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Télérama va à la messe

Publie le mardi 11 août 2009 par Open-Publishing
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Quand j’ai vu que le magazine Télérama (le TéléStar des cathos de centre gauche) publiait une bande dessinée du dessinateur Robert Crumb qui reprend texto des épisodes de la Bible, je me suis demandé s’il était encore possible d’être étonné par le processus de lente transformation d’ex provocateurs en sages touchés par la foi.
Benoît 16 sera la nouvelle star de la chanson quand son DVD sortira pour Noël prochain, et je pense qu’il faudra à terme se résoudre à voir imprimé "Gloire à Dieu" sur les prochains billets de 10 Euros.

Le choix de la Bible comme sujet est révélateur, car même si l’on sait que des civilisations plus ancienne ont fourni des explications de l’histoire du monde, la référence systématique à cet ensemble de textes hétéroclites finit par graver dans notre esprit le mensonge d’une vérité unique qui s’auto référence, d’une histoire intemporelle.

Télérama pouvait évoquer aussi le 26 août 1789, date de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Mais il semble que Dieu est plus vendeur que la révolution.
De toute façon, l’Athéisme n’a jamais vraiment été à la mode.

Par exemple, un Ecrivain comme P.K. Dick, fervent catholique en fin de carrière, écrivait que l’empire Américain suivait pas à pas le déclin de l’empire romain, et que d’une certaine façon, l’histoire ne se répétait pas, mais se superposait éternellement, comme si le temps était suspendu et que le passé, le présent, le futur étaient confondus, les différente époques n’étant en fait que des décors factices qui dissimulent l’immuable vérité, celle de la bible.
Effrayante hypothèse qui rend inutile tout espoir d’une issue autre que l’autodestruction et la chute totale d’un décor pour recommencer la même histoire avec un nouveau simulacre. Selon cette logique, Bush a entraîné les USA dans une croisade contre le monde Arabe en grande partie en utilisant une rhétorique de l’apocalypse.

Est-ce que n’importe qui peut raconter une version d’une histoire qui s’oppose au référentiel communément admit, que ce référentiel soit la Bible où d’une manière plus moderne l’Opinion Publique ?
Si la réponse est non, alors il faut admettre l’intemporalité des réalités historiques, sociales, économiques.
C’est ce qu’indique la Bible, avec ses récits d’incrédules censurés à la mode antique, c’est à dire exterminés massivement à la suite de divergences théologiques les opposants aux prophètes ayant reçu l’accréditation de l’Eternel.
Les miracles du style auto combustion d’arbustes, creusement de tunnel magique dans la mer, etc., ont leurs pendants dans les reportages vidéo commentés qu’on regarde à 20h00 à la télé qui fabriquent l’histoire immédiate en mélangeant l’interprétation et la réalité en donnant l’impression de l’immédiateté.
Il est en effet difficile de ne pas croire aux images.
Il suffit de diffuser une zone bombardée et des soldats US triomphants et vous obtenez une victoire militaire reconnue mondialement.
Qu’importe ce qui se passe dans les territoires rebelles, le miracle est sur l’écran.
D’ailleurs la Bible va plus loin en interdisant systématiquement les tentatives d’accession à la connaissance sans passer par le canal divin.
Résultat les serpents doivent mordre la poussière et les descendants d’Adam travailleront quand même le dimanche.

Si maintenant on part du principe que celui qui prétend raconter l’histoire de l’humanité à un but, et que donc toutes les versions sont subjectives, le problème n’est pas de séparer le vrai du faux, mais de comprendre le but du narrateur.

Pour sortir de la théorie, prenons un exemple concret d’histoire communément admise.
Abraham, parait-il, avait deux fils dont un morveux (Ismael) et un préféré (Isaac), et Dieu a voulu lui faire une blague en lui demandant de préparer son fils comme un mouton, et de pas discuter.
Mais sa main invisible retient au dernier moment celle d’Abraham et évite l’irréparable. Isaac fait "Ouf".

Version officielle donc, et comme la police ne constate aucune infraction, Abraham est relaxé au bénéfice du doute.
D’après les experts, un phénomène invisible de niveau 6 sur l’échelle divine qui en compte 7, a permis le stoppage du processus d’égorgement et la moralisation de la pratique de l’holocauste.
La victime Isaac se refuse quant à lui à tout commentaire.
Abraham sera ensuite promus chef de l’union des prophètes du monde libre.

Si j’étais Isaac, je ferais remarquer à Dieu que le sacrifice serait encore plus grandiose si c’était Abraham qui avait reçu l’ordre de se trancher lui même le cou.
Imaginons les applications modernes de cette stratégie ; au dernier moment Dieu désinhiberait le mécanisme de la ceinture d’explosif des kamikazes. Il dirait « c’est bon mon gars, tu as vaincu le mal, tu peux rentrer à la maison ».
Ou bien encore, pour résoudre les conflits actuels, un duel à l’escrime entre les chefs d’états, vous imaginez les économies sur les dépenses d’armements ?
Quand la lame est sur le point de transpercer l’adversaire, « plop », un bouchon de liège se matérialise à son extrémité.

Le but de l’histoire est clair : Abraham n’est pas responsable de son projet de meurtre. Il envisage de le commettre au nom d’une autorité supérieure et invisible.
Il aime son fiston, mais pas au point de désobéir à Dieu.
Une variante moderne : Le gouvernement aime son peuple, mais pas au point d’éviter de faire des coupes sombres dans le secteurs des services publiques, ou de fermer les yeux quand des usines déménagent vers des régions moins taxées, car la loi supérieure du marché en a décidé ainsi.
Autre variante récente : Vous les pauvres, vous êtes comme des fils pour moi le président. Mais la sauvegarde de la planète est un impératif supérieur qui m’oblige à inventer un nouvel impôt carbone, mais ça me coûte.

Vous voyez l’intemporalité de cette morale, et l’intérêt de l’utiliser en toutes circonstances, car cela permet de censurer la contestation, la réponse est dictée par l’histoire racontée :
Est ce que vous voulez sortir de la crise ?
Est ce que vous voulez que le carbone tue la planète ?

Les paraboles de la bible servent à convaincre que la faute est d’oser construire son propre récit, de ne pas accepter l’inexplicable, sous peine de punition. Le fruit de la connaissance du bien et du mal ressemble de nos jours à l’envie de donner un visage au capitalisme.
Le mot n’est revenu en masse que récemment, il n’y a pas si longtemps en entendait surtout « lois du marché ».
Les crises de confiance dans le marché seraient la cause des pannes économiques, une vengeance de l’abstrait mécanisme boursier quand ses fidèles serviteurs ne constatent plus les miracles promis par la main invisible.
La punition est la menace terroriste, qui s’abat sur ceux qui ne vénèrent plus le monde libre.
Si les banques ne lâchent plus le pognon, c’est parce qu’elles doutent, et pas parce qu’elles sont à la main d’une bande de fieffés escrocs.
Le sacrifice consentit est le renoncement à des droits élémentaires au nom de la sécurité (fichage biométrique pour les passeports, interventions policières jusque dans les petites écoles, dévastation des secteurs publiques, et surtout morcellement d’une société où l’étranger est un danger permanent).
On cherche la faute ailleurs, par exemple au Venezuela qui ne renouvelle pas les licences des télés privées anti-chaviste, quitte à oublier l’absence en France d’une puissante chaîne anti-sarkozyste.
Tenter de comprendre le but de la fable libérale est punit de crise mondiale, et notre salut est sensé venir d’un retour à la foi en un hypothétique capitalisme pur, débarrassé des hérétiques comme Madoff ou Kerviel.
Tout comme jadis il fallait accepter la crainte d’un Dieu immatériel.

Un passage de la bible, au sujet du nom à donner à Dieu, mal traduit par "Je suis celui qui est", devrait être en fait "Je serai qui je serai" ; c’est à dire une abolition du futur, la fin de l’histoire.
L’occident tremble à l’idée d’une autre histoire, et envisage plutôt un désastre planétaire plutôt que la remise en question de ses dogmes figés dans le temps.

Donc l’histoire libérale a pour but de légitimer des décisions arbitraires en invoquant une entité supérieure en face de laquelle personne ne peut rien, puisqu’elle est surhumaine.

Ensuite si les salaires des super cadres augmentent, si les émissions de carbone au niveau mondial vont logiquement augmenter avec la production industrielle qui augmente par la volonté de ceux qui nous prophétise la crise ou la fin du monde, alors c’est que les voix de l’économie ou de la terre sont impénétrables.
C’est parce qu’il ne faut pas envisager un futur choisi, mais se résoudre à un destin hors de notre portée.

N’empêche que bon, il y avait une explication plus logique de l’affaire Abraham que je vais modestement vous soumettre.

En fait de main invisible, Abraham avait un pote, Mohamed, avec qui il avait l’habitude de faire des virées dans le désert pour bien s’éclater, car il n’y avait pas la téloche à l’époque, et même pas de bars à hôtesses.

Isaac, obligé de rester sous l’autorité de son père (son frère Ismael a prit sa liberté grâce aux gisements pétroliers qu’il a découvert plus à l’ouest et l’ont rendu richissime), était de corvée et devait se coltiner toutes les bouteilles d’alcool de figue que les deux compères videront pendant que lui il restera à l’écart pour faire le guet afin d’éviter qu’ils se fassent pécho.

Pendant qu’Abraham finissait la première bouteille, Mohamed commença à allumer le feu pour le barbecue, car la nuit tombait et il commençait à faire faim.
Les branches d’oliviers faisaient du bon charbon ardent, il ne restait plus que la viande à mettre au dessus.
C’est alors que surgit à l’horizon un troupeau de porcs qui fuyaient la grippe qui ravageait à l’époque tout le bétail.
Mohamed se dit : capturons ces 7 cochons que je viens d’apercevoir au loin, et ainsi avec tous les Kebab que cela fera nous vivrons et ne périrons point.
Il appela Abraham à la rescousse pour organiser la chasse.
Or Abraham avait la descente raide, bien plus que Mohamed qui préférait le lait de chèvre.
Résultat il était complètement raide, et il cria « oui, tuons ces 14 bestioles que je vois au loin ! »
Mais sous l’emprise de la boisson, il sauta sur son fils qu’il confondit avec un cochon, le ligota et leva son grand couteau pour lui trancher la gorge.
In extremis, Mohamed lui fit une prise de judo et stoppa net la main d’Abraham, mais pendant ce temps les animaux en profitèrent pour s’échapper en ricanant.
"T’es lourd quand t’as bu", fit remarquer Mohamed, une fois son alcoolique de compère dessoulé.
Pour faire oublier cette sordide affaire, les cochons furent déclarés coupables d’incitation au meurtre et interdits, et Mohamed rajouta dans son journal personnel un paragraphe critiquant les effets de l’alcool.
« Mais quand c’est quand qu’on bouffe ? », demande le malheureux Isaac.
Ta gueule Isaac, répondent alors les deux patriarches, choqués par le matérialisme de l’impertinent et décidés à enseigner au peuple la tempérance et l’amour du prochain.

Amen.

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