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Un G20 pour presque rien

Publie le lundi 6 avril 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

Pour les organisations réunies dans le collectif « Nous ne paierons pas pour leurs
crises », le G20, comme redouté, n’apporte aucune réponse à la crise globale qui
frappe l’ensemble de la planète. La réunion du G20 de Londres ce jeudi 2 avril a
accouché, comme nous le redoutions, de conclusions symboliques qui vont à l’encontre
de la nouvelle dynamique globale souhaitée par les opinions publiques du monde
entier.

De manière évidente les chefs d’Etats et de gouvernements des 20 pays considérés
comme les plus puissants ont choisi, à travers leur déclaration finale, de
relégitimer un système pourtant en crise structurelle et de renforcer le rôle de ses
institutions les plus contestées. FMI, Banque Mondiale, OMC et Forum de stabilité
financière : à travers ses 1 100 milliards, le G20 a choisi de structurer sa réponse
à la crise autour de 4 institutions dont les politiques sont de longues dates
dénoncées par la société civile pour leur impact négatif sur le développement et
l’accès aux droits des populations du monde entier.

En accordant au FMI et à la Banque mondiale la responsabilité d’assurer les
opérations de crédit aux pays violemment frappés par la crise (allant jusqu’à
décider une augmentation de 750 milliards de dollars des ressources du FMI), le G20
remet en selle deux institutions largement discréditées par les échecs de leurs
politiques, et qui, il y a encore moins d’un an, concentraient les critiques de
toute la communauté internationale. Cette réhabilitation s’opère sans engagements
satisfaisants quant à leur réforme interne ou au changement de cap de leur
politique, ni leur intégration dans le cadre institutionnel et légal du système des
Nations Unies.

Le commerce international est présenté comme la première source de création de
richesses et de relance économique, en dépit des impasses évidentes auxquelles a
conduit la libéralisation des échanges et la globalisation effrénée des marchés. La
responsabilité des accords de libre-échange dans la dérégulation financière et la
multiplication des produits et des pratiques spéculatives à risque n’est nullement
remise en cause.

Le G20 n’offre aucun engagement précis quant à mettre fin à la dictature des marchés
financiers, via des instruments de contrôle public et de régulation drastiques. Les
banques et établissements financiers devront être sauvés par tous les moyens, au
prix du financement public, sans aucune contrepartie garantie aux populations
(crédit, services bancaires...) et sans même que leur nationalisation n’ait été
suggérée. Aucune mesure d’interdiction de la spéculation sur les matières premières
n’est par exemple envisagée.

La mise en liste noire des territoires non-coopératifs sur le plan bancaire et
fiscal ne répond pas aux exigences citoyennes, qui souhaitaient voir bannie, au
moins de la part des pays du G20 et de leurs grandes entreprises, toute forme de
domiciliation ou de transit de leurs actifs via des paradis fiscaux.

Les mots d’ordre généraux sur le besoin d’une surveillance accrue et de meilleures
régulations des agences de notation, des institutions bancaires et des acteurs
financiers resteront à coup sûr lettre morte. On se souvient qu’à l’issue de la
crise asiatique à la fin des années 90, des mesures de protection inédites de leur
marché interne avaient été introduites dans de nombreux pays ouverts à la
libéralisation financière ; par la suite, celles-ci ont été allègrement démantelées
sous la pression des Etats européens et des Etats-Unis, notamment dans le cadre de
négociations commerciales régionales et bilatérales.

Enfin les engagements relatifs à la lutte contre les inégalités sociales, la
création d’emplois et la protection durable des écosystèmes ne sont assortis d’aucun
moyen spécifique. Ils font l’objet de paragraphes aussi généraux que marginaux : ni
nouveaux instruments de redistribution, ni investissements massifs dans une économie
verte et créatrice d’emplois décents et justement rémunérés. Le G 20 n’apporte
aucune proposition pour créer de nouveaux instruments au service d’une autre
mondialisation écologique et solidaire, tels que les taxes globales écologiques et
sur les transactions financières. Le G 20 est muet sur la reconnaissance et la
promotion de biens publics mondiaux tels que la santé, l’eau, l’éducation et le
savoir, indispensables pour reconstruire la mondialisation sur de nouvelles bases.

Tous, organisations de solidarité internationale, syndicats, associations de
protection de l’environnement ou de défense des droits, nous savons que les mêmes
politiques conduites par les mêmes acteurs conduiront aux mêmes effets : des
inégalités croissantes et la précarisation des « non-riches », la ponction
systématique des ressources naturelles et la dégradation des équilibres écologiques,
la dégradation des solidarités et des protections sociales et la concentration des
pouvoirs économiques aux mains d’une poignée de multinationales exclusivement
soucieuses de protéger les intérêts de leurs élites.

Le monde de solidarité, de paix et de justice sociale voulu par notre collectif,
rassemblé sous la bannière « Nous ne paierons pas leurs crises », n’a pas été
esquissé à Londres en ce 2 avril 2009. L’opération cosmétique londonienne tente au
contraire de redonner un peu de lustre à un système fondamentalement injuste et
durablement discrédité. Nos organisations resteront mobilisées pour informer les
citoyens, faire entendre nos analyses et nos propositions et rejoindre les
mouvements globaux de résistance et de solidarité qui se déploieront en France, en
Europe et au plan mondial.

Associations et syndicats signataires de l’appel du collectif
Agir ensemble contre le chomâge - AC !, Aitec/Ipam, AlterEkolo, Les Amis de la Terre
France, Association pour l’emploi, l’information et la solidarité - APEIS, Attac
France, CCIPPP, Cedetim, Confédération générale des SCOP - CGSCOP, Confédération
paysanne, CGT Finances, Convergence pour les services publics, Centre de recherche
et d’information pour le développement, CRID, Droit au Logement - DAL, Fédération
Artisans du Monde, Fondation Copernic, France Amérique Latine, Fédération syndicale
unitaire - FSU, Habitat international coalition - HIC, Marches européennes, Mémoire
des luttes, Mouvement de la Paix, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre
les peuples - MRAP, No Vox, Peuples Solidaires, Réseau féministe Ruptures, Survie
Paris, Syndicat national de l’enseignement supérieur - SNESUP, Syndicat nationale
unifié des impôts - SNUI, SUD PTT, Terre des Hommes France, Union syndicale
Solidaires

Organisations politiques en soutien
Les Alternatifs, La Fédération, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti de Gauche, Les
Verts, Parti Communiste Français, PCOF

http://www.solidaires.org/

Messages

  • Ces luttes... à bout de souffle !

    Matière à réflexion

    lundi 6 avril 2009

    par Patrick Mignard

    Soyons honnêtes avec nous-mêmes : nous ne savons plus quoi inventer comme lutte pour nous faire entendre, pour obtenir satisfaction, pour préserver nos acquis sociaux...

    Toute la panoplie des actions que nous ont légués nos prédécesseurs, et que certains conservent pieusement, apparaît comme totalement obsolète, même celles qui pourraient apparaître comme les plus radicales et qui sont devenus des « lieux communs ».

    De la manifestation classique, jusqu’à la « retraite, de nuit, aux flambeaux », en passant par la « ronde des obstinés », les pique niques dans les supermarchés, les « cercles de silences », les grèves de la faim, les séquestrations de cadres et de PDG, sans parler des occupations d’usines et d’Universités, nous finissons d’épuiser notre imagination en vaines trouvailles… pour rien.

    UN CONSTAT DIFFICILE À ADMETTRE

    Quand SARKOZY DE NAGY BOCSA, avec tout le mépris, la démagogie et la morgue qui le caractérisent déclare il y a quelques semaines : « Les grèves en France, on ne les remarque même plus », malgré tout ce que l’on peut penser du personnage, il exprime d’une certaine manière la réalité des luttes actuelles. Il nous dit :« De vos grèves, de vos manifestations, de vos pétitions, je n’en ai rien à foutre »… Et c’est vrai qu’il n’en a rien à foutre… La preuve, c’est que toutes ces manifestations de mécontentements se succèdent, et rien ne change, le Gouvernement continue comme si de rien n’était.

    Ces manifestations n’ont plus aucun impact sur le pouvoir

    Le doute commence à s’insinuer dans les esprits : et si la méthode que nous employons depuis des décennies, n’était plus efficace, un peu comme un vieux couteau, qui en son temps était tranchant, mais qui aujourd’hui ne coupe plus rien !

    Si le capital a su s’adapter remarquablement bien pour se valoriser, d’abord au sein de l’état-nation, puis ensuite dans sa phase de mondialisation, les salariés, eux, ont bien peu innové dans leur manière de lutter contre lui pour défendre leurs acquis.

    Face à notre faiblesse, à notre impuissance, le gouvernement ne se contente pas de passer outre à notre agitation stérile, au contraire, il passe à l’offensive. Contre les manifestations de jeunes, les occupations de locaux, d’usine il n’hésite pas à envoyer ses escouades de brutes mercenaires, en uniforme et en civils, ses provocateurs et ses mouchards qui vont jusqu’à mutiler, bien sûr en toute impunité, des jeunes, des manifestants.

    En effet, il fut une époque pas aussi éloignée ou l’évacuation d’une usine, d’une université était presque impensable, ou tout au moins créait l’évènement… aujourd’hui c’est quasiment tout les jours que cela se produit… sans qu’il y ai une riposte collective à ces agressions.

    Les organisations syndicales et politiques font comme si de rien n’était et continuent leurs pratiques dérisoires, qui organisent des manifestations « traîne-savates », qui préparent des élections, qui parlent de la « prochaine manif » comme une sortie de week end.

    On n’ose pas aujourd’hui s’avouer un tel fiasco, une telle capitulation. On se donne l’apparence du contestataire dans des manifestations carnavalesques où le jeu consiste à comparer le nombre de manifestants que l’on estime à ceux de la police... Puis à se précipiter devant le poste de télé pour voir la « gueule que l’on avait »... Et l’on attend la prochaine « manif »…. Dérisoire !

    UNE PENSÉE FIGÉE

    Au nom d’une fidélité qui tient plus de l’obstination et de la sclérose que de l’analyse politique, les organisations représentatives des salariés n’ont pas changé d’un iota leur mode d’action et se retrouvent aujourd’hui en décalage mortel avec leur adversaire. Non seulement elles ne permettent pas de satisfaire les revendications, mais plus grave, elles sont incapables de préserver les acquis.

    A toute manifestation inutile, succède une autre manifestation toujours aussi inutile, ceci nous conduisant lentement aux vacances, durant lesquelles on prévoit une « rentrée sociale chaude »( ?), c’est-à-dire de nouvelles manifestations… et le cycle reprend, toujours aussi stérile et inefficace.

    Et l’on s’étonne que les autorités puissent ironiser sur nos formes de luttes ? Mais ce sont elles qui ont raison, nous sommes ridicules !

    Mais quel bureaucrate politique et/ou syndical osera le reconnaître, l’avouer en public ? Aucun évidemment… Chacun gère sa petite chapelle et ses privilèges dans le « pré carré contestataire » que lui octroie le système en place.

    Quand on leur pose la question, ces mêmes organisations se contentent de répondre : « Et alors, que faut-il faire d’autre ? », comme si ce n’était pas à elles de faire le constat de leur propre impuissance et de trouver des solutions… d’autant plus que les permanents de ces mêmes organisations sont rémunérés, et souvent grassement, pour cela. Et quand on évoque d’autres types d’action, d’autres stratégies, elles les déclarent de facto ridicules, irresponsables et utopiques ( ?).

    Une telle attitude en dit long sur ce qu’elles sont et le rôle qu’elles entendent jouer. En fait elles n’ont aucune intention de changer, la situation leur convient parfaitement : gérer ce système en encadrant le mécontentement

    Les grands « moralistes » de la « lutte des classes » et autres « gardien de la foi prolétarienne » nous expliquent doctement qu’ « il faut faire confiance aux organisations syndicales et partis politiques, instruments de la démocratie », « et que l’on n’a pas autre chose pour lutter ». Le problème c’est qu’en fait, on ne lutte plus, on subit, on ne fait que protester dans un désert.

    La pensée politique critique est aujourd’hui sclérosée, elle ne fonde sa légitimité que sur des organisations complètement bureaucratisées et des stratégies d’un autre temps.

    Quand on en est réduit, comme c’est le cas aujourd’hui, à faire de la figuration sous prétexte que l’on n’a pas autre chose à faire, que l’on ne sait pas quoi faire d’autre, on a du souci à se faire, non seulement pour nos acquis, mais aussi pour l’avenir.

    Le discours radical, dont certains raffolent, dont les éclats se perdent finalement dans les urnes, après avoir fait écho dans les rues et les médias, nous conduisent tout droit à la démission politique.

    POUR UN SIÈCLE DES LUMIÈRES POLITIQUE

    Le renouveau de la pensée politique ne passera pas par les vieilles structures politiquement vermoulues, même si elles sont de création récente (des noms ?).

    Ce renouveau politique ne passera pas non plus par le ressassement des vieilles litanies pseudo révolutionnaires qui ont toutes fait faillite au siècle dernier, même si elles sont portées par des icônes vénérées et médiatiquement « porteuses » (des noms ?).

    Cette renaissance idéologique ne germera pas dans les vieux grimoires jaunis d’une pensée politique qui, même si elle nous a fait rêver, nous conduit au désastre et à l’impuissance politique.

    Ce n’est pas non plus en affrontant les bandes armées du pouvoir, véritable dispositif de guerre civile, bien mieux équipées que nous, que nous sortirons de l’impasse dans laquelle nous sommes.

    Le vieux monde ne s’effondrera pas tout seul, et même s’il s’effondrait que mettrions nous à la place ?

    Le renouveau de la pensée politique ne peut que se fonder sur des pratiques nouvelles et alternatives qui créditent le fait qu’un « autre monde est possible », qui n’est pour l’instant qu’un mot d’ordre vide de sens.

    Réinvestir l’économique et le social doit constituer l’axe essentiel de notre engagement.

    Jusqu’à quand allons-nous être des marionnettes entre les mains des politiciens et bonzes syndicaux ?

    Jusqu’à quand allons-nous croire naïvement que le moindre soubresaut social est le début du « grand changement » ?

    Jusqu’à quand allons-nous nous laisser ballotter d’élections « bidons » en manifestations « traîne-savates » ?

    Jusqu’à quand allons-nous accepter d’être passifs et de ne pas prendre notre avenir en main ?

    La réponse, que je n’ai évidemment pas, à ces questions marquera à n’en pas douter le début du changement auquel le plus grand nombre aspire.

    Patrick MIGNARD

    1er Avril 2009

    Voir aussi :
    « MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »
    « QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE » (1) (2) (3) (4)

    http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article10192

    • Ouache !

      C’est sur, je ne suis pas d’accord avec tout mais force est de constater que je partage bien des considérations de Mignard.

      En revanche c’est peut être sur les causes ( insuffisamment analysées, en tout cas ici) et en conséquences, sur les remèdes ( peu esquissés ici aussi) que nous divergeons - en revanche de vrais points de concordance sur des sujets comme la démocratie et la représentativité ( pas évoqués ici mais dans d’autres écrits)... A relire à méditer et à analyser...

      LL