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Les pesticides coulent de source

Publie le mardi 13 juillet 2004 par Open-Publishing

Selon un rapport de l’Institut français de l’environnement, deux tiers des eaux contrôlées en 2002 contiendraient des pesticides.

Voici un rapport qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Trois jours après l’abandon par le gouvernement du projet de taxe sur les pollutions d’origine agricole, le sixième rapport de l’Institut français de l’environnement (IFEN) assure que les deux tiers des eaux françaises, contrôlées en 2002, seraient contaminées par des pesticides. Plus précisément : 75 % des points contrôlés en rivière et 57 % des analyses des nappes souterraines présentaient au moins un pesticide.

En une année, près de 400 molécules chimiques ont été recherchées dans 5 143 points de mesure. Au total, 1,6 million de résultats d’analyses ont été traités. Les captages d’eau potable ne sont pas épargnés : 39 % des prises d’eau en rivière présentent des niveaux de pesticides rendant nécessaire un traitement, et 21 % en eau souterraine, selon l’IFEN. 5 % de la population a été alimentée au robinet en 2001 par une eau ayant dépassé au moins une fois la limite légale de 0,1 microgramme de pesticides par litre. Ces données sont quasiment identiques d’une année sur l’autre, montrant la permanence du phénomène.

La France est le troisième utilisateur mondial de pesticides, utilisés principalement par l’agriculture pour lutter contre les mauvaises herbes, les insectes et les maladies. Ils sont suspectés d’entraîner des malformations congénitales chez les garçons, une diminution de la fertilité masculine et des troubles neurologiques.

Le ministère de l’Écologie reconnaît, dans sa présentation de la future loi sur l’eau, que " l’objectif de bon état écologique des eaux n’est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles ". " Sans inflexion de la politique menée, tout laisse à penser que la situation ne peut s’améliorer ", ajoutait le ministère, qui proposait de taxer les sacs d’engrais et les aliments pour bétail des agriculteurs, responsables des nitrates qui polluent les eaux et les sols. Seulement voilà : vendredi, le ministre de l’Agriculture, Hervé Gaymard, a annoncé que le projet de taxe " azote " était enterré, après un arbitrage de l’Élysée. En réaction au rapport de l’IFEN, le ministère de l’Agriculture a annoncé hier que " de nouvelles actions seront présentées à l’automne 2004 ". Il s’agit notamment de " sécuriser la mise sur le marché et l’utilisation " des pesticides, et de " renforcer les actions pour faire évoluer les pratiques agricoles ". Sans plus de précision.

De sérieux efforts vont pourtant être nécessaires. Une législation européenne impose aux États membres de parvenir à un " bon état " des eaux d’ici à 2015. La France, déjà condamnée par la Cour européenne de justice pour le mauvais état des eaux en Bretagne, risque de se retrouver en infraction, d’autant que les valeurs limites ont toutes les chances d’être durcies. L’enjeu est de taille : 9,2 milliards d’euros d’aides ont été versés entre 1997 et 2002 sans que la qualité des eaux s’améliore, notait en février la Cour des comptes dans un rapport sévère sur la politique de l’eau en France. La cour jugeait que les aides, financées pour les trois quarts par les ménages, " vont à l’encontre des principes fondamentaux du droit de l’environnement que sont le principe d’action préventive et le principe pollueur payeur ".

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-07-13/2004-07-13-397151