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Échec des négociations, appels à la mobilisation

Publie le vendredi 16 mai 2003 par Open-Publishing

François Fillon et les syndicats se sont quittés, jeudi 15 mai à l’aube, sans être parvenus à un accord. La CFDT a jugé "insuffisants" les amendements proposés par le gouvernement. La CGT prépare sa journée du 25 mai et FO appelle à "continuer l’action commencée le 13 mai".
Il est 4 h 30 du matin, ce jeudi 15 mai, quand Marc Blondel, le secrétaire général de FO, descend les marches de l’escalier du ministère des affaires sociales, bientôt suivi par Bernard Thibault de la CGT. La négociation démarrée la veille à 18 h 30 s’achève sur un désaccord entre syndicats et gouvernement.
Après quelque dix heures de discussion, "dans un climat serein" de l’avis des protagonistes, les propositions, par le ministère, de modification du texte de la réforme des retraites n’ont pas suffi à entraîner l’adhésion des organisations syndicales. Pas même celle de la CFDT, de la CFTC ou de la CFE-CGC, les plus indulgentes à l’égard des propositions gouvernementales.
M. Blondel, premier à déclarer sa déception face à un "texte qui ne traite pas des problèmes de fond", a immédiatement évoqué les mobilisations à développer. "Dès aujourd’hui, jeudi", a-t-il précisé, "je demanderai aux organisations FO de convoquer des assemblées générales pour continuer l’action que nous avons commencée le 13 mai".
Moins précis dans les consignes données à ses militants, M. Thibault a porté un jugement tout aussi négatif. "Ce texte, s’il devait passer en l’état et malgré quelques ajustements, est une des réformes les plus douloureuses, concernant les retraites, mises en œuvre à l’échelle européenne", a-t-il expliqué, en appelant à "élargir la mobilisation en vue du rendez-vous du 25 mai, à 12 heures, place de la République à Paris", date de la manifestation nationale préparée aussi par l’UNSA et la FSU.
Si l’adhésion au projet de MM. Fillon et Delevoye semblait, mercredi soir, fort improbable de la part de ces deux confédérations, la réaction de la CFDT était en revanche très attendue. Mais François Chérèque a aussi fait part de son désappointement, brisant ainsi tout espoir du ministère d’obtenir si ce n’est son soutien, tout du moins une neutralité bienveillante vis-à-vis du projet. "Après une nuit de discussion, le gouvernement nous propose un texte avec un certain nombre d’avancées mais qui ne suffisent pas", a-t- il déclaré, visiblement déçu, tout en soulignant "l’incapacité pour la CFDT de soutenir ce texte". Voulant croire encore aux possibilités de modifier le projet, le secrétaire général de la CFDT a expliqué vouloir continuer la discussion et se trouver encore "dans un moment de négociation". Mais aucun rendez-vous n’était avancé, jeudi matin, du côté du ministère, où l’on ignorait d’ailleurs quelle forme pourrait prendre une future discussion.
Comme la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont jugé positives les nouvelles propositions gouvernementales, qualifiées cependant de "floues et insuffisantes" par Jacques Voisin, président de la CFTC. Jean-Luc Cazettes, secrétaire général de la CFE-CGC, a souligné "le sentiment de saupoudrage" donné par le texte.
Les choses étaient pourtant claires dès le début de soirée, mercredi, à l’ouverture de la réunion de "négociations", la première à être présentée comme telle par le ministère. A 18 h 30, François Fillon accueille les syndicats et les organisations patronales par des propos sans ambiguïté. Il n’est pas question de recommencer le film, "on est là pour améliorer le texte"annonce-t-il, en reprécisant les points sur lesquels il n’y aurait pas de réouverture de la discussion : allongement de la durée de cotisation, 40 ans en 2008, système de décote...
Chacune à leur tour, les organisations présentes, CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Medef, UPA et CGPME, prennent alors la parole pour présenter les points qu’elles souhaitent aborder. A 20 h 30, ce premier tour de table est terminé. Ambiance décontractée, vestes qui tombent et repas pris dans la grande salle à manger du ministre des affaires sociales, où se tient la réunion. A 21 h 30, les choses sérieuses peuvent commencer et M. Fillon indique les questions qui seront discutées une par une. Dix-sept points vont être disséqués, argumentés par le ministre des affaires sociales et celui de la fonction publique et leurs conseillers, discutés, contestés par les spécialistes des retraites de chaque syndicat. Il est 3 h 45, quand l’assemblée décrète une pause, le temps pour les conseillers du ministre de rédiger le texte sur lequel les organisations doivent se déterminer.
Les modifications apportées au projet initial sont alors finalisées. La garantie minimale de retraite passe à 85 %, à l’horizon 2008, au lieu des 75 % initialement prévus. La possibilité de départ anticipé pour les longues carrières, est étendue à ceux ayant travaillé dès 16 ans, en sus des 14 et 15 ans, ce que réclamait avec insistance la CFDT. Autres motifs de satisfaction éventuelle, la prise en compte des primes par un régime de retraite additionnel pour les fonctionnaires, le passage de la décote de 6 % à 5 %, la nécessité de négocier sur la pénibilité d’ici trois ans...
Assurant avoir été "au bout de leurs possibilités", dans "le cadre des équilibres financiers nécessaires pour assurer l’avenir", François Fillon et Jean-Paul Delevoye n’ont pas réussi à faire bouger, durant la nuit, les lignes de front. La mobilisation syndicale continuera de s’organiser, dans des mouvements reconductibles, et pour préparer la manifestation nationale du 25 mai. Du côté du ministère, au petit matin, on était bien en peine pour imaginer un scénario susceptible de ramener certains syndicats à la table de négociation, évitant ainsi, que le gouvernement ne présente une réforme orpheline de tout soutien syndical.
Mercredi soir, M. Chérèque a conclu sa première intervention par ses mots : "Monsieur le ministre, vous connaissez nos propositions d’amélioration, nous saurons prendre nos responsabilités si le gouvernement y répond favorablement." Dix heures plus tard, sans avoir satisfait la CFDT par ses nouvelles propositions, M. Fillon lui renvoyait la balle en appelant les partenaires sociaux à "prendre leurs responsabilités". Les jours à venir indiqueront comment chacun compte s’y prendre...