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G20 Sommet de Pittsburg par Dialla KONATE

Publie le samedi 19 septembre 2009 par Open-Publishing

Il me semble qu’à Pittsburg, le monde n’a pas d’autres choix, que de faire semblant de s’occuper de l’Afrique pour se donner bonne conscience.

Coup d’œil à l’économie internationale avant le sommet de Pittsburg

J’ai eu l’avantage de converser avec des personnes avisées aussi bien en Amérique qu’en Europe où je me trouve présentement, sur la situation économique internationale. Sur de nombreux points je fais le même constat que la plupart de mes interlocuteurs mais la substance de nos analyses est différente. Une fois de plus j’ai cependant l’impression que mes interlocuteurs qui ont toujours eu avec moi des conversations intellectuelles de fond sont de bonne foi mais ont simplement abandonné, très souvent de façon implicite, la croyance que l’Afrique soit en mesure de se « fabriquer » une voie de sortie sensée du sous-développement, de la pauvreté.

1- Première piste de lecture de la situation : les réseaux monétaires

Depuis notre dernière communication, l’économie internationale continue à se créer au jour le jour. Pour donner des références, les économistes ont imaginé le groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) des pays émergents dont l’économie se sauve de la crise dans de meilleures conditions et qui potentiellement sont les pays qui pourraient devenir les locomotives de l’économie du monde. Mais attention les pays du BRIC ne forment pas un ensemble homogène et ne sont pas non plus devenus des récalcitrants cherchant à rompre les règles de l’économie classique ou à travailler pour briser les hégémonies installées. En réalité, les membres du BRIC cherchent à s’aligner sur tel ou tel autre pays en fonction de convergences monétaires.
C’est ainsi que l’imbrication des systèmes économiques américains et chinois fait que la Chine a décidé d’aligner sa monnaie sur le dollar et de rentrer de fait dans une zone dollar. Les pays occidentaux, à part les organismes de notation comme Standard & Poor’s qui ont dénoté ce pays à la baisse depuis la semaine dernière, ont fermé les yeux sur le grand déficit budgétaire indien qui est passé à 6,8%PIB pour une norme fixée a 3%PIB. Les pays occidentaux estiment que ce déficit, creusé par des investissements en infrastructure permettra d’accroître la capacité de production de ce pays, de distribuer des revenus supplémentaires et créer ainsi des marchés pour les produits occidentaux. La Russie en bonne santé économique plaît (économiquement parlant) à tous les pays occidentaux dans la mesure où ce pays en sécrétant un capitalisme sauvage sans règle ni loi a créé des milliardaires exhibitionnistes friands de produits occidentaux. Le Brésil essaie de tenir sa monnaie à égale distance des Etats-Unis et de l’Europe en espérant devenir un fournisseur attrayant des anciennes colonies en exportant à la différence de la Chine des produits de haut niveau technologique comme des avions, du savoir-faire biotechnologique, etc…

2- L’Afrique au sortir de « Pittsburg »
2.1- les ressources humaines

Considérons l’Afrique francophone. Son partenaire politique et stratégique principal est la France. Il est traditionnel que la société française est opposée à la « délocalisation ». Cela pénalise les pays africains francophones qui n’ont pris que très peu avantage de métiers délocalisés venant de France. Il faut aussi dire à la charge de l’Afrique que dans aucun domaine les compétences attestées des ressources humaines africaines n’attirent pas beaucoup d’entreprises. Il faudra attendre de « Pittsburg » que les pays développés s’accordent, même sans le dire, sur des mesures de protection de leurs emplois en assez grand danger. Mais vu l’état de ces emplois, la protection des emplois existants ne suffit pas. Ces pays tentent déjà, en particulier en achetant des entreprises stratégiques (banques, entreprises de télécommunication, entreprises de distribution d’eau, d’électricité, etc…) de rapatrier les « métiers nobles » (tâches de conception, d’orientation, de décision, etc..) en laissant aux cadres locaux des tâches subalternes d’exécution. Cela aura pour conséquence et sur plusieurs décennies une décote de la valeur ajoutée (déjà si faible) du travail des cadres africains. Cela va différer d’autant la possibilité pour les pays africains de créer assez de richesse.

2.2- il y a déficit budgétaire et déficit budgétaire africain

Le monde du G-20 qui se réuni à Pittsburg a transgressé ses propres règles en termes de déficit budgétaire. J’ai déjà signalé que l’Inde était a 6,8%PIB de déficit, mais en déficit cumulé pour une norme fixée à 60%PIB, la France est à 94,8%PIB, les Etats-Unis à 108%PIB, le Japon à 208%PIB, etc…. Mais ces pays disent qu’ils commettent ces fautes pour le bien du monde. Car ils injectent de la monnaie non garantie en quantité soit pour rénover une capacité de production déjà existante, soit pour créer de nouvelles infrastructures de produits technologiques à très haute valeur ajoutée. Leurs déficits seraient des vertueux déficits budgétaires. Par opposition, le déficit budgétaire en Afrique est une maladie honteuse qui naît de la frénésie des élites africaines à consommer ce qu’ils ne produisent ni se montrent capables de produire. En Afrique le déficit budgétaire est un mal sans médicament, une façon de se suicider.

2.3- la « taxe carbone » et l’Afrique

Le G-20 va sans doute adopter la « taxe carbone » pour lutter contre le réchauffement climatique. La France dit qu’elle va soutenir son économie en payant des compensations aux entreprises et peut-être aux ménages également. Mais il faudra bien que quelqu’un finisse par payer, au bout de cette chaîne, la facture. J’ai bien le sens et cela est la logique économique que le coût final sera payé par les populations pauvres dont celles d’Afrique. L’Afrique le paiera en ingérant, via les importations de produits que ses élites sont incapables de produire, ses coûts par l’inflation et une paupérisation encore plus grande de ses populations.

3- Conclusion

Il me semble qu’à Pittsburg, et en réalité le monde n’a pas d’autres choix, que de faire semblant de s’occuper de l’Afrique pour se donner bonne conscience. Mais en réalité tant que le principal agent d’exploitation des populations africaines et la principale cause de la dégénérescence économique de l’Afrique seront les élites africaines, cela ne sera qu’une cure pour la conscience judéo-chrétienne occidentale de parler de l’Afrique. Personne ne peut sauver l’Afrique de ses criminels d’enfants que d’autres africains. En attendant cette hypothétique rédemption, le Monde cherchera ses solutions sans que réellement l’Afrique ne soit autre chose qu’une figurine cérémoniale.

Dialla Konaté (dkonate@vt.edu) (de passage en Europe) 18 septembre 2009

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