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« Cette décision, c’est une bombe »

Publie le samedi 18 juillet 2009 par Open-Publishing
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L’État devra indemniser trois détenus à Nantes


A la maison d’arrêt de Nantes, le taux d’occupation atteint les 140 % : Franck Dubray

Les trois prisonniers devraient recevoir, chacun, entre 5 000 et 6 000 €. Ils dénonçaient des conditions de détention dégradantes. Le tribunal administratif ouvre ainsi une brèche pour d’autres plaintes.

NANTES. « Cette décision, c’est une bombe ». Me Benoît Rousseau ne cache pas sa joie, alors qu’il vient d’apprendre la nouvelle. Par une décision rendue le 8 juillet, le tribunal administratif de Nantes condamne l’État à réparer le préjudice causé à trois détenus. L’aboutissement d’un combat de cinq ans pour ces anciens prisonniers. Ils ont aujourd’hui purgé leurs peines, allant d’une dizaine de mois à quatre ans.

En 2004, après le dépôt de leurs requêtes par leur avocat, Me Rousseau, un expert avait été nommé par la justice pour constater leurs conditions de détention à la maison d’arrêt de Nantes.

À la suite du rapport de cet expert, le rapporteur public (magistrat indépendant) avait estimé, fin mai, que ce qu’ils avaient subi justifiait une indemnisation. Il proposait un montant entre 3 500 et 6 000 €, en fonction de la durée de détention. Selon nos informations, le tribunal aurait retenu le haut de la fourchette : entre 5 000 et 6 000 €. Les 6 000 € reviendraient à un détenu plus âgé, incarcéré pour la première fois et plus longtemps.

423 détenus pour 219 places

« Je ne demande pas qu’on leur change les draps tous les jours, ni qu’ils aient un menu varié, s’indigne leur avocat. Mais là, on parle de manque d’air, de lumière, de problèmes d’odeur et de superficie. De rats qui investissent la cour de promenade quand les bruits s’apaisent... » Le taux d’occupation de la maison d’arrêt de Nantes atteint les 140 %. Fin juin, elle comptait 423 détenus pour 219 places.

Depuis le début de l’été, plusieurs avocats nantais ont déposé une quinzaine de nouvelles requêtes pour faire constater les conditions de détention de leurs clients. À Caen, six avocats ont, début juillet, engagé la même procédure aux noms de six détenus.

Depuis plusieurs années, les rapports sur l’état déplorable des prisons se multiplient, en vain. Les décisions des tribunaux administratifs sont encore rares. Le jugement nantais pourrait encourager de nombreux autres prisonniers à exiger réparation. À Rouen, deux jugements ont condamné l’État, depuis l’an dernier. La Cour européenne des droits de l’homme (Cedh) a, elle aussi, condamné la France pour traitements dégradants envers un détenu. Le 9 juillet, Cyril Khider, 35 ans, s’est vu allouer 12 000 € par la Cedh pour préjudice moral.

Clémence HOLLEVILLE.

 Ouest-France du vendredi 17 juillet 2009