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G20 : les silences de Pittsburgh

Publie le mercredi 23 septembre 2009 par Open-Publishing
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Chômage, développement, dollar, rôle des banques et du FMI : ces sujets qui fâchent et que les chefs d’État et de gouvernement réunis pendant deux jours aux États-Unis risquent d’ignorer ou de minorer. Décryptage.

« Les choses ne vont pas dans la bonne direction » : à quelques heures de la réunion des vingt chefs d’État et de gouvernement des pays les plus puissants de la planète, qui s’ouvre à minuit, heure française, à Pittsburgh, aux États-Unis, des voix s’élèvent un peu partout pour protester contre les silences probables du G20 sur certaines des questions vitales pour l’humanité. Nicolas Sarkozy et son équipe essaient de nous faire croire qu’une limitation des bonus pourrait changer le capitalisme et empêcher les crises. Un peu court ! Même dans la presse la plus attachée à l’ordre établi, on exprime des doutes. Le directeur de la rédaction du journal les Échos, Éric Le Boucher, assure ses lecteurs une semaine avant Pittsburgh qu’ils ne doivent pas se faire d’illusions, « le compte n’y sera pas sur la régulation financière ». Nombre d’autres questions, posées par les forces qui agissent pour une alternative au capitalisme et qui s’imposent aujourd’hui dans le débat public, risquent pourtant d’être ignorées ou minorées.

Détrôner le dollar

En novembre 2008, avant de se rendre à un autre G20 qui devait traiter de la réforme du système monétaire international, Nicolas Sarkozy jugeait opportun d’évoquer le problème de la domination exercée par la monnaie américaine. Elle « ne peut plus prétendre être la seule monnaie au monde », déclarait-il. Il est aujourd’hui muet sur le sujet alors que la baisse du dollar et le gonflement considérable de la dette extérieure des États-Unis pèsent plus que jamais sur les perspectives de reprise, notamment en Europe, et sur les équilibres planétaires. Pourtant la proposition chinoise, soutenue par d’autres pays émergents, d’instaurer une autre monnaie universelle de réserve, à la place du dollar, en faisant jouer aux droits de tirages spéciaux (DTS), la monnaie du FMI, un nouveau rôle dans les relations monétaires et le financement (idée avancée par les communistes français depuis plusieurs années), mériterait d’être soutenue.

Un FMI nouveau

La nécessité de faire une plus grande place aux pays émergents (Chine particulièrement) au sein du Fonds monétaire international (FMI), institution chargée d’assurer la stabilité du système monétaire mondial, est difficilement contestable. Les États-Unis font tout pour que d’éventuelles modifications ne remettent pas en cause leur pouvoir et la place du dollar. Les décisions au sein du FMI supposent en effet une majorité correspondant à 85 % des droits de vote et, avec 16,79 % des voix, ils disposent de fait d’un droit de veto. Une réforme profonde du FMI est pourtant nécessaire, elle permettrait sa démocratisation et la transformation de son rôle. Les critères d’attribution de ses aides aux pays émergents et au tiers-monde ainsi que ceux de la Banque mondiale (la politique dite d’ajustement structurel qui persiste) doivent être revus afin de favoriser l’emploi, la formation et le développement des services publics.

Revisiter la reprise

On nous dit que cela va mieux mais l’on reconnaît, en même temps, que la reprise est fragile. De plus, de quelle reprise s’agit-il ? Les pays du G20 vont probablement se prononcer en faveur d’une poursuite des mesures dites de relance de leurs économies. En fait, les dispositions adoptées dans la plupart des pays visent plus à soutenir les profits que l’économie. C’est ainsi qu’en France, en sus de l’aide massive apportée aux banques, sans critères d’efficacité sociale, la droite a pris des mesures à la fois pour baisser le coût du travail et pour stimuler l’investissement dans l’automobile, le bâtiment… accélérer les grands travaux. Dans le même temps, elle a réduit le nombre de fonctionnaires, refusé de mettre en question les plans de licenciement des groupes. Cette relance-là est difficilement tenable, c’est plus de béton avec moins d’hommes ! C’est tout le contraire qu’il faut faire : économiser le capital pour développer les hommes. La reprise annoncée risque l’accident vasculaire.

Lutter contre le chômage

Le BIT (Bureau international du travail) prévoit que, « d’ici à la fin de 2009, le monde comptera entre 39 et 61 millions de chômeurs supplémentaires par rapport à 2007 ». Il souligne, dans une communication au G20, que « les politiques qui ont surestimé la capacité du marché à s’autoréguler et qui ont sous-estimé l’intérêt des politiques et des réglementations publiques et minimisé l’importance des politiques sociales, de la dignité du travail et de l’environnement ont contribué à accroître les déséquilibres mondiaux ». Le BIT se déclare en faveur d’une « nouvelle conception de la croissance durable », en établissant un lien « beaucoup plus fort entre l’investissement, la croissance et la productivité, d’une part, et l’emploi, le marché du travail et les politiques sociales, d’autre part ; il faut aussi une "écologisation" progressive de l’économie ».

Réformer le crédit

Le crédit facile aux activités financières et à la spéculation a joué un rôle majeur dans la crise. La question d’une régulation des activités bancaires va être abordée par le G20 mais sur le mode mineur. Aux États-Unis et en Europe les aides publiques et les facilités accordées au système bancaire ne se traduisent pas par une relance du crédit aux entreprises et aux ménages. Par ailleurs, comme le laisse entendre le BIT, la question centrale du lien entre investissement et emploi est insuffisamment prise en compte. Le besoin de changer partout la politique du crédit des banques centrales et des autres banques, afin de conditionner les prêts aux entreprises au type d’investissements réalisés, en favorisant ceux permettant un développement économe en ressources, fondé sur l’emploi efficace et la formation, n’est pas pris en compte par les pays dominants du G20. La plupart des dirigeants en sont encore à considérer que l’argent doit simplement soutenir la croissance des capitaux. Traiter le mal par le mal n’a jamais permis de soigner le malade.

Pierre Ivorra

http://www.humanite.fr/G20-les-sile...

Messages

  • OUI... En fait, les dispositions adoptées dans la plupart des pays visent plus à soutenir les profits que l’économie.

    C’est ainsi qu’en France, en sus de l’aide massive apportée aux banques, sans critères d’efficacité sociale, la droite a pris des mesures à la fois pour baisser le coût du travail et pour stimuler l’investissement dans l’automobile, le bâtiment… accélérer les grands travaux.

    Dans le même temps, elle a réduit le nombre de fonctionnaires, refusé de mettre en question les plans de licenciement des groupes. Cette relance-là est difficilement tenable,

    c’est plus de béton avec moins d’hommes ! C’est tout le contraire qu’il faut faire : économiser le capital pour développer les hommes.

    La reprise annoncée risque l’accident vasculaire.