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Un courant de l’UMP appelle à spammer les syndicats

Publie le mercredi 21 mai 2003 par Open-Publishing

Un courant de l’UMP appelle à bombarder d’e-mails les principaux syndicats

 http://news.zdnet.fr/story/0,,t119-s2134784,00.html

Par Estelle Dumout
ZDNet France
15 mai 2003

L’opération menée par la Droite libre, un courant radical de l’UMP, pourrait tomber sous le coup de la loi : elle incite ses sympathisants au "spam" politique en direction des syndicats les plus favorables à la grève. CFDT et CGC sont épargnés.

« Ils bloquent la France, nous bloquons leur boîte mail ! »
Dans une lettre ( http://www.ladroitelibre.com/site/newsletter.php ) électronique datée du 14 mai, l’association la Droite libre se réjouit du succès de sa dernière action, lancée la veille : inonder les boîtes e-mails des principaux syndicats, avec un message standard pour dénoncer les grèves et leur attitude dans le dossier des retraites.

Ce groupuscule a été créé en novembre 2002 par Rachid Kaci, un militant de droite qui fut candidat à la présidence de l’UMP face à Alain Juppé. L’UMP, le parti de la "majorité présidentielle" monté par le candidat Chirac pendant les élections présidentielles, et rebaptisé "Union pour un mouvement populaire" après son élection. Le mouvement de Kaci milite aujourd’hui pour « une droite décomplexée » qui assume « fièrement ses convictions et ses valeurs ». Officiellement reconnu par le parti, il espère en devenir un courant à part entière lors du prochain congrès de l’UMP à l’automne 2003.

« Ils s’agit d’une opération de soutien au gouvernement Raffarin et une façon de protester contre l’action des syndicats », déclare le fondateur du mouvement à ZDNet. « Ils ont peut-être le monopole des transports, mais ils n’ont pas le monopole de l’action militante et du blocage », pouvait-on lire dans la lettre du 14 mai envoyée, dit-il, à environ 80000 sympathisants.

La boîte personnelle de Marc Blondel bloquée

La Droite libre a récolté les adresses e-mails de syndicalistes publiés sur leurs sites internet. Sont concernés ceux de Force ouvrière (FO), de la Confédération générale du travail (CGT), de SUD-Rail et des principaux syndicats d’enseignants, qu’elle publie sur son site. Concernés à moitié : les organisations CFDT et CGC, qui ont réussi à plaider "non coupable" auprès du parti de Kaci qui les a aussitôt retiré de la liste des syndicats à "bombarder"...

L’association politique demande à ses partisans de copier-coller les adresses de syndicalistes dans un e-mail, et d’y joindre un texte standard leur reprochant « d’avoir choisi l’épreuve de force », et leur demandant « d’adopter une position plus responsable ».

« Nous ne disposons pas d’un serveur unique qui envoie massivement les courriers, il s’agit d’initiatives personnelles [de nos sympathisants], il est donc impossible de quantifier le nombre de courriers envoyés », ajoute Arnaud Dassier, secrétaire général de l’association. « Mais la propagation virale de notre message est très forte, si bien que plusieurs centaines de milliers messages ont dû être expédiés ».

Marc Blondel, délégué général de FO a fait part dès hier soir de son irritation devant cet afflux de courriers non sollicités. « FO a un blocage de mails parce que des gens de l’UMP nous écrivent, en disant que nous n’y comprenons rien », a-t-il déclaré à l’AFP. Contacté par ZDNet, le syndicat confirme avoir reçu « des milliers d’e-mails » depuis deux jours. « Cela a causé de nombreux désagréments dans notre système et bloqué la boîte personnelle de Marc Blondel », confirme une responsable technique.
Aucune réplique du même ordre n’est cependant envisagée. « Nous avons installé des filtres par mot-clé, et nous avons saisi notre avocat », explique-t-elle.

Trois ans de prison, 45000 euros d’amende

À la CGT, l’action de la Droite libre est prise comme un aimable divertissement. « Nous avons reçu environ 2000 e-mails depuis hier », affirme Danièle Garnier, responsable de la communication. « Il faut bien qu’ils s’amusent, et nous, ça nous divertit », rigole-t-elle. Et d’ajouter qu’elle a même pris contact avec une des expéditrices, dont l’adresse montrait qu’elle travaille au sein du ministère de l’Intérieur. « Nous avons [aussi] installé des filtres », conclut-elle, en reconnaissant qu’une partie du système avait quand même été « détraqué ».

Reste la question de la légalité d’une telle action. « Tout est question de sémantique », explique Olivier Iteanu, avocat au barreau de Paris et président de l’association Isoc France. « Si l’objectif avoué est de bloquer les e-mails, il s’agit d’une entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatique de données (article 323-2 du code pénal) ». Un délit pénal dont les sanctions vont jusqu’à trois ans de prison et 45000 euros d’amende.