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Bouteflika : « Une voie originale » pour tourner « la page noire » de l’histoire coloniale française

Publie le samedi 9 mai 2009 par Open-Publishing
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Une « voie originale » pour tourner la « page noire » de l’histoire coloniale. C’est le message, au ton remarquablement modéré, du président Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion de la commémoration des massacres du 8 mai 1945. Le contenu de la « voie originale » ne se devine pas. Le message a surtout désigné ce qu’elle n’est pas.

Dans le texte, lu par Mohamed Ali Boughazi, conseiller à la présidence, le chef de l’Etat estime que « pour tourner définitivement cette page noire de l’histoire », il faudrait aux deux pays et aux deux peuples de trouver « ensemble » la voie originale qui permettra de « surmonter les traumatismes causés au peuple algérien par l’Etat colonial français », des traumatismes qui « continuent, souvent inconsciemment, à modeler nos consciences et nos manières d’agir ». Difficile de deviner ce que pourrait être cette « voie originale ». En l’état actuel des choses, les « offres » n’existent pas. Le président français, Nicolas Sarkozy, a d’ailleurs oeuvré, alors qu’il n’était que ministre de l’Intérieur, à se faire une image en insistant sur le refus de présenter des excuses pour les crimes coloniaux. « On ne peut pas demander aux fils de s’excuser des fautes de leurs pères », avait-il déclaré.

Comme en écho à ce thème, le message lu par Boughazi souligne que l’on ne peut « faire porter au peuple français tout entier la responsabilité des malheurs et des souffrances qu’en son nom le colonialisme français nous a imposés ». Il reste donc à trouver la « voie originale » qui permettra également d’établir « entre l’Algérie et la France, entre le peuple algérien et le peuple français des rapports authentiques d’amitié sincère et véritable dans une coopération où chacun trouvera son intérêt et des raisons d’espérer dans l’avenir ».

Refus de laisser l’affaire aux historiens et aux sociétés civiles

Une ouverture française est improbable. Les ambassadeurs français Hubert Colin de la Verdière puis Bernard Bajolet ont fait des petits pas en qualifiant les massacres du 8 mai de « tragédie inexcusable » pour le premier et « d’épouvantables massacres » pour le second. Apparemment, Paris n’entend pas aller plus loin d’autant que le président Nicolas Sarkozy joue sur la fibre nationaliste pour occuper l’espace de l’extrême droite. Au cours de sa visite officielle en 2007, en qualité de président, Nicolas Sarkozy a admis que le « système colonial a été profondément injuste » sans pour autant accepter l’idée de présenter des excuses.

Le texte du président Bouteflika ne donne aucun aperçu sur cette fameuse voie qui permettrait de surmonter le blocage. Par contre, s’il énonce de manière claire et sans surprise son rejet de la glorification du colonialisme, il rejette également l’idée qu’il faut s’en remettre aux historiens et aux sociétés civiles pour faire avancer les choses. « Les discours récents sur le caractère prétendument positif du colonialisme et les initiatives visant à laisser le soin aux historiens et aux sociétés civiles de reconstituer cette période de violence et d’atteinte aux droits et à la dignité du peuple algérien sont loin de contribuer à rétablir la vérité et à rendre justice à l’Algérie pour le mal que nous avons subi ».

Si pour la glorification du fait colonial, la chose est entendue, le refus de s’en remettre aux historiens et aux sociétés civiles signifie que le contentieux est d’ordre politique et doit être traité au niveau des deux Etats. Si le président a relevé que la date du 8 mai 1945 « porte un témoignage accablant sur la nature du colonialisme, sa brutalité, son inhumanité, sa barbarie pour tout dire », le ton général du message reste beaucoup moins rude que celui des dernières années. La commémoration du 8 mai est « une occasion de renouveler notre condamnation de l’injustice et de la dérive de l’histoire que représente le colonialisme pour tous les peuples qui ont subi sa domination, elle ne comporte cependant aucun sentiment de vengeance ou de revanche ».

Mehri préconise une autre voie

Il reste qu’à quelques semaines d’une visite annoncée du chef de l’Etat en France, on n’a pas l’ombre d’une idée de cette voie originale qui paraît durablement obstruée. Côté français, on souligne qu’il n’existe pas pour le moment de présenter des excuses officielles. On attendra donc de connaître les idées des officiels algériens sur cette nouvelle approche. Apparemment, le président de l’Assemblée nationale, Abdelaziz Ziari, n’en sait pas plus et s’en tient à l’exigence de « repentance ». « Il serait tout à l’honneur de la France et des Français de faire repentance sur tous les crimes dont a été responsable le colonialisme en Algérie et ailleurs », en estimant que cela « se fera un jour ». Cette exigence de repentance n’est pas totalement partagée en Algérie. Ainsi, M. Abdelhamid Mehri estime que les Algériens n’ont nul besoin de la « repentance » qui ne résoudra pas, selon lui, les problèmes engendrés par 130 ans de colonialisme. Il estime par contre que la loi française d’octobre 1999 reconnaissant qu’il y a eu une guerre en Algérie ouvre la voie à demander des réparations à la France en vertu des lois internationales relatives aux situations de guerre.

http://www.el-milia-mico.org/article-31195064.html

Messages

  • Il ne faut pas prêter à l’Etat l’idée de famille fut-elle grande ou "les enfants n’ont pas à souffrir des erreurs de leurs parents". Même appliquée à la société civile je trouverais la formule osée. L’Etat représente la nation même pour ceux hélas qui en conteste son expression politique présente ou passée. L’Etat ne saurait de son propre établir une prescription trentenaire comme des crimes commis par lui. Que le locataire de l’Elysée change n’empêche pas que l’Etat français reste responsable de ce qui s’est fait en son nom.

    Dire que l’Etat français est responsable de ce qui s’est réalisé jadis en son nom ne signifie pas que toutes les composantes de la nation doivent se reprocher les méfaits du colonialisme. Par contre ceux qui ont engagé les armées et les entreprises dans l’aventure coloniale n’ont pas fait que se discréditer ; ils ont sali la nation entière. Pour autant, si certains ont initié ces méfaits et d’autres y ont participé à divers titres, d’autres encore ont résisté et d’autres enfin ont fait simplement silence. Mon père jeune militaire en Algérie s’est intéressé après à ce qu’ont lui cachait et s’est repenti en faisant brûler ses médailles lors d’une cérémonie religieuse. C’est une voie individuelle originale. Il y en a d’autres plus laïque. Ce genre d’initiative individuelle ne saurait remplacer le devoir de "repentance étatique" qui reste problématique. Mais un tel exercice pour être authentique doit s’accompagner non seulement du désir de favoriser la découverte de la vérité mais aussi de celui de ne pas recommencer les erreurs du passé. Ce n’est pas ce qu’a choisi l’Etat français avec la loi du 23 février 2005 ;

    Sarkozy a répété pendant sa campagne vouloir "en finir avec la repentance, qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires, qui nourrit la haine des autres" .

    On sait que Chirac avait tourmentée la droite à propos de "l’irréparable" commis par la France de Vichy. Les temps changent dans ce domaine et Sarkosy se démarque ici de Chirac et suit Christophe Barbier et Eric Mandonnet (3) auteur de l’article "Le mal de repentance" paru dans l’Express à la suite de la révolte des banlieues ou l’auteur de "Pour en finir avec la repentance coloniale" ouvrage de Daniel Lefeuvre sorti à l’automne 2006 (4).

    Pour quel motif ? D’après Christophe Barbier et Eric Mandonnet la leçon est claire "A chaque fois, la repentance atteint le but contraire à son intention : voulant réconcilier, elle déchire ; recherchant le consensus, elle récolte la polémique" Mais qui a dit que la repentance devait déboucher sur le consensus. Si la repentance s’appuie sur une vérité niée par certains elle risque fort de déplaire !
    Autre question abordée par Sarkozy : "La repentance est-elle vraiment une haine de soi ?" On peut se poser la question au plan individuel en évoquant la question du pardon. Ma réponse serait volontier négative. Une vision juste de soi, non gonflée de sa supériorité morale, admet ses torts et demande pardon à l’autre qu’il a blessé. Mais ce n’est pas en l’espèce la question qui se pose puisque la repentance s’applique à la Nation française.

    La Nation est une entité abstraite fort différente du peuple. A ce stade de la discussion on peut dire que chaque français n’a pas à faire sien les méfaits de l’Etat français ou de l’élite qui en a décidé à une époque au nom de la Nation. Ni faute, ni responsabilité. Juste un souci de vérité qui ne fait pas consensus, qui ne plait évidemment pas à tous. Cette façon de voir ne concerne pas que le lien à la Nation française. Ainsi par exemple, comme le dit Daniel Bensaïd, « De quoi devraient se repentir ceux qui sont restés communistes sans avoir célébré le petit père des peuples ? »

    Ce point de vue n’est pas accepté de tous, notamment de ceux qui pensent que l’on ne choisit pas plus sa Nation que ses parents. En quelque sorte il faut « tout prendre » dans la Nation, le bon et le mauvais. En ce cas il importe plus que dans l’optique précédente que l’Etat français présente ses excuses aux peuples qu’il a agressé, dominé, massacré et colonisé. Il ne s’agit pas d’intervenir pour des injustices commises (cf MRAP déc 2007) mais de demander pardon lorsque « l’irréparable » a été commis ainsi que la proclamé Jacques Chirac (5) dans son discours du Vel d’Hiv, le 17 juillet 1995 ( par la rafle de 1942, « La France avait commis l’irréparable ») . C’est là une démarche contraire de celle initiée avec la loi du 23 février 2005 sur « le rôle positif » de la colonisation (6 ).

    Christian DELARUE
    extrait chrismondial

    3) Christophe Barbier, Eric Mandonnet "Le mal de repentance " souligne à l’appui de leur conclusion que "la France quitte brutalement l’omerta pour le grand déballage, et la repentance sert de sas de décompression. Vichy et la torture durant la guerre d’Algérie en ont été de récents exemples, Maurice Papon et le général Aussaresses les coupables expiatoires, Jacques Chirac un praticien malchanceux. Avec son discours sur les rafles du Vel’ d’Hiv’, le 16 juillet 1995, il ne clôt pas la polémique sur la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, qui sera relancée lors du procès Papon ; se repentant à Madagascar, en juillet dernier, pour les massacres de 1947, il reçoit un accueil glacé. De même, Lionel Jospin, en novembre 1998, réhabilitant les « fusillés pour l’exemple » des mutineries de 1917, échauffa les esprits plus qu’il n’apaisa les mémoires"

    http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/colonisation/dossier.asp?ida=436168

    NB : Nicolas Sarkozy, Faudel, Abdelkader et la "repentance"
    Le petit prince du raï évoque un résistant algérien en l’honneur du nouveau président français "Etrange sensation que d’entendre dans ce contexte démarrer la sublime chanson de Cheb Khaled, qui, sur des airs de violons, oud et darbouka, évoque avec emphase le chef de guerre et penseur musulman Abdelkader Nasser Din. L’émir a combattu l’armée française de 1832 à 1847, à la tête de tribus de l’ouest de l’Algérie, avant de se rendre. Après la guerre d’indépendance, Alger en a fait un symbole de la résistance à la France et le fondateur de l’Etat algérien, qui réclame aujourd’hui des excuses officielles de la France pour son passé colonial."

    http://www.afrik.com/article11702.html

    Par contre les colonialistes défendent Sarkozy et : « La période coloniale évoquée dans une pétition de personnalités algéro-françaises publiée le 4 décembre 2007 « La repentance est exclue. Quant à la reconnaissance de la responsabilité, nous disons ceci : en 1962, la France a laissé à l’Algérie un pays complètement opérationnel, avec ses routes, ses aéroports, son agriculture...les Algériens vont-ils le reconnaître aussi ? », s’interroge M. Nouvion qui entend rappelé cette position des rapatriés à Nicolas Sarkozy. Voilà la pensée coloniale dans toute sa splendeur : « Les routes » « positives » faces à une domination coloniale reconduite violemment pendant 150 ans ! Non, la colonisation ne saurait être « positive » !

    4) Un commentaire de "Pour en finir avec la repentance coloniale" in Les Clionautes

    Des « Repentants » ? Où et qui ? par Dominique Chathuant

    http://www.clionautes.org/spip.php?auteur248

    Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, tous deux signataires de la pétition « Liberté pour l’histoire », avaient désapprouvé dans le /Monde/, l’appel des Indigènes. Dans un ouvrage qui dénonce à la fois le lynchage médiatique dont a été victime l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau, le problème posé par la loi Taubira ou les anachronismes commis par Gilles Manceron, historien et cadre de la Ligue des droits de l’homme, on ne trouve pas mention d’une tribune du même Gilles Manceron condamnant l’exploitation raciste de la mémoire de l’esclavage et figurant à côté d’une tribune d’Olivier Pétré-Grenouilleau[32]
    C’est l’un des nombreux exemples de la construction artificielle du monolithe repentant. Il est significatif qu’à la lecture de ce livre, le Figaro magazine (dont un des journalistes s’est illustré dans un de ces ouvrages où l’on rouvre de nombreuses portes ouvertes pour prétendre ensuite qu’elles abritaient des vérités secrètes), s’interroge sur la cause de la vague de repentance sans même poser la question de la pertinence du concept. Le livre pose d’autres questions. « Comment critiquer les « repentants » sans faire de même pour les nostalgiques de la colonisation ? » interroge pertinemment Claude Liauzu qui n’est, ni le dernier des réactionnaires colonialistes, ni un thuriféraire de la démarche de l’ACHAC.

    http://www.clionautes.org/spip.php?article1178

    5) La critique des gaullistes contre la repentance de Chirac
     » Dans son discours du Vel d’Hiv, le 17 juillet 1995, à peine élu, Jacques Chirac affirma que, par la rafle de 1942, « La France avait commis l’irréparable » : non pas « Vichy », mais « la France », dont tout gaulliste, c’est sa raison d’être, jurait qu’elle était alors à Londres ! »

    http://www.gaullisme.net/chirac-antigaulliste.htm

    6) Certaines organisations voulaient l’abrogation totale de cette loi (MRAP) et d’autres de certains articles seulement.

    Les premiers à intervenir furent l’association "Harkis et Droits de l’Homme" ainsi que le précise sa présidente Fatima BESNACI-LANCOU "dès le 28 février 2005, par un communiqué envoyé à l’AFP. Ce communiqué a été repris dans le livre "La Colonisation, la loi et l’histoire, Ed.Syllepse" de Gilles Manceron et Claude Liauzu"

    http://www.harkis.info/portail/article.php?sid=1092290

    http://www.mrap.fr/communiques/harkid

    Par la suite en juin 2005, diverses associations - dont la LDH, le MRAP, la FSU, le Collectif des historiens contre la loi du 23 février 2005 ... - ont mis en garde contre une réhabilitation insidieuse de l’OAS et plus globalement du colonialisme français en Algérie. La prochaine inauguration d’une stèle à la mémoire d’anciens membres de l’OAS et la loi du 23 février 2005 témoignent de cette entreprise.

    http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article701