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IRLANDE : trois raisons de dire non au traité de Lisbonne

Publie le samedi 19 septembre 2009 par Open-Publishing
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Le 2 octobre, les Irlandais sont appelés à se prononcer sur le texte controversé. Un grand chroniqueur du pays détaille les motifs qui doivent les inciter à le rejeter.

de Vincent Browne

Une fois encore, les menteurs sont dans la rue. “L’Irlande a besoin de l’Europe”, “Oui à l’emploi, oui à l’Europe”, proclament les affiches favorables au traité de Lisbonne. Selon le Premier ministre, Brian Cowen, les autres membres de l’UE instaureront une “Europe à deux vitesses” si nous votons non une nouvelle fois [comme lors du référendum de juin 2008]. Mais quel est le rapport entre le traité et le fait que l’Irlande ait besoin – ou non – de l’Europe ? Qu’est-ce que le slogan “Oui à l’emploi, oui à l’Europe” a à voir avec le traité de Lisbonne ? Il s’agit à nouveau d’un message trompeur qui suggère que, si nous votons non, nous votons contre l’emploi et l’Europe. Quant à la menace d’une Europe à deux vitesses, il est impossible pour l’UE de changer les règles et de décider d’un groupe restreint qui irait plus loin dans l’intégration, laissant les autres sur le bas-côté. Impossible, à moins que nous ne votions oui à un traité l’autorisant.

Le point central du traité de Lisbonne était d’assainir le processus décisionnel de l’Union alors que celle-ci s’élargissait tellement que les anciens mécanismes étaient devenus trop pesants pour être efficaces. C’est du moins ce que l’on croyait.
Il contenait également des éléments visant à apaiser les inquiétudes quant à la nature démocratique de l’UE. Les Parlements nationaux recevraient un rôle dans la législation européenne, et le Parlement européen aurait davantage de compétences. Mais, à présent, après avoir travaillé durant cinq ans avec les anciennes règles, nous voyons que l’UE fonctionne très bien et que ces appréhensions étaient infondées. En ce qui concerne la question démocratique, le problème principal demeure : le Conseil des ministres, principal organe décisionnel, ne doit toujours pas rendre compte de ses actes.

Ces changements proposaient également de mettre fin au cirque de la présidence tournante, où la présidence de l’UE est confiée pour six mois à chaque Etat membre. Dans une Europe des Vingt-Sept, chaque Etat doit attendre treize ans et demi pour avoir six mois de pouvoir. Cela soulève d’évidents problèmes logistiques, sans compter que certains Etats sont plus aptes à prendre la présidence que d’autres. Il paraissait logique d’avoir une présidence unique, un seul président du Conseil européen effectuant un mandat de cinq ans. Et, partant, une seule personne représenterait l’Europe à l’étranger. Cela semblait mieux que d’avoir trois représentants – un commissaire, le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, et le ministre des Affaires étrangères du pays occupant la présidence.

Un traité qui favorise l’industrie de l’armement

Mais ces idées “logiques” ne sont pas sans danger. Même si elle est compliquée, la présidence tournante décentralise le pouvoir dans l’UE. Un président en place pour cinq ans sera, par définition, le jouet des Etats les plus puissants (l’Allemagne et la France) et défendra leurs projets. Si, lors de l’invasion de l’Irak, en 2003, nous n’avions eu qu’un seul ministre des Affaires étrangères, nous aurions tous été mouillés jusqu’au cou dans cette entreprise criminelle – pas nécessairement sur le plan militaire, mais dans le domaine politique. Alors, pourquoi voter en faveur du traité de Lisbonne ? Pour nous, cela se résume à ne pas contrarier nos partenaires européens à un moment où nous avons besoin de leur indulgence pour être sûrs que la Banque centrale européenne continue à nous donner de l’argent. Mais nous coupera-t-elle réellement les vivres si nous votons non une seconde fois ? Les raisons qui pousseraient à voter oui sont en train de devenir du chantage, et rien d’autre.

Il y a de solides raisons de voter non. Tout d’abord, le traité de Lisbonne est une escroquerie délibérément mise au point pour empêcher l’électorat d’autres Etats membres de s’exprimer à propos des changements qu’il propose. Il s’agit d’un remaniement de la Constitution européenne rejetée par les Français et les Néerlandais, récrit dans un charabia incompréhensible, permettant ainsi aux gouvernements de ces pays et d’autres Etats membres d’avancer qu’il n’est pas nécessaire de laisser décider l’électorat : l’approbation du Parlement suffira. Rien que pour cette raison, nous devrions voter non.

Ensuite, pour la première fois, le traité introduit dans la structure institutionnelle de l’UE l’Agence européenne de défense, dont le rôle principal consiste à aider l’industrie européenne de l’armement à ­prospérer. Or les partisans de l’UE nous répètent que celle-ci maintient la paix en Europe depuis cinquante ans. Dès lors, comment justifier l’introduction de chiens de guerre dans sa structure institutionnelle ? Enfin, et troisièmement, ce traité cherche à centraliser le pouvoir dans l’UE. Nous ne devrions pas accepter cela.

http://www.courrierinternational.com/article/2009/09/16/trois-raisons-de-dire-non-au-traite-de-lisbonne

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