôt qu’engagé – d’un processus de « réforme » du monde de l’ES&R, entamé sous la présidence de la République de Jacques Chirac qui avait placé à la tête du ministère de tutelle l’astronaute Claudie Haigneré (juin 2002-mars 2004). L’annonce du gel du nombre des postes à l’Université et de la diminution des postes de chercheurs dans les autres organismes (- 550) à la fin de l’année 2003, avait provoqué une première émotion dans le monde de l’ES&R : le 7 janvier 2004, 150 chefs d’équipes de recherche lancent un appel nommé « Sauvons la recherche ! » menaçant de démissionner de leur poste si cette politique était appliquée. La multiplication des actions collectives et le soutien rapide de l’opinion publique avaient obligé le ministre à revenir sur ces dispositions au mois d’avril 2004, mettant en place un Comité d’Initiative et de Proposition (CIP), présidé par le président de l’Académie des sciences (Étienne-Émile Baulieu) et son vice président (Édouard Brézin), et chargé de réfléchir en concertation avec les chercheurs à la politique de recherche en France. La communauté scientifique française ainsi mobilisée depuis le mois de février s’engagea à établir des propositions de rénovation du système de recherche et d’enseignement supérieur, créant des « États généraux de la Recherche », et se traduisant par une enquête d’une grande ampleur, aboutissant à la rédaction d’un rapport ambitieux, remis officiellement à Grenoble le 29 octobre 2004 : ce rapport de 89 pages d’analyses et de propositions fut en premier lieu bien reçu par le gouvernement de l’époque (François d’Aubert ayant remplacé Claudie Haigneré en juin 2004), qui salua la rigueur et l’équilibre du travail fourni (Rapport des États généraux de la recherche, novembre 2004, p. 2-4).
 
Toutefois, les décisions gouvernementales s’écartèrent notablement des propositions avancées et initièrent une volonté d’appliquer une conception managériale au monde de la recherche, qui se traduisit notamment par la création dès juillet 2004 de l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche) : il s’agit d’une agence de financement dotée de moyens très importants, permettant au ministère un pilotage plus direct des programmes de recherche et fonctionnant sur un système d’appel d’offres pour des « marchés » scientifiques à court terme (3 ans). Dès cette époque, les milieux scientifiques s’alarment de l’impact qu’une telle approche peu provoquer sur l’activité scientifique, et soulignent l’effet pervers d’un système d’incitation à dépenser des sommes importantes rapidement sans pouvoir garantir la continuité des recherches engagées ; la Cour des Comptes elle-même pointa dans son rapport annuel le caractère partiellement inadapté de ce cadre de l’ANR pouvant conduire à des gaspillages d’argent public.
 
En outre, ce nouvel organisme initiait une mise en concurrence par l’État d’une autre institution dont il avait pourtant lui-même le pilotage, le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).
 
À ce contexte plus directement lié à la recherche, s’ajoute celui de l’enseignement supérieur auquel il est indissolublement lié : la loi LRU, adoptée le 10 août 2007, constitue donc un arrière-plan légal à l’organisation de l’Université qui se dessine et dont les effets se laissent aujourd’hui percevoir au sein de 20 universités qui ont accepté de s’engager, à partir du 1er janvier 2009, dans la voie de ce que le gouvernement nomme – abusivement, nous y reviendrons – l’« autonomie ».
 
Le discours de NS du 22 janvier 2009 intervient à l’issue d’une série de discours prononcés tout au long du mois de janvier selon la tradition des vœux du président, ayant chacun valeur programmatique quant à la politique qui sera conduite dans l’année à venir (15 discours entre le 2 et le 22 janvier). Bien qu’intitulé « lancement de la réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d’innovation », les propos témoignent moins du lancement d’une réflexion que de son aboutissement, tant le discours est davantage dominé par des assertions que des questions. Texte touffus, voire confus, dans une langue française souvent approximative, il offre, sous la tutelle de notions telles que « réforme » ou « crise », une série de propos abordant essentiellement la politique menée en matière d’ES&R et qu’il justifie par un tableau catastrophiste de l’Université et de la recherche française attribuable selon lui au conservatisme et à l’incompétence de ses acteurs ( http://www.nouvelleuniversite.gouv.fr ).
 
Ce discours a provoqué un large mouvement d’indignation et un profond sentiment d’injustice de la communauté des enseignants-chercheurs qui se mobilisent actuellement par des biais variés pour condamner ce discours ouvertement hostile, provocateur et insultant. Cet exercice propédeutique de la méthode du commentaire de texte en histoire en est un exemple : il vise à montrer que la rhétorique présidentielle, largement partagée par celle du gouvernement tout entier – il suffit de visiter le site Internet « Nouvelle Université » du ministère de l’Enseignement supérieur pour s’en convaincre8 – repose sur une technique de communication devenue une méthode de gouvernement en France : le storytelling étudié par Christian Salmon (CNRS). Cette méthode de communication, née aux États-Unis durant les années 1980, consiste à inventer des histoires sans se soucier de leurs fondements véridiques pour légitimer des prises de décisions idéologiques (Christian SALMON, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007 ; et du même auteur, « La machine à fabriquer des histoires », Le monde diplomatique, novembre 2006. ( http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/SALMON/14124 ) ; une expression française, héritée de Molière, la résume parfaitement, « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ». À l’origine technique de marketing, elle fut utilisée dès la présidence de Ronald Reagan, puis largement par Bill Clinton et Georges W. Bush dans leur communication politique : l’exemple le plus révélateur fut notamment l’invention des armes de destruction massive irakiennes pour justifier la politique extérieure américaine au Moyen-Orient. Le discours de NS sur l’ES&R use des mêmes méthodes en inventant un constat souvent très éloigné de la réalité que l’on tentera de rétablir à l’aide de données statistiques proposées par les services du Ministère de l’ES&R et issues des enquêtes menées par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique), autrement dit en utilisant les même outils qui sont à disposition du gouvernement et du président de la République, dont on soulignera à l’occasion les limites (je précise que toutes les données chiffrées utilisées sont accessibles à tous sur Internet et donc vérifiables).
 
Nous examinerons donc trois des principaux aspects de cette story que raconte ici NS : nous vérifierions si l’Université et la recherche françaises sont effectivement si mauvaises (I), puis nous verrons si le discours de NS « n’est pas une question d’idéologie » notamment
économique (II), avant d’examiner si les enseignants-chercheurs sont avant tout mus par un esprit
de conservatisme (III).
 
I. « NOUS NE SOMMES PAS AUJOURD’HUI DANS LE PELOTON DE TÊTE DES PAYS INDUSTRIALISÉS POUR LA RECHERCHE ET L’INNOVATION »
 
A. « un système d’université faibles » inefficaces « dans la bataille de l’intelligence »
 
Page 3, § 3 : « Je ne vois nulle part qu’un système d’universités faibles, pilotées par une administration centrale tatillonne soit une arme efficace dans la bataille pour l’intelligence. C’est au contraire un système infantilisant, paralysant pour la créativité et l’innovation. C’est pour cela que l’on a donné l’autonomie aux universités. »
En passant sur le fait que NS décrive l’action de son propre ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche comme étant une « administration centrale tatillonne », soulignons qu’il justifie ici une réforme, la loi LRU, par une assertion fabuleuse, entendu comme relevant de la fable, des universités françaises faibles. Ce qui résonne évidemment derrière cette assertion est le mirage du classement de Shanghai, qui renvoie la 1ère université française au 42e rang (Paris VI) et place seulement 4 institutions françaises dans les 100 premières ; ce très médiatique classement établi par l’université de Shanghai est toutefois sur nombre de points contestable :
 
- sa méthode : il s’agit d’un indice calculé sur la base suivante : Prix Nobel et médailles Fields parmi les anciens élèves (10 %), Prix Nobel et médailles Fields parmi les chercheurs (20 %), articles publiés dans Nature et Science (20 %), nombre de chercheurs les plus cités dans leur discipline (20 %), articles indexés dans les bases anglo-saxonnes (20 %), performances académiques au regard de la taille de l’institution (10 %). Outre le poids exorbitant concédé au prix Nobel, qui limite l’activité de recherche à quelques disciplines seulement (il n’y a pas de prix Nobel pour les SHS), notons que ce classement vise avant tout à promouvoir le recherche anglo-saxonne ou en langue anglaise : les publications sont limitées à seulement deux revues américaines, ayant une politique éditoriale qui ne garantit en rien la fiabilité de ce critère (il serait intéressant, pour boucler la boucle, de comptabiliser le nombre de prix Nobel attribués à l’issue de travaux publiés dans ces deux revues). Soulignons également, en ce qui concerne le dernier critère (performance académiques), que cette méthode de classement met abusivement sur un même plan les universités pratiquant une sélection d’entrée parmi leurs étudiants, assurant mécaniquement des taux de réussite plus élevés puisque dispensant ses enseignements uniquement à une « élite » présélectionnée, avec des universités accueillant l’ensemble d’une classe d’âge au sein de laquelle ces universités se chargent par la suite d’assurer la promotion des
meilleurs, présentant donc des taux de réussite d’autant plus faible que le cursus proposé est exigeant. L’auteur de ce classement, Nian Cai Liu, explique lui-même que ce celui-ci est uniquement réalisé avec les informations disponibles sur Internet et qu’il sont deux à l’élaborer (N. C. Liu et Y. Cheng, « Academic Ranking of World Universities – Methodologies and Problems », Higher Education in Europe, 30/2 (2005)).
 
Le prix Nobel français 2007, Albert Fert, expliqua dans le quotidien Le Monde du 27 août 2008 « un prix, Nobel ou autre, obtenu par un professeur d’université française rapportait généralement deux fois moins de « points » à son université que le même prix en rapporte à l’université d’un collègue étranger, américain ou britannique par exemple, lauréat du même prix ». La raison principale étant le fait que la plupart de laboratoires importants en France sont des laboratoires mixtes Université/École – CNRS, et que le CNRS n’est pas comptabilisé. L’autre raison étant également que nombre de grandes universités françaises ne recouvrent pas l’ensemble des disciplines enseignées : les universités à dominantes de lettres, langues, SHS sont ainsi inévitablement reléguées en fin de classement, et seules émergent les universités à dominante de sciences dures (Paris VI, Paris XI). Nous reviendrons sur ce problème de la concentration universitaire que ces systèmes d’évaluation ont tendance à encourager.
 
- l’idéologique de son recours : en réalité ce classement est tout simplement ignoré en Amérique du Nord (E-U et Canada) et le chercheur canadien Yves Gingras, spécialiste de l’évaluation bibliométrique explique : « Censé constituer la référence internationale en matière de palmarès des universités, le classement de Shanghai est un outil du pouvoir chinois à usage essentiellement interne, complaisamment repris par la presse européenne, largement ignoré aux États-unis […] il sert aussi de façon stratégique les acteurs qui veulent réformer le système universitaire et se servent de ces classements de façon opportuniste pour justifier leur politique » (Marianne 2, juin 2008). Pour s’en convaincre cet article du Figaro du 19 juin 2007 : « Voilà un classement qui tombe à pic. Alors que le gouvernement doit présenter en fin de semaine son projet de réforme de l’université, censé rendre nos campus plus compétitifs, une nouvelle versiondu célèbre palmarès de Shanghai vient rappeler que la France ne brille pas sur la scène universitaire internationale ».
 
Observons néanmoins les résultats de ce classement par pays :
 
LE CLASSEMENT DE SHANGHAI 2006 PAR PAYS
1-20 21-100 101-200 201-300 301-400 401-500
1. États-Unis 17 51 90 119 139 170
2. Royaume Uni 2 11 18 29 35 42
3. Japon 1 5 9 13 26 36
4. Allemagne 5 15 22 36 40
5. Canada 4 8 16 19 22
6. France 4 6 12 17 21
 
Malgré les réserves formulées, le classement de Shanghai par pays fait apparaître la France au 6e rang mondial, avec 21 de ses 85 universités classées dans les 500 premières universités mondiales. D’autres classements utilisant des critères différents placent la France dans les tout premiers rangs mondiaux : le classement de l’École des Mines de Paris utilisant comme critère le lieu de formation des chefs des entreprises mondiales les plus importantes place la France en 3e
position (derrière les États-Unis et le Japon) ; un autre qui prend en compte la concentration géographique des performances en adoptant comme référentiel la superficie du campus d’Harvard (1ère université dans la plupart de classements) montre qu’en intégrant toutes les universités, écoles, instituts de recherche et laboratoires du quartier latin à Paris sur une même superficie que le campus d’Harvard, la France obtiendrait le 1er rang dans un classement utilisant les mêmes critères que le classement de Shanghai.
 
Si l’on cherche à déplacer le problème de ces classements, dont la pertinence reste contestable, en posant la question de l’attractivité des établissements d’enseignement supérieur français dans le monde, l’enquête de l’OCDE montre que la France se place au 4e rang mondial. Les États-Unis, le Royaume-Uni (les deux favorisés par la langue anglaise) puis l’Allemagne, et la France accueillent plus de 50 % de tous les étudiants étrangers.
 
Notons que la France est le seul pays parmi les 5 premiers à avoir vu son attractivité augmenter (d’un point) entre 2000 et 2006, quand les autres ont stagné, voire pour les États-Unis ont observé une chute de près de 5 points. Notons enfin que selon le rapport du Ministère lui-même (état du sup) l’attractivité des universités françaises sur les étudiants étrangers est d’autant plus forte que les diplômes convoités sont élevés : les universités françaises attirent donc davantage à haut niveau de formation, essentiellement au niveau du Master et du Doctorat.
 
Le rayonnement du système universitaire français assure donc une attractivité mondiale réelle et qui va totalement à l’encontre des discours« déclinistes ». Cette position plus qu’honorable est notamment rendue possible par unepolitique d’investissement culturel à l’étranger qui est aussi géostratégique : or, ces derniers mois ont vu une remise en cause financière et structurelle de nombreux instituts français à l’étranger,comme le centre Marc Bloch à Berlin ( http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2293 ), l’Institut Français d’Études Anatoliennes d’Istanbul ( -http://www.mesopinions.com/Une-nouv...

), soulevant l’indignation de la communauté scientifique internationale.

 
« Il y a de la lumière, c’est chauffé… on peut continuer, on peut écrire » P. 4, § 1 : « La recherche serait-elle uniquement une question de moyens et de postes ? Comment donc expliquer qu’avec une dépense de recherche plus élevée que celle de la Grande Bretagne, plus élevée et environ 15% de chercheurs statutaires en plus, que nos amis Anglais, la France soit largement derrière elle pour la part de la production scientifique dans le monde ? Il faudra me l’expliquer ! Plus de chercheurs statutaires, moins de publications et pardon, je ne veux pas être désagréable, à budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% en moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé...... On peut continuer, on peut écrire. C’est une réalité et si la réalité est désagréable, ce n’est pas désagréable parce que je le dis, c’est désagréable parce qu’elle est la réalité, c’est quand même cela qu’il faut voir. Arrêtez de considérer comme sacrilège celui qui dit une chose et voir si c’est la réalité. C’est la réalité qu’il faut contester dans ce cas là. »
 
Ces propos, qui tendent à faire passer les chercheurs pour des parasites accrochés à leur laboratoire chauffé et éclairé, intègrent parfaitement les nouvelles préoccupations d’évaluation de l’activité de recherche par le biais de la bibliométrie, c’est-à-dire la comptabilité de la production scientifique écrite comme critère d’évaluation. Le problème de la bibliométrie anime le monde de la recherche, toute discipline confondue, depuis plusieurs mois maintenant, ayant même provoqué une fronde de nombre de chercheurs américains, pourtant les mieux classés, contre le manque de pertinence de ces pratiques d’évaluation qui font primer le quantitatif sur le qualitatif : certains avançant que si la bibliométrie avait existé dans l’Antiquité, Platon aurait été particulièrement bien noté mais pas Socrate…
 
NS reprend ici les chiffres d’un rapport produit par le ministère de l’ES&R s’appuyant sur les statistiques d’un organisme privé nommé Observatoire des Sciences et des Techniques, mais l’analyse qui en est faite est moins celle de ce rapport que d’un article du quotidien financier Les Echos du 2 mai 2007 signé par Bernard Belloch et qui titrait : « Recherche : pas seulement un manque de moyen financier ». NS reprend très fidèlement les propos du journaliste financier notamment en mettant en exergue le cas du Royaume-Uni qui fait figure d’exception dans ce tableau classant les 20 pays les plus publiant : « la Grande-Bretagne [...] caracole assez loin devant la France en ce qui concerne les publications », « la productivité globale du secteur français de la recherche est faible », et ce « sont les pays où la part du privé dans la recherche est la plus forte qui produisent le plus de résultats, y compris en recherche fondamentale ! Tout ceci est vérifiable dans les chiffres disponibles. Ce n’est pas un jugement. »
 
La France se situe au 6e rang mondial derrière les États-Unis, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
En comparant avec l’investissement des pays respectifs dans leur recherche, on constate effectivement que l’ensemble des pays publiant plus que la France connaît un investissement financier supérieur dans leur recherche, à une seule exception près, le Royaume-Uni. Mais l’on peut souligner, des exceptions dans l’autre sens, un chercheur français apparaissant ainsi beaucoup plus productif qu’un chercheur suédois, un italien plus qu’un espagnol et un néerlandais, etc.
 
Comment expliquer cette dissonance ? Difficile, car les indicateurs sont peu clairs : OST s’appuie sur la base Web of Science, de l’organisme américain (Philadelphie) Thomson Scientific, base dont l’Observatoire indique lui-même qu’elle tend, dans le dépouillement systématique de 4 000 revues, à privilégier les publications anglo-américaines (http://www.obs-ost.fr/: Annexe B-5, p. 453). Par ailleurs, l’indicateur consiste en un rapport entre le nombre d’articles publiés et l’importance scientifique supposée de ces articles : le problème se pose de savoir comment et qui décide de la portée scientifique réelle de l’article, point sur lequel l’Observatoire ne dit rien.
 
Marc Lefranc, chargé de recherche en physique au CNRS, avait attiré l’attention sur ce problème en mai 2007, dans un article où il explique qu’à défaut de pouvoir mesurer de façon satisfaisante la portée scientifique d’un article de recherche, un critère homogène est de se fier à la politique éditoriale d’une revue. Au sein d’une même revue de portée mondiale, qui publie le plus ? Marc Lefranc expérimente cette approche sur la revue de physique américaine nommée Physical Review Letters, la plus prestigieuse revue de la discipline, dont il dit qu’ « y sont publiés les résultats jugés suffisamment importants pour être portés à la connaissance de l’ensemble des physiciens, toutes spécialités confondues. En particulier, la grande majorité des prix Nobel de Physique récemment attribués l’ont été pour des découvertes décrites pour la première fois dans cette revue » ( http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1577 ) Il obtient les résultats suivants pour la même année 2006 que l’OST :
Articles publiés dans la PRL en 2006
 
Pays Nb. article s publié s Productivité (articles /milliard de $ de PIB)
1. États-Unis 1790 0,14
2. Allemagne 818 0,34
3. France 578 0,32
4. Royaume-Uni 435 0,23
5. Japon 418 0,11
6. Italie 314 0,19
7. Chine 268 0,07
8. Canada 237 0,22
9. Russie 229 0,15
 
On constate que les résultats obtenus diffèrent largement de ceux sur lesquels s’appuient NS, plaçant la France en 3e position mondiale, devant le Royaume-Uni. La productivité française serait même en 2e position, derrière l’Allemagne, et de plus du double de celle des chercheurs américains.
 
Ces résultats ne prétendent pas démontrer autre chose que la mauvaise qualité des informations sur lesquelles s’appuie NS et sur lesquelles il fonde son discours insultant pour les scientifiques français.
 
L’ « arbre qui cache la forêt » dans un « système atomisé » P. 3, § 5 : « Notre organisation « à la française » donne-t-elle de meilleurs résultats ? Est-ce qu’il suffit de dire que c’est une organisation "à la française" pour considérer que l’on a clos le problème, refermé le dossier, exploré toutes les pistes ? […] Certes nos meilleurs chercheurs obtiennent des récompenses prestigieuses : un prix Nobel et un prix Turing l’année dernière, deux prix Nobel cette année. Nous avons des domaines d’excellence reconnus et enviés dans le monde entier, mathématiques, physique et aux sciences de l’ingénieur. Mais ces admirables chercheurs et ces points forts - j’ose le dire -ne sont-ils pas l’arbre qui cache la forêt ? » P. 3, § 4 : « Nulle part comme en France on a autant multiplié les instituts, agences, groupements et autres organismes microscopiques qui diluent les moyens, les responsabilités, tirent chacun à hue et à dia, et gaspiller (sic) temps et argent. » Soulignons en préambule la facilité avec laquelle NS utilise les modèles nationaux comme exemple ou contre-exemple, dans des postures largement contradictoires selon qu’il est dans une posture de campagne ou de « réforme » : le 2 février 2007, dans son discours de Maison-Alfort, il citait Marc Bloch en tirant cette phrase, « la tradition française, incorporé dans un long destin pédagogique, nous est chère ».
 
L’image d’une cohorte innombrable de chercheurs inefficaces protégés par quelques grands noms (Albert Fert notamment, souvent cité personnellement ou pour son projet Thalès) et un « système atomisé » d’institutions microscopiques a déjà été largement ébranlé par les analyses précédentes. Ceci nous invite néanmoins à observer maintenant le paysage institutionnel de la recherche en France.
Contrairement à l’assertion selon laquelle la coexistence d’instituts et d’organismes serait une particularité française, soulignons qu’il existe des organismes dans pratiquement tous les pays : États-Unis, Japon, Allemagne, Espagne, Italie, etc. En Allemagne, il existe quatre types d’organismes et une agence, 7 organes officiels ont la tutelle de la recherche et 28 organismes, 12 publics de recherche (http://cisad.adc.education.fr/reperes/public/reperes/liens/pageall.htm#1), et le système américain connaît une multitude d’agences et d’organismes avec 10 organes officiels de tutelle ( www.france-biotech.org/LOAD.asp?ID_DOC=925 ). Par ailleurs, la diversité des instituts ne veut pas dire une absence de coordination et une dilution des moyens : c’est dans cette optique qu’avait été créé en 1939, et véritablement organisé en 1946, le CNRS (http://www.cnrs.fr/fr/organisme/presentation.htm). Il s’agit d’un organisme public de recherche (Établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche). Il accueille plus de 32 000 personnes (dont 26 000 statutaires - 11 600 chercheurs et 14 400 ingénieurs, techniciens et administratifs) qui exercent leur activité dans tous les champs de la connaissance, en s’appuyant sur plus de 1200 unités de recherche et de service, dont 90% sont en lien avec d’autres institutions comme des Universités ou écoles. 5000 chercheurs étrangers sont accueillis annuellement dans les laboratoires, 1714 chercheurs étrangers sont statutaires au CNRS, 85 accords de coopération avec 60 pays ont été signés, 310 programmes internationaux de coopération scientifique, 91 laboratoires européens et internationaux associés et 92 groupements de recherche européens et internationaux, 14 unités mixtes internationales… De quel système atomisé parle NS ? Avec 16 lauréats du prix Nobel et 9 de la Médaille Fields, le CNRS a une longue tradition d’excellence qui place cet organisme de recherche au 1er rang européen et au 4e rang mondial (données Webometrics, OCDE, OST 2006). La force de cet organisme réside notamment dans la pluridisciplinarité et une organisation qui facilite les transferts de connaissances d’une discipline à l’autre. Le prix Nobel de physique 2007, Albert Fert déclarait lors de la remise de son prix : « En cette période de transformation de notre système de recherche, j’ai envie de dire à notre ministre Valérie Pécresse d’éviter une approche idéologique, qu’il faut absolument garder la capacité de coordination, d’élaboration d’une stratégie nationale du Cnrs dont l’Agence nationale de la recherche (ANR) n’est pas dotée ». Il a renouvelé son point de vue récemment (29 janvier 2009) dans une lettre ouverte dont il est le co-auteur : « La France doit nombre de ses succès scientifiques aux organismes (CNRS notamment) qui garantissent la cohérence de l’effort national de recherche. La recherche universitaire est particulièrement performante dans les laboratoires dits mixtes, associant en partenariat l’organisme de recherche avec une université ou une entreprise. » ( http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/01/universit-et-re.htm )
 
Complétons le tableau en évoquant effectivement les organismes en charge de la recherche publique. En 2005 on en comptait 7 : CNRS (plurididisciplinaire), Inserm (recherche médicale), Inra (recherche agronomique), Cea (énergie atomique), Ifremer (recherche pour l’exploitation de la mer), Cemagref (sciences des eaux et du territoire), Inria (recherche informatique et automatique). En tenant compte des dernières réformes et de celle évoquée par NS de création de 6 instituts pour remplacer la structure actuelle du CNRS, on obtient au total 21 organismes intermédiaires de pilotage de la recherche. La restructuration opérée actuellement, loin de concentrer les moyens de recherche, crée des superpositions institutionnelles qui risquent d’être bien plus « paralysant[es] pour la créativité et l’innovation » que le système précédent.
 
II. « L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, LA RECHERCHE ET L’INNOVATION SONT NOTRE PRIORITÉ ABSOLUE »
 
En ouverture de son discours, NS réaffirme la place de l’ES&R dans le paysage politique, culturel et économique de notre pays : « En ce qui concerne notre effort de recherche et d’innovation. Je n’ai pas besoin de vous convaincre de la dimension cruciale que cela aura dans le monde nouveau qui se dessine. » (p. 1, § 4). Saluons cette prise de conscience qui, au regard des actes, n’allait pas de soi. Tous les indicateurs internationaux (cf. OCDE) montrent très nettement
que la croissance du PIB national est intimement liée à l’investissement de ce PIB dans la R&D.
 
A. « ce n’est pas une question d’idéologie » (p. 1, § 3) « ce n’est pas une question d’idéologie, ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est une question de bon sens ». Passons sur la réthorique du « bon sens » qui sert à justifier nombre d’actions de ce gouvernement (cf. R. Dati et l’incarcération des enfants de moins de 12 ans relevant d’un « bon sens » peu partagé par le Premier ministre lui-même…), pour s’intéresser à la question de l’idéologie. Le terme est ainsi défini par le Dictionnaire de l’Académie (9e éd.) : « Ensemble de représentations, vision du monde propre à une société, une époque, un mouvement intellectuel, un groupe social / Système d’idées, corps de doctrine sur lequel se fonde une action politique. » Autrement dit, faire preuve d’idéologie c’est chercher à imposer un système de pensée soutenant une action politique à des acteurs sociaux jusqu’ici étrangers à ce système. Reprenons à présent le texte de NS, qui me semble se passer de commentaire (p. 1, § 4) : « La crise nous donne l’occasion […] de changer nos mentalités, parce que dans notre pays ce n’est pas une chose que l’on fait facilement et pourtant il faut le faire. »
 
Qu’en est-il de l’idéologie et de l’ES&R ? Parmi les nombreux biais d’analyse restons en à une analyse « froide » des chiffres mis à disposition par le ministère lui-même. Cette courbe de l’évolution de la part des dépenses engagées pour la recherche en pourcentage du PIB traduit les efforts nationaux en faveur de la recherche depuis 1980. On distingue plusieurs phases : une nette augmentation entre 1980 et 1985 (de 1,75 à 2,15%), puis une stagnation entre 1986 et 1988, avant une nouvelle augmentation entre 1989 et 1994 (atteignant son apogée avec près de 2,4% du PIB), avant une chute de près de 20% entre 1995 et 1998, très partiellement compensée entre 1998 et 2002, avant une nouvelle chute en 2002-2006 ramenant au niveau d’investissement de 1984. Est-il nécessaire de comparer ces fluctuations avec
le contexte politique de la France ? La plus forte augmentation a lieu durant le 1er mandat de F. Mitterrand, avant une nette décrue correspondant à la cohabitation avec le gouvernement de J. Chirac (1986-1988). Après une retour à la croissance, la seconde cohabitation avec le gouvernement d’E. Balladur (1993-1995) amorce une décrue, continue durant le début du mandat de J. Chirac, avant d’être stoppée par le gouvernement de cohabitation de L. Jospin (1997-2002). Enfin, le second mandat de J. Chirac marque une nouvelle décrue, stabilisée en 2005-2006 à la suite du premier mouvement de contestation des chercheurs.
 
Ce ne sont donc pas tant du côté des chercheurs qu’il convient de chercher de l’idéologie, et nombre d’entre eux aujourd’hui engagés dans la contestation, au-delà des clivages politiques traditionnels (on observe une mobilisation des universités peu enclines au « gauchisme » telles Lyon III, Paris IV, Paris II, IEP Aix, et des syndicats classés à droite tel Autonome Sup), pourraient se réclamer du pragmatisme qu’invoquent régulièrement les membres du gouvernement.
 
B. « il faut aller plus loin pour susciter une recherche privée de qualité » P. 4, § 3-4 : « C’est en France que la part du privé dans le financement de la recherche est, de loin, la plus faible de tous les pays comparables et tenez-vous bien cela s’aggrave car ces dernières années cela à tendance à diminuer. Nous avons poussé les incitations fiscales au maximum avec le crédit impôt recherche à 30 %. C’était nécessaire, mais il faut aller plus loin pour susciter une recherche privée de
qualité. Il nous faut sans doute orienter les instruments dont nous disposons davantage vers la création et le développement de PME innovantes. La recherche privée française doit encore se développer massivement.
Nous n’avons pas en France cette culture qui fait que pour un chef d’entreprise américain ou allemand, la recherche est une source de création de richesse et de croissance. Pour nous trop souvent la recherche est considérée par les entreprises françaises comme une sorte de luxe parfois superflu et pour les grandes entreprises françaises qui font beaucoup de R&D, la recherche s’exerce trop en vase clos, en interne, comme si les idées venues de l’extérieur étaient suspectes et qu’il serait, dangereux de s’y frotter.
Nous devons changer cela. Les entreprises grandes et petites doivent puiser dans le vivier formidable de la recherche publique, en lui confiant des contrats, en nouant des partenariats, en embauchant ses chercheurs. Nous avons tout mis en place pour cela et j’attends de cette réflexion sur la stratégie nationale de recherche et d’innovation qu’elle serve à mobiliser les entreprises pour changer les habitudes. D’autant plus qu’il est absurde d’opposer recherche appliquée et recherche fondamentale. Il n’y a qu’en France qu’on arrive à faire croire que recherche privée et recherche publique s’opposent, alors que c’est dans les pays où les financements privés de la recherche sont les plus importants que les prix Nobel sont les plus nombreux et la recherche fondamentale la plus féconde. »
 
Le constat dressé ici par NS, qui s’adresse avant tout aux chefs d’entreprises, est sans doute le moins fautif de l’ensemble de son discours : la plupart des indicateurs confirment ce diagnostic qui met en avant la frilosité des entreprises françaises à investir dans la recherche.
La France connaît un investissement privé moindre en R&D (Recherche et Développement) que le Japon, les États-Unis et l’Allemagne, légèrement inférieur à la moyenne de l’OCDE, mais supérieur au Royaume-Uni. Dans l’ensemble de ces pays toutefois, l’engagement privé reste supérieur à l’engagement public dans les efforts de recherche. Ceci se traduit également dans les moyens humains engagés dans la R&D : en France en 2006, il y avait 202 157 personnes actives dans les entreprises à cet effet, et 161 709 dans le public.
Les indicateurs (Source : état du sup 23.01) montrent en outre que l’investissement privé pour l’innovation est dans 86% des cas consacré à des partenaires privés et seulement 8% aux universités et 6 % dans les autres organismes de recherche. Or on constate que plus la demande nécessite un niveau de compétence élevé, plus l’investissement se reporte sur la recherche publique (23.03) : en d’autres termes plus l’investissement privé cherche à stimuler la recherche fondamentale, plus elle se tourne vers la recherche publique. Il y a en fin de compte une nette bipartition entre recherche fondamentale et recherche appliquée, qui se lit dans les demandes de brevets. Avant d’en venir aux chiffres, rappelons la différence de stratégie que sous-tend une exploitation de la recherche par le biais de publications ou de brevets : un chercheur dont les résultats aboutissent à une publication rend donc publiques ces résultats, les livrant à l’ensemble de la communauté scientifique et au-delà, contribuant ainsi à un constitution du savoir universel ; un chercheur qui, à la suite de son travail, dépose un brevet, cherche ainsi à protéger juridiquement ses résultats et leur exploitation pour s’en assurer, à lui ou à son entreprise, le monopole de l’exploitation industrielle et commerciale. En France, 91,7 des brevets français viennent de la recherche privée et 8,3 de la recherche publique, moyenne qui est à mettre en regard de variations selon les secteurs : par exemple en pharmacie et biotechnologie, on atteint 21,6 % pour la recherche publique, mais seulement 0,6 % pour le secteur « Consommation des ménages-BTP ». Complétons ce tableau en pointant que parmi les 10 premiers déposants de brevets, on trouve… le CNRS (INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) d’après Les Échos : http://www.lesechos.fr/info/innovation/4691196.htm ).
 
Au final, les entreprises privées françaises investissent peu dans la recherche publique, se consacrant essentiellement à une recherche appliquée à but industriel et commercial. Pourtant, NS précise « des instruments puissants comme le Crédit Impôt Recherche ont été développés, aujourd’hui vous disposez Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprises et vous avez d’ailleurs pris des décisions - je pense à Thales notamment - du système fiscal en faveur de la recherche le plus attractif au monde, au monde. » Une des actions gouvernementales en faveur de la recherche consiste donc à alléger les charges des entreprises dans le but de susciter leur investissement dans la recherche. Quel résultat ? La Cour des Comptes dans son rapport de février 2008 pointait l’échec de cette stratégie politique du crédit impôt recherche en l’état ( http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/Suite3-credit-impot-recherche.pdf ) : elle soulignait que les entreprises avaient reçu 1,6 milliard d’euros d’allègement fiscal au titre de l’aide à la recherche, mais n’avaient engagé réellement que 400 millions d’euros, soit seulement 1/4 de l’effort financier public…
 
C. « aucun gouvernement n’avait réalisé un tel effort en si peu de temps, aucun » P. 2, § 2 : « Il fallait des moyens supplémentaires, grand débat en France, il n’y a aucun domaine ou (sic) l’on vous dit on a trop de moyens. On commence à discuter, vous payez d’abord on discute ensuite. Il y a plus d’abord, mieux après. »
 
Rappelons que c’est entre juin et octobre 2004 qu’ont eu lieu les États Généraux de la Recherche, animés par les chercheurs eux-mêmes, et organisés autour de la volonté de porter des réformes structurelles pour accompagner les efforts budgétaires de l’État. Les discussions avec les chercheurs sont donc entamées depuis 5 ans. La demande de moyens financiers est-elle pourtant illégitime ?
 
En 2006, avec 2,12% du PIB consacrés à la R&D, la France se positionne sous la moyenne de l’OCDE (2,25%), soit au 14e rang des pays de l’OCDE, et présente une différence de 0,5% de PIB avec les États-Unis. Surtout, elle est le seul pays parmi les 16 premiers de cette liste à avoir vu les moyens financiers engagés dans la recherche diminuer entre 1995 et 2006 (Rappelons malgré cela que les classements les plus pessimistes placent les résultats de la recherche française au
6e rang mondial).
 
« Quant aux dépenses de recherche et développement, elles ont commencé à remonter à 2,16 % du PIB en 2008 après avoir chuté jusqu’à 2,12 % en 2007. Nous avons injecté 800 millions dans la recherche en 2008 et nous continuerons à injecter des moyens. » Il est malheureusement impossible de vérifier ces chiffres : les chiffres de l’année
précédentes concernant le PIB étant en général publiés en mai. Ce que l’on peut noter, c’est qu’une augmentation de 0,04% par an ne permet pas d’atteindre les 3% de PIB consacrés à la R&D en 2012 que NS avait annoncés lors de sa campagne et répétés dans la lettre d’orientation à Valérie Pécresse ou encore lors de son discours à Orsay, le 28 janvier 2008. En effet, pour passer des 2,12 % en 2007 à 3 % en 2012, soit une augmentation de 0,88 % en 5 ans, il faut une
augmentation moyenne de 0,176 % par an soit 4,4 fois plus que ce qui a été fait en 2008 (avant l’entrée dans la crise financière). En supposant le PIB constant sur ces 5 ans (ce que l’on ne souhaite pas bien sûr, mais plutôt un PIB croissant) cela représente en volume plus de 3,5 milliards annuels nécessaires. On est donc loin du compte, avec 800 millions… p. 2, § 2-3 : « Les moyens supplémentaires, chère Valérie, on les a engagés avec le Premier ministre et on va continuer à le faire. Nos universités bénéficient depuis le budget 2008 d’augmentations de leurs moyens et je l’affirme comme elles n’en ont jamais connu. La dépense par an et par étudiant a augmenté de 1000 euros depuis 2007 et elle augmentera encore de 37 % sur la période 2009-2011, nous plaçant enfin en 2012 au-delà de la moyenne des pays de l’OCDE. On ne s’en glorifie pas, mais on était en deçà. On va passer au-delà. Aucun gouvernement n’avait jusqu’alors réalisé un tel effort en si peu de temps, aucun. »
 
En septembre 2007, Valérie Pécresse s’était en effet flattée de proposer un budget 2008 en augmentation de 7,8% par rapport à celui de 2007 : 1,8 milliard d’euros supplémentaires, pour un budget total de 24,9 milliards. En fait sur ces 1,8 milliards, c’est 1,286 milliards soit 5,8% qui constituaient une progression budgétaire, le reste étant consacré, à des aides fiscales (notamment crédit impôt recherche destiné aux entreprises à hauteur de 390 millions) et d’autres postes de dépenses (projet Oséo Innovation) (http://www.nouvelleuniversite.gouv.fr/IMG/pdf/presentationbudget.pdf). Sans développer la répartition des sommes selon les postes budgétaires, notons toutefois que le document de présentation du budget n’indique pas une hausse de 1000 euros de dépense par an et par étudiants, mais de 405 euros (soit 7375 euros/an et par étudiants). Une augmentation de 37% entre 2009 et 2011 représente environ 2730 euros de plus par étudiant et par an (soit 10 105 euros/an/étudiant).
 
Le diagnostic actuel est en effet peu glorifiant. La France se place au 16e rang des pays de l’OCDE pour les dépenses consacrées à ses étudiants, sous la moyenne de l’OCDE. Si l’annonce de NS se confirme, de 10 995 $ en 2005, ces dépenses annuelles par étudiant passeraient à 13 137 $ en 2011 (1000 euros = environ 1300$), plaçant la France au 10e rang entre le Royaume-Uni et l’Allemagne (à condition, bien sûr, que ces pays maintiennent un investissement stable durant cette période). Il n’est pas inutile ici de rappeler à quelles conditions démographiques les universités françaises ont eu à faire face depuis leur réforme de 1968 : en 1971, 19,4 % d’une classe d’âge accédait à l’enseignement supérieur ; en 1985, on passe à 30% d’une classe d’âge ; en 2006, le taux a atteint 54%22, soit 1,3 million d’étudiants en Université et seulement 75 000 dans les grandes écoles. L’Université française a donc eu à faire face à une massification très importante de ces effectifs étudiants, dont les effectifs étudiants ont doublé entre 1980 et aujourd’hui, et ceci à moyens constants voire décroissants (C. CHARLE et J. VERGER, Histoire des universités, Paris, PUF, 1994, p. 122, pour les chiffres de 1971 et 1985 ; pour 2006, cf. état du sup).
 
« Et ce sont 750 millions d’euros d’investissements supplémentaires, Cher Patrick DEVEDJIAN, qui sont dégagés au titre du plan de relance en 2009 – c’est-à-dire en plus du plan campus, on remet 750 millions de plus pour développer des équipements universitaires et scientifiques qui n’avaient jusqu’alors, pas pu être financés faute de budget. Dans la relance, on a pris une partie de l’enveloppe, gérée par Patrick DEVEDJIAN, et on la met dans l’enseignement supérieur et dans la
recherche. »
 
Il s’agit ici de la part consacrée à la recherche et à l’enseignement supérieur dans le plan de relance du gouvernement pour faire face à la crise financière : rappelons qu’il s’agit 26 milliards d’euros (soit 1,3 % du PIB) uniquement consacrés à l’investissement, dont 2,88 % à l’enseignement supérieur et à la recherche essentiellement pour la rénovation des équipements et bâtiments. Autrement dit, c’est un investissement pour que les universités fassent travailler des entreprises (notamment de BTP) et non pour stimuler leur propre activité de production… Au final, l’effort du budgétaire du gouvernement n’est pas sans idéologie, et ceci d’autant plus qu’il le conditionne lui-même aux réformes : « Avec le Premier ministre nous ne posons qu’une condition, que les réformes continuent. Il n’y aura pas de moyens supplémentaires sans les réformes. C’est une condition si qua non. » (p. 3, § 1)
 
III. « IL FAUT BIEN RECONNAÎTRE QUE DEPUIS DES DÉCENNIES, LE CONSERVATISME L’A TOUJOURS EMPORTÉ »
On pourrait ici s’engager dans une analyse historique du discours politique usant de la notion de « conservatisme » durant les 50 dernières années : on y observerait assurément un déplacement dans l’usage de cette rhétorique, un glissement (dans la partition traditionnelle) de la gauche à la droite. Il conviendrait alors de souligner que comme dans la plupart des transferts notionnels, le sens des mots change aussi…
 
A. « Ecoutez, c’est consternant mais ce sera la première fois qu’une telle évaluation sera conduite dans nos université, la première » p. 2-3 : « Nous sommes en train de revoir entièrement le décret statutaire qui organise les services
et les promotions des enseignants chercheurs. Je sais que là, cela inquiète. Il s’agit de donner aux universités autonomes les moyens d’organiser au mieux leur politique de formation et leur politique scientifique. Si elles sont autonomes, cela devra se traduire dans l’autonomie de leur politique scientifique et de leur politique de formation sinon, pourquoi seraient-elles autonomes ? Il s’agit aussi de permettre aux meilleurs talents, en recherche, pour l’enseignement et les multiples tâches indispensables dans une université moderne d’être enfin reconnus et récompensés. La condition que l’on y met, c’est d’évaluer ces activités, et de les évaluer régulièrement pour chaque enseignant chercheur. Franchement, la recherche sans évaluation, cela pose un problème. D’ailleurs toute activité sans évaluation pose un problème. C’est le Conseil National de (sic) Universités, organe indépendant des universités, qui conduira cette évaluation.
 
Ecoutez, c’est consternant mais ce sera la première fois qu’une telle évaluation sera conduite dans nos universités, la première. En 2009. Franchement, on est un grand pays moderne, c’est la première fois. Inutile de dire que je soutiens totalement l’action de Valérie PECRESSE. Dans leur immense majorité les enseignants chercheurs apportent leurs compétences avec un dévouement admirable à nos universités. Ils n’ont rien à redouter de cette réforme. Elle est faite pour les encourager, pas pour les décourager. Moi, je vois dans l’évaluation, la récompense de la performance. S’il n’y a pas d’évaluation, il n’y a pas de performance. »
Deux dossiers complémentaires sont évoqués ici (avec un summum de mauvaise foi) : le statut des enseignants-chercheurs (et le principe de modulation des services) et les pratiques d’évaluation.
 
Il est outrancièrement faux de dire que le monde de la recherche et des universités évolue hors de toute pratique d’évaluation :
1/ ici NS fait référence au nouvel organisme qui a été créé en 2006, l’AERES (Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur). Or il ne s’agit aucunement d’une création ex nihilo d’une instance d’évaluation, mais du remplacement (évolution) d’un organisme ayant les mêmes fonctions et qui avait été créé en 1984, le Comité National d’Évaluation. À titre d’illustration, on peut comparer l’énonciation des missions de chacun de ces deux organismes : Présent ation des missions du CNÉ d’après la Loi n°84-52 du 26 janvier 1984
Le Comité national d’évaluation est une autorité administrative indépendante.
Il a pour mission d’évaluer l’ensemble des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel : universités, écoles et grands établissements relevant de la tutelle du ministre chargé de l’enseignement supérieur. […] Le Comité national d’évaluation examine et évalue les activités exercées par l’ensemble des établissements, et par chacun d’entre eux, dans les domaines correspondant aux missions du service public de l’enseignement supérieur : la formation
initiale et continue ; la recherche scientifique et technologique ainsi que la valorisation de ses résultats ; la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique ; la coopération internationale.
 
Dans l’exercice de cette mission, l’analyse du Comité national d’évaluation porte sur l’ensemble des actions et des moyens mis en oeuvre par les établissements dans le cadre de leur politique scientifique et pédagogique. Les analyses du Comité national d’évaluation sont consignées dans des rapports publics élaborés par établissement et par thème. Les rapports par établissement sont adressés au ministre chargé de la tutelle de ces établissements. Ils sont, en outre, adressés aux responsables de ces derniers. Les rapports par thème sont adressés au ministre chargé de l’enseignement supérieur et aux autres ministres concernés. Les activités du Comité font l’objet d’un rapport adressé annuellement au Président de la République. En outre, le Comité national d’évaluation dresse tous les quatre ans un bilan de synthèse sur l’état de l’enseignement supérieur. Ce bilan est adressé au Président de la République.
 
L’AERES dans le JO du 19 avr il 2006, Loi 2006-450 du 18 avr il 200623
« Art. L.114-3-1. - L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est une autorité administrative indépendante.
 
L’agence est chargée :
 
1. D’évaluer les établissements et organismes de recherche, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les établissements et les fondations de coopération scientifique ainsi que l’Agence nationale de la recherche, en tenant
compte de l’ensemble de leurs missions et de leurs activités ;
 
2. D’évaluer les activités de recherche conduites par les unités de recherche des établissements et organismes mentionnés au 1 ; elle conduit ces évaluations soit directement, soit en s’appuyant sur les établissements et organismes selon des
procédures qu’elle a validées ;
 
3. D’évaluer les formations et les diplômes des établissements d’enseignement supérieur ;
 
4. De valider les procédures d’évaluation des personnels des établissements et organismes mentionnés au 1o et de donner son avis sur les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre.
 
Elle peut également participer, dans le cadre de programmes de coopération européens ou internationaux ou à la demande des autorités compétentes, à l’évaluation d’organismes étrangers ou internationaux de recherche et d’enseignement supérieur. Des documents élaborés par les structures privées sur l’utilisation des aides publiques à la recherche lui sont communiqués ( http://www.aeres-evaluation.fr/docs/1-loi2006-1334_03112006.pdf ).
Au final, le Cné ( http://www.cne-evaluation.fr/ ) a produit jusqu’en novembre 2006, 240 rapports publics et disponibles sur l’ensemble des organismes de l’ES&R24. Il est donc faux de dire qu’aucune évaluation des universités n’avait été conduite jusqu’ici.
 
2/ Comme tout organisme sous tutelle du Ministère de l’ES&R, chaque université, laboratoire, école doctorale, UMR (Unité mixte de recherche CNRS-Université) doit fournir tous les 4 ans un rapport d’activités (rapport quadriennal) comprenant l’explication de sa structure administrative, un état financier, un état des projets menés à bien, la bibliographie de ses membres, etc., tout type d’activité du laboratoire destiné à être évaluée. Ce rapport, assorti d’un second volet constituant les projets envisagés sur l’exercice suivant de 4 ans, constitue la base de l’évaluation opérée par le ministère qui débouche sur l’acceptation d’un « contrat quadriennal » négocié avec l’organisme de recherche et d’enseignement conditionnant les financements, les postes créés, etc.
 
3/ Au niveau individuel : passons rapidement sur les multiples concours (agrégation, CNRS, etc.) que la plupart des enseignants-chercheurs ont passé pour prétendre à exercer cette activité, sur les soutenances devant jurys d’experts qui examinent la qualité du travail fourni (thèse de doctorat, Habilitation à Diriger des Recherches) et conditionnent la progression de l’enseignant.

Messages

  • À noter que les recherches d’Antoine Destemberg portent sur L’honneur des universitaires au Moyen Age. Etude d’imaginaire social. Plus ça change...

  • Le rayonnement du système universitaire français assure donc une attractivité mondiale réelle et qui va totalement à l’encontre des discours« déclinistes ».

    N’oubliez surtout pas le petit voyage de Pécresse en INDE au moment de pondre sa LRU, allant vanter les mérites de notre système universitaire, comme étant le meilleur au monde.

    Alors, il faudrait savoir, si notre système est le meilleur au monde, pourquoi en changer ?

    Je note aussi que NS n’a pas eu son diplôme à sciences PO. Quel gaspillage l’argent du contribuable !

  • Bernard Belloc n’est pas un journaliste financier, c’est un ancien pdt d’univ. de toulouse, professeur d’économie. C’est l’auteur d’un rapport "de droite" il y a qqs années qui a inspiré les réformes actuelles, et c’est un gars dans les petits papiers du ministere, puisque conseiller perso de sarkozy sur l’enseignement supérieur et la recherche.