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JE N’AI PAS TOUT DIT DU GÉNÉRAL AUSSARESSES Quand la bête de guerre passe aux aveux

Publie le mercredi 27 mai 2009 par Open-Publishing
3 commentaires

Le général, qui n’a jamais cessé d’être un agent secret, peut-il se libérer de sa conscience élastique ?

Le général Paul Aussaresses a, affirment les spécialistes, toujours été considéré par « la République française de 1955 à 1957, comme l’un de ses meilleurs agents secrets. »

Dans un ouvrage précédent, Services spéciaux Algérie, 1955-1957 (paru aux éd. Perrin, Paris, 2001), il aurait fait des « révélations », assure-t-il, sur la torture en Algérie. Volontaires ou stratégiques, les aveux étaient grossièrement entachés d’un oubli, - plutôt d’un vrai mensonge. Comment pouvait-il en être autrement ? « Cet ancien parachutiste de la France libre, baroudeur de la guerre d’Indochine et fondateur du 11e Choc (le bras armé du SDECE), était déjà considéré comme une légende vivante » ; il cultivait, par formation et par expérience, le sens d’exposer les faits. « Il ne donne pas l’image d’une bête de guerre, ce qu’il fut pourtant », soulignent les journalistes Jean-Charles Deniau et Madeleine Sultan dans l’avant-propos de leurs entretiens avec lui sous le titre Je n’ai pas tout dit (*). Or, il fut - et impassible, il le répète - dans sa mission à Philippeville en Algérie et, tout spécialement aux ordres de Massu, dans la bataille d’Alger, celui dont l’objectif était de « lutter par tous les moyens contre la rébellion, et le terrorisme érigé en système par le FLN. » Il s’agissait d’arracher le renseignement aux nationalistes algériens par la torture. Le général, tortionnaire et, après 1962, marchand d’armes, était tout le temps motivé par, ce qu’il appelait, « les circonstances, la situation que vivait la France ». Pour lui, aujourd’hui, il n’est pas question de repentance !...Pour la République, on le sait assez,...aussi !

Néanmoins, nous avions pris connaissance du contenu de son premier ouvrage - Services spéciaux, Algérie, 1955-1957 - et mesuré l’importance de ses déclarations, encore que nous nous doutions que de tels aveux, « spontanés », balancés par un agent des « Services Spéciaux », ne pouvaient être complets, même si Aussaresses avait, par ailleurs, confié (méfiance de l’agent secret oblige !), « Je crois qu’il est aujourd’hui utile que certaines choses soient dites. » Dans ce premier livre, paru en 2001, ses premiers aveux, par lesquels il s’imaginait convaincre ses lecteurs - en tout cas, pas nous, les Algériens -, le tortionnaire non repenti annonçait quelque part dans le texte « [...] qu’il est désormais de mon devoir de les raconter. » Ce fut son devoir de vérité qui semble avoir embarrassé les hautes sphères politiques et militaires françaises ! « Qu’est-ce qui t’a pris d’ouvrir ta gueule ? », lui aurait crié le général Bigeard.

Et tandis que la grande Histoire des peuples a définitivement reconnu que la lutte de libération nationale algérienne a été une guerre, une Guerre où les atrocités physiques et morales, provoquées par l’armée d’occupation, se comptent par millions dans toutes les mémoires, le général Aussaresses, de nouveau, ravive les plaies douloureuses du peuple algérien et du peuple français. Voilà donc qu’il défait le passé colonial de la France d’une partie significative « des basses besognes » exécutées par ses « officiers triés sur le volet », réglés comme du papier à musique, - ce qui, au reste, démontre l’ignominie du système colonial dont l’arrière-garde et ses rejetons (et ses nouveaux affidés) vantent, dans la loi du 23 février 2005, les valeurs qui, à eux seuls, ont historiquement profité.

Cependant, dans ce Je n’ai pas tout dit, le général Aussaresses ne dit rien qui vaille notre étonnement ou qui éveille notre attention pour en savoir davantage ? Rien que nous ne sachions déjà, par exemple, sur l’assassinat (camouflé en suicide) de Larbi Ben M’Hidi ou sur « l’affaire Audin », ce jeune professeur de mathématiques, assistant à la faculté des Sciences d’Alger, qui se serait « évadé » au cours de son transfert par des parachutistes « du PC de la rue de Verdun » au « Bâtiment d’El Biar ». Aussaresses reste, imperturbablement, « l’officiel agent secret ». Que pouvait-il dire de plus, en effet, que les Algériens ne sachent, depuis longtemps avant ses « révélations », sur leur cauchemar durant la domination coloniale et sur les exactions subies durant la lutte de Libération nationale contre l’armée d’occupation ?

Ses « Ultimes révélations au service de la France » sont encore des bribes de renseignements avoués par dépit, celui d’un médaillé forcé de démissionner de l’ordre de la Légion d’honneur et celui d’un mercenaire fini, cherchant à se dégager, coûte que coûte, de ses actes criminels multiformes commis « pour la France ». Mais peut-être, après tout, cela pourrait-il, a contrario, pousser en France quelques revanchards déterminés au pire, sinon quelques naïfs, à pleurer sur le malheur d’un ange maléfique déchu. Si, toutefois, il n’est pas évidemment au moins une de ces misérables espèces, qui, se réveillant, je ne sais par quelle grâce, comprend que le général Aussaresses, au déclin de sa vie et certainement plus en mal de publicité que de conscience, vient d’ouvrir un commerce florissant, en vue d’une retraite dorée, déjà consommée, en vendant ses abjectes révélations. Quand donc cet auteur d’un nouveau genre, qui fait de la paramnésie, un nonagénaire alerte en paroles et physiquement en ruine, presque aveugle, finira-t-il « de dire » sa conscience dénaturée ?

(*) JE N’AI PAS TOUT DIT

du Général Aussaresses

Éditions du Rocher, Paris, 2008, 290 pages.

Messages

  • Ce qui fut pire : ce fut les meurtres des algériens (du FLN) contre les algériens.

    Aussaresses aura eu le mérite de parler, pour qu’une page de cette histoire atroce se tourne.

    Le pire dans l’histoire aussaresse , c’est pas l’Algérie, mais la vente des procédés de torture aux jintes d’amérique latine.

    Aussaresse était dans son camps, mais vendre des techniques de tortures, à la cia, cà c’est hautement condamnable et mérite d’être puni sévèrement..

    Car on ne peut invoquer la France.. mais les NAZI de la cia

    • le pire c’est la souffrance de chacune des victimes et de leurs familles.

      Même si vous n’etes pas algeriens, il faut faire un peu preuve d’humanité et d’empathie.

      Viennent ensuite la non reconnaissance de ces procédés par leurs auteurs et leurs commanditaires, l’absence d’excuses officielles, et aussi la guerre interne entre factions algeriennes...

      Même les heros ne sont jamais que des etres humains.

      Quant à l’exportation des procédés, je doute que les juntes bestiales d’amerique du sud ait eu besoin des français pour etre formées à la torture.

  • Monsieur,

    Etre passionné, ce que visiblement vous êtes, ne vous dispense pas d’un minimum de recul par rapport aux événements.
    Parler de reconnaissance des peuples, de l’importance fondamentale à vos yeux du caractére juridique de guerre en afrique du nord (ce qui est en l’occurence juridiquement discutable), de l’atrocité unilatérale des militaires français n’apporte pas beaucoup de credit à votre discours, en le marquant du sceau de la partialité.

    Les mémoires d’Aussaresses, qu’il ne présente jamais comme des aveux (attention à ce que vous ecrivez, à moins que vous ne vouliez delibérement et definitivement être un tribun) sont particuliérement intéressants pour ceux qui auront à écrire l’histoire de ce conflit.

    Gageons qu’ils seraient également trés satisfaits de trouver de tels écrits sous la plume des politiques de l’époque, métropolitains et magrhébins (puisqu’historiquement ils ne peuvent encore être qualifiés d’algériens) !

    Gageons également que de tels écrits de la plume de ceux qui ont ordonnés ou conduits les attentats, les exécutions de civils ou de militants magrhébins d’une autre audience ou obédience serait trés utiles pour que ce conflit quitte un jour le domaine de la diatribe politique pour rejoindre celui de l’histoire.

    Gageons egalement que les ecrits des militants islamistes, et des militaires algériens qui les ont combattus avec des méthodes tellement similaires à celles d’Aussaresses seraient les biens venus pour les historiens.

    Si toutes ces personnes se mettent à écrire, même si d’aucun ne manqueront pas de rechercher des raisosn plus ou moins obscures, l’histoire et non la polémique ne s’en portera que mieux.

    Et en cela, merci infiniment monsieur Aussaresses.