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ATTALI DIT : « Le G20 ne réformera pas le capitalisme financier »

Publie le mercredi 1er avril 2009 par Open-Publishing
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Entretien Les Echos

[ 01/04/09 ]

Jacques Attali.Le président Sarkozy avait appelé, en octobre dernier à Toulon, à une « refondation » du capitalisme. Est-ce l’objet du sommet du G20 ?

Non, bien sûr que non. Tout d’abord, il faut noter que le G20 est une instance informelle ; si l’on avait voulu prendre des décisions, il aurait fallu réunir le comité intérimaire du Fonds monétaire international (FMI). Sur le fond, la question n’est pas de moraliser le capitalisme mais de l’équilibrer par des règles de droit. Le capitalisme est ce qu’il est. Sa fonction est de faire des profits. Il ne s’agit donc pas de le refonder mais de l’encadrer par des règles. Or tout le problème est que dans une économie globalisée, la règle de droit n’est pas mondiale. Ou bien l’on accepte de passer à un état de droit mondial ou le désordre continuera à régner, y compris dans les paradis fiscaux. C’est ce qui se passera si les dirigeants du G20 refusent d’admettre que la crise actuelle n’est pas une crise comme une autre.

Le G20 a pourtant déclaré la guerre aux paradis fiscaux...

Chacun sait que les principaux paradis fiscaux se situent en Angleterre et aux Etats-Unis, là où prospèrent les trusts, un système juridique qui assure une parfaite étanchéité entre le propriétaire de l’argent et le détenteur du compte. Or de cela, personne ne parle. De même que les lois extrêmement favorables, sur le plan fiscal, du Nevada ou du Delaware. Le G20 vise à attendre la fin de la crise sans rien changer d’important. On pourrait presque comparer ce sommet à Londres à une réunion des alcooliques anonymes dans un bar à vins...

Quels sont les autres sujets qui ne feront pas l’objet de réformes ?

Ce qui ne va pas être fait, c’est d’agir sur les causes profondes de la crise : rien ne va être dit sur la titrisation à 100 % - à l’origine de la crise des « subprimes » -, sur les « credit default swaps » (CDS), ces instruments qui permettent de gérer le risque de crédit, sur la séparation des banques d’affaires et des banques d’investissement, ni sur la limitation des effets de levier, c’est-à-dire sur la capacité à s’endetter. Le monde anglo-saxon vit de cela. Il n’y aura pas non plus la mise en place d’une organisation mondiale de la finance.

Les financiers de Wall Street et de la City n’ont cependant pas intérêt à subir des crises d’une telle violence ?

Ils vont accepter un minimum de réglementation. Pas davantage. On le voit bien avec le plan Geithner, qui répète les mécanismes qui ont conduit à la crise en permettant à des fonds de spéculer avec un fort effet de levier. Et puis, est-il normal que les contribuables prêtent à des investisseurs pour que ces derniers fassent des profits ?

Il n’y aura pas non plus de plan de relance global coordonné au niveau mondial ?

Non, parce qu’il y a une différence de conception entre les Américains et les autres. Les premiers sont prêts à accepter l’inflation, même s’ils ne le disent pas, tandis que les Allemands la refusent pour des raisons historiques ; les Chinois n’en veulent pas non plus car ils détiennent des actifs en dollar et ne veulent pas les voir dévaluer. C’est pourquoi ils ont proposé une nouvelle monnaie de réserve. Mais on n’en parlera pas non plus à Londres. Il n’y aura pas de nouveau Bretton Woods. A terme, il y aura une monnaie unique mondiale, une nouvelle gouvernance avec un meilleur équilibre des pouvoirs au sein des institutions financières internationales. Mais pour l’heure, le FMI reste une annexe du Trésor américain.*

PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE CHATIGNOUX, Les Echos


* Pour son ancien pot Dominique (et niqué le niqueur) Strauss Khann

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