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Loi HADOPI 2 : une malfaçon législative

Publie le mercredi 29 juillet 2009 par Open-Publishing
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de Eolas

Pour me déten­dre sur mon yacht voguant vers les Sey­chel­les, je me mets à jour sur les débats sur la loi HADOPI 2, qui s’appel­lera loi rela­tive à la pro­tec­tion pénale de la pro­priété lit­té­raire et artis­ti­que sur inter­net (PPPLAI).

Les tra­vaux légis­la­tifs ont été inter­rom­pus pour lais­ser la place aux tra­vaux de réfec­tion de la ver­rière de l’hémi­cy­cle. En vérité, un peu de clarté ne fera pas de mal à la repré­sen­ta­tion natio­nale.

Pro­fi­tons de cette trève pour faire un point d’étape. Que pré­voit cette nou­velle loi, en l’état ?

Elle tente de redon­ner quel­que pou­voir à la Com­mis­sion de Pro­tec­tion des Droits (CPD), le bras armé de la HADOPI, amputé par la déci­sion du Con­seil cons­ti­tu­tion­nel.

Je vous rap­pelle briè­ve­ment les épi­so­des pré­cé­dents : la loi HADOPI 1 vou­lait créer une machine admi­nis­tra­tive à sus­pen­dre les abon­ne­ments par paquets de 1000 (après deux aver­tis­se­ments), en créant une obli­ga­tion de sur­veillance de son abon­ne­ment qui rend fau­tif le titu­laire de tout abon­ne­ment ser­vant à télé­char­ger illé­ga­le­ment, peu importe que l’abonné ne soit pas l’auteur dudit télé­char­ge­ment. Le but étant de s’évi­ter de rap­por­ter une preuve trop lourde à four­nir de l’iden­tité rélle du télé­char­geur. La répres­sion mas­sive au nom de la péda­go­gie.

Le Con­seil Cons­ti­tu­tion­nel a sorti son car­ton rouge : il faut qu’une telle mesure, atten­ta­toire aux liber­tés d’expres­sion et de com­mu­ni­ca­tion (et non de con­som­ma­tion comme beau­coup, dont Alain Fin­kel­kraut, l’ont répété d’abon­dance) soit pro­non­cée par un juge et res­pecte la pré­somp­tion d’inno­cence.

Résul­tat : la CPD se retrouve ampu­tée de tous ses pou­voirs de sanc­tion.

La loi HADOPI 1 a été pro­mul­guée mais ce dis­po­si­tif n’est pas encore entré en vigueur faute des décrets d’appli­ca­tion. C’est volon­taire, la loi-patch étant en cours de codage au par­le­ment. Le gou­ver­ne­ment a jusqu’au 1er novem­bre pour cela, date d’entrée en vigueur de la loi HADOPI 1.

La CPD devien­dra une machine à réu­nir les preu­ves : ses agents, asser­men­tés, pour­ront se faire com­mu­ni­quer par les FAI tous les ren­sei­gne­ments uti­les et cons­ta­ter les télé­char­ge­ments par des pro­cès-ver­baux fai­sant foi jusqu’à preuve con­traire ne pou­vant être rap­por­tée que par écrit ou par témoin, pro­cès-ver­baux ser­vant de sup­port à une pro­cé­dure d’ordon­nance pénale, c’est à dire une con­dam­na­tion pénale pro­non­cée sans audience (le con­damné ayant un délai de 45 jours pour faire oppo­si­tion, ce qui annule auto­ma­ti­que­ment l’ordon­nance et donne lieu à sa con­vo­ca­tion en jus­tice pour une audience), la loi HADOPI 2 créant enfin une peine com­plé­men­taire de sus­pen­sion de l’abon­ne­ment inter­net que l’ordon­nance pénale pourra pres­crire. Le décret d’appli­ca­tion créera quant à lui une con­tra­ven­tion de négli­gence dans la sur­veillance de son accès à inter­net pas­si­ble elle aussi d’une peine com­plé­men­taire de sus­pen­sion d’accès à inter­net (mais par une pro­cé­dure de droit com­mun).

Nous voilà retom­bés sur nos pieds : c’est bien un juge qui pro­nonce la sus­pen­sion, et les droits de la défense sont res­pec­tés puis­que le Con­seil a jugé con­forme à la Cons­ti­tu­tion l’ordon­nance pénale, embal­lez, c’est pesé. Vous avez suivi ?

Un exem­ple pour vous mon­trer l’usine à gaz.

Les agents de la CPD cons­ta­tent que l’adresse IP 127.0.0.1 télé­charge un fichier pirate de l’immor­tel chef d’oeu­vre de Robert Tho­mas de 1982 Mon curé chez les nudis­tes. Ils en dres­sent pro­cès ver­bal. L’adresse IP en ques­tion cor­res­pond au FAI dev/null Tele­com. La CPD se fait com­mu­ni­quer par ce FAI quel abonné uti­li­sait cette adresse IP tel jour à telle heure. L’incons­cient est mon­sieur Übe­rich, un Alsa­cien. Or ce mon­sieur a déjà fait l’objet d’un envoi d’e-mail et d’un envoi de let­tre recom­man­dée (peu importe qu’il l’ait reçue : le légis­la­teur me lit assu­ré­ment et a con­tourné le pro­blème de la let­tre recom­man­dée qu’on ne va pas cher­cher en rem­pla­çant par un amen­de­ment à cette loi la récep­tion de la let­tre par sa sim­ple pré­sen­ta­tion). Le dos­sier est trans­mis au minis­tère public pour qu’il requière une ordon­nance pénale con­dam­nant mon­sieur Übe­rich soit pour con­tre­fa­çon soit pour négli­gence dans la sur­veillance de son accès selon les preu­ves réu­nies à une peine de sus­pen­sion de l’abon­ne­ment. Mon­sieur Übe­rich pourra faire oppo­si­tion pour con­tes­ter cette con­dam­na­tion et faire valoir sa défense.

Et croyez-moi, je sim­pli­fie beau­coup.

Heu­reu­se­ment, on peut rire dans cette affaire, en lisant le rap­port de M. Ries­ter, rap­por­teur de la com­mis­sion des affai­res cul­tu­rel­les.

Le rap­port jus­ti­fie ainsi le fait que les agents asser­men­tés de la Com­mis­sion de Pro­tec­tion des Droits (CPD) puis­sent dres­ser des pro­cès ver­baux fai­sant foi jusqu’à preuve con­traire.

Le der­nier ali­néa (de l’arti­cle 1er, NdA) pré­voit que les PV dres­sés à cette occa­sion font foi jusqu’à preuve con­traire. Il s’agit ici sim­ple­ment de l’appli­ca­tion du droit com­mun de la pro­cé­dure pénale, notam­ment de l’arti­cle 431 du code de pro­cé­dure pénale.

Rap­pe­lons que cette pré­ci­sion est pré­vue dans les mêmes ter­mes au deuxième ali­néa de l’arti­cle 450-2 du code du com­merce pour l’Auto­rité de la con­cur­rence ou à l’arti­cle L. 8113-7 du code du tra­vail pour les ins­pec­teurs du tra­vail.

Les Gen­dar­mes de Saint-Tro­pez décou­vrent la pro­cé­dure pénale.

Tout d’abord, l’arti­cle 431 n’est pas le droit com­mun en la matière puisqu’il est l’excep­tion.

Le prin­cipe, c’est l’arti­cle 430 , il n’était pas loin pour­tant.

Je graisse :

Sauf dans le cas où la loi en dis­pose autre­ment, les pro­cès-ver­baux et les rap­ports cons­ta­tant les délits ne valent qu’à titre de sim­ples ren­sei­gne­ments.

Et c’est ce sauf dans le cas où la loi en dis­pose autre­ment que vise l’arti­cle 431 :

Dans les cas où les offi­ciers de police judi­ciaire, les agents de police judi­ciaire ou les fonc­tion­nai­res et agents char­gés de cer­tai­nes fonc­tions de police judi­ciaire ont reçu d’une dis­po­si­tion spé­ciale de la loi le pou­voir de cons­ta­ter des délits par des pro­cès-ver­baux ou des rap­ports, la preuve con­traire ne peut être rap­por­tée que par écrit ou par témoins.

La loi HADOPI 2 vise donc à don­ner excep­tion­nel­le­ment cette force pro­bante excep­tion­nelle aux agents de la CPD, simi­laire à celle recon­nue aux ins­pec­teurs du tra­vail ou aux agents de l’Auto­rité de la Con­cur­rence cités par le rap­por­teur. Il aurait pu ajou­ter aux poli­ciers en matiè­res de con­tra­ven­tion rou­tière (art. 537 du CPP), ça par­le­rait plus aux Fran­çais en vacan­ces..

Vient ensuite le meilleur moment : Frank Ries­ter nous expli­que ce que cela signi­fie.

Cela signi­fie que la preuve de l’inexac­ti­tude des faits cons­ta­tés ne pourra pas résul­ter uni­que­ment d’une déné­ga­tion ulté­rieure de la per­sonne con­cer­née. Il fau­dra, aux ter­mes de l’arti­cle 431 pré­cité, que la per­sonne con­cer­née four­nisse une con­tre preuve par écrit ou par témoins – elle était par exem­ple hos­pi­ta­li­sée et dis­pose d’un cer­ti­fi­cat médi­cal ou était à l’étran­ger et quelqu’un peut en attes­ter.

J’adore “la preuve de l’inexac­ti­tude” résul­tant “uni­que­ment” d’une “déné­ga­tion ulté­rieure de la per­sonne con­cer­née”. Il faut dire à la décharge de M. Ries­ter qu’il y a en effet des pré­cé­dents fâcheux de déné­ga­tions ulté­rieu­res ayant abouti. Sans par­ler de ceux qui n’ont jamais avoué.

Comme quoi le gou­ver­ne­ment (et l’assem­blée natio­nale quand elle est ser­vie par un rap­por­teur trop empressé à jouer les sup­plé­tifs du Gou­ver­ne­ment) a du mal avec la pré­somp­tion d’inno­cence. Une déné­ga­tion ulté­rieure n’est pas une preuve de l’inexac­ti­tude mais un sim­ple refus de s’incri­mi­ner soi-même, ce qui est un droit de l’homme ardam­ment défendu par la Cour euro­péenne des droits de l’homme, et par­fois un sim­ple cri d’inno­cence. C’est aux auto­ri­tés d’appor­ter la preuve de la cul­pa­bi­lité, et non de faire par­ler le sus­pect pour lui dénier le droit de se rétrac­ter ensuite.

En fait, le Gou­ver­ne­ment tente une nou­velle fois de con­tour­ner la pré­somp­tion d’inno­cence, ce qui avait valu au pre­mier texte les déboi­res que l’on sait. La loi HADOPI 1 ne per­met­tait à l’abonné de con­tes­ter sa sanc­tion que de trois façons : démon­trer que son abon­ne­ment a été uti­lisé frau­du­leu­se­ment, ins­tal­ler un logi­ciel de sécu­ri­sa­tion (qui prou­vait que seul l’abonné pou­vait être le pirate) ou la force majeure. Niet a dit le Con­seil cons­ti­tu­tion­nel. Et ajoute-t-il, il faut que le juge y passe.

Parade du Gou­ver­ne­ment : aller cher­cher l’exis­tant, puis­que cela a déjà été validé par le Con­seil cons­ti­tu­tion­nel. Soit l’ordon­nance pénale et les PV fai­sant foi. Vous voyez le méca­nisme : obte­nir des con­dam­na­tions péna­les par un juge, sans audience puis­que de tou­tes façons le juge est lié par les pro­cès ver­baux des agents de la CPD. L’abonné ne pourra que démon­trer (sur oppo­si­tion à l’ordon­nance pénale) qu’il est impos­si­ble que ce soit lui qui ait télé­chargé illé­ga­le­ment tel fichier[1].

Ce qui est exac­te­ment ce que le Con­seil cons­ti­tu­tion­nel a déjà cen­suré. Pas pour défaut d’inter­ven­tion du juge mais pour atteinte à la pré­somp­tion d’inno­cence. Je ne vois pas com­ment le Con­seil pour­rait ne pas cen­su­rer à nou­veau.

Mais me direz-vous, le Con­seil n’a-t-il pas déjà validé ces pro­cès ver­baux fai­sant foi et l’ordon­nance pénale ?

À ma con­nais­sance, il n’a jamais eu à sta­tuer sur les pro­cès ver­baux fai­sant foi jusqu’à preuve con­traire en matière pénale (les PV fai­sant foi ont été votés en 1957, un an avant la créa­tion du Con­seil). Voici qui lui en four­nira l’occ­ca­sion. Oh, il vali­dera le prin­cipe, mais en l’enca­drant, comme il a fait pour l’ordon­nance pénale. J’ y revien­drai. Car Frank Ries­ter nous régale d’une cerise sur son gâteau.

Selon les infor­ma­tions com­mu­ni­quées au rap­por­teur par le Gou­ver­ne­ment, aucun for­ma­lisme spé­ci­fi­que n’est appli­ca­ble à ces PV. S’appli­quent sim­ple­ment les dis­po­si­tions géné­ra­les de l’arti­cle 429 du code de pro­cé­dure pénale qui pré­voient un for­ma­lisme mini­mal : date, iden­tité de l’agent, signa­ture de l’agent et, si elle est enten­due, signa­ture de la per­sonne con­cer­née par la pro­cé­dure.

C’est bien d’écou­ter ce que dit le Gou­ver­ne­ment. C’est mieux d’aller lire soi-même ce que dit l’arti­cle 429 du CPP.

Tout pro­cès-ver­bal ou rap­port n’a de valeur pro­bante que s’il est régu­lier en la forme, si son auteur a agi dans l’exer­cice de ses fonc­tions et a rap­porté sur une matière de sa com­pé­tence ce qu’il a vu, entendu ou cons­taté per­son­nel­le­ment.

Bref, est fait dans les for­mes un pro­cès-ver­bal fait dans les for­mes. Voilà l’Assem­blée bien infor­mée. Et sur­tout, le rap­por­teur man­que le prin­ci­pal. Le pro­cès ver­bal ne se carac­té­rise pas par sa date, sa signa­ture et l’iden­tité du scrip­teur, mais par ce qu’il rap­porte, qui doit être ce qu’il a cons­taté per­son­nel­le­ment et qui relève de sa com­pé­tence. Ce qui se résume à : tel jour à telle heure , telle adresse IP a télé­chargé tel fichier. À ce PV s’ajoute les infor­ma­tions four­nies par le FAI sur l’iden­tité de l’abonné, qui elles ne font pas foi puis­que l’agent de la CPD ne l’aura pas cons­taté per­son­nel­le­ment, pas plus que le carac­tère d’oeu­vre pro­té­gée du fichier, point sur lequel la CPD est incom­pé­tente. C’est sur cette base là que le juge est censé pro­non­cer une peine délic­tuelle pour con­tre­fa­çon. En toute ami­tié, je sou­haite bon cou­rage aux pro­cu­reurs char­gés des ordon­nan­ces HADOPI.

Cela à sup­po­ser qu’HADOPI 2 fran­chisse sans encom­bre la rue Mont­pen­sier ce qui me paraît dou­teux.

Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, la loi tente mala­droi­te­ment de réta­blir une pré­somp­tion de cul­pa­bi­lité expres­sé­ment refu­sée par le Con­seil. Il devrait n’appré­cier que modé­ré­ment qu’on tente de lui repas­ser le plat.

De plus, le Con­seil a cer­tes accepté le prin­cipe de l’ordon­nance pénale, mais il a posé des con­di­tions. C’était lors de l’exten­sion de cette pro­cé­dure aux délits, lors de la loi Per­ben 1. Déci­sion n° 2002-461 DC du 29 août 2002. À la décharge du Gou­ver­ne­ment, l’aver­tis­se­ment ne se trouve pas dans la déci­sion elle même mais dans le com­men­taire aux Cahiers de juris­pru­dence du Con­seil Cons­ti­tu­tion­nel (pdf) :

Comme il a été dit à pro­pos de la pos­si­bi­lité don­née au juge de proxi­mité, par l’arti­cle 7 de la loi défé­rée, de ren­voyer une affaire au juge d’ins­tance en cas de dif­fi­culté sérieuse, l’éga­lité devant la jus­tice ne s’oppose pas à ce que le juge­ment de cer­tai­nes affai­res fasse l’objet d’une pro­cé­dure spé­ci­fi­que, à con­di­tion que cette pro­cé­dure soit défi­nie pré­ci­sé­ment, que le choix de cette pro­cé­dure repose sur des cri­tè­res objec­tifs et ration­nels ins­pi­rés par un souci de bonne admi­nis­tra­tion de la jus­tice et que cette pro­cé­dure ne lèse pas les droits des par­ties.

En l’espèce, le souci d’une bonne admi­nis­tra­tion de la jus­tice est tota­le­ment absent, seul le souci de la défense des inté­rêts patri­mo­niaux des artis­tes étant invo­qué. Quant aux cri­tè­res objec­tifs et ration­nels, eh bien, com­ment dire ça poli­ment… ?

Et sur­tout, car j’ai gardé le plus beau pour la fin :

Par ailleurs, le minis­tère public aura recours à la pro­cé­dure de juge­ment sim­pli­fiée non de façon sub­jec­tive et dis­cré­tion­naire, comme le sou­te­nait la sai­sine séna­to­riale, mais en fonc­tion de cri­tè­res objec­tifs et ration­nels : - Il s’agit des délits les plus sim­ples et les plus cou­rants pré­vus par le code de la route. Ainsi, la pro­cé­dure sim­pli­fiée ne peut être uti­li­sée si le pré­venu était mineur le jour de l’infrac­tion, ou si la vic­time a formé une demande de dom­ma­ges-inté­rêts…

Pas­sons sur le fait que la con­tre­fa­çon est un délit plus com­plexe à éta­blir qu’une vitesse ou un taux d’alcoo­lé­mie. Rete­nons que le fait que la vic­time ne puisse pas être par­tie était un cri­tère retenu par le Con­seil pour vali­der l’ordon­nance pénale.

Or, comme je l’avais dit lors­que l’idée de l’ordon­nance pénale a com­mencé à cir­cu­ler :

…cette loi est con­traire à l’inté­rêt des artis­tes, ce qui est un amu­sant para­doxe. En effet, l’ordon­nance pénale sup­pose que la vic­time ne demande pas de dom­ma­ges-inté­rêts (arti­cle 495 du CPP, al. 9). Donc les ayant droits ne pour­ront pas deman­der répa­ra­tion de leur pré­ju­dice. Ils doi­vent sacri­fier leur rému­né­ra­tion à leur soif de répres­sion. Quand on sait que leur moti­va­tion dans ce com­bat est de lut­ter con­tre un man­que à gagner, on cons­tate qu’il y a pire ennemi des artis­tes que les pira­tes : c’est l’État qui veut les pro­té­ger.

Or on sait main­te­nant qu’on me lit au Palais Bour­bon. Que croyez-vous qu’il arriva ? Rus­tine !

Arti­cle 2 du pro­jet de loi adopté par la Com­mis­sion :

II. - Après l’arti­cle 495-6 du même code, il est inséré un arti­cle 495-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-6-1. – Les délits pré­vus aux arti­cles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la pro­priété intel­lec­tuelle, lorsqu’ils sont com­mis au moyen d’un ser­vice de com­mu­ni­ca­tion au public en ligne, peu­vent éga­le­ment faire l’objet de la pro­cé­dure sim­pli­fiée de l’ordon­nance pénale pré­vue par la pré­sente sec­tion.

« Dans ce cas, la vic­time peut deman­der au pré­si­dent de sta­tuer, par la même ordon­nance se pro­non­çant sur l’action publi­que, sur sa cons­ti­tu­tion de par­tie civile. L’ordon­nance est alors noti­fiée à la par­tie civile et peut faire l’objet d’une oppo­si­tion selon les moda­li­tés pré­vues par l’arti­cle 495-3. »

Le rap­por­teur en per­sonne a intro­duit (amen­de­ment 126 AC) la pos­si­bi­lité pour la vic­time de se cons­ti­tuer par­tie civile dans la pro­cé­dure sur ordon­nance pénale. Pas­sons sur le fait qu’il a oublié de pré­ci­ser com­ment la vic­time sera infor­mée de la pro­cé­dure d’ordon­nance pénale et mise à même de pré­sen­ter sa demande (pourra-t-elle envoyer son avo­cat plai­der ?). On a une pro­cé­dure où inter­vient le par­quet qui demande la con­dam­na­tion, la vic­time qui demande répa­ra­tion… mais pas le prin­ci­pal inté­ressé : l’éven­tuel con­damné (je ne peux décem­ment l’appe­ler le pré­venu puis­que pré­ci­sé­ment c’est le seul à ne pas être pré­venu de ce qui se passe).

Le Con­seil cons­ti­tu­tion­nel va avoir un malaise vagal en lisant ça. Com­ment disait-il, déjà ? Ah, oui, c’est valide à con­di­tion que le choix de cette pro­cé­dure repose sur des cri­tè­res objec­tifs et ration­nels ins­pi­rés par un souci de bonne admi­nis­tra­tion de la jus­tice et que cette pro­cé­dure ne lèse pas les droits des par­ties. Je crois que là, on a un sans faute dans l’incons­ti­tu­tion­na­lité.

De la mal­fa­çon légis­la­tive comme on aime­rait en voir moins sou­vent.

Notes
[1] Encore que tech­ni­que­ment, le fait d’être hos­pi­ta­lisé ou à l’étran­ger, ou même d’être hos­pi­ta­lisé à l’étran­ger n’est pas en soi un obs­ta­cle au télé­charg­ment illé­gal depuis chez soi ; un ordi­na­teur se con­trôle très bien à dis­tance.

Source : Journal d’un avocat

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