Accueil > CESARE BATTISTI : une fuite inévitable

CESARE BATTISTI : une fuite inévitable

Publie le samedi 4 septembre 2004 par Open-Publishing

de Clemencia Rossa

En France et en Italie, la fuite de Cesare Battisti a provoqué un choc dans
les milieux de droite, comme au sein de la gauche « bien-pensante ». Mais
lui a-t-on laissé le choix ?

Alors que la justice vient de délivrer (le 29 août) un mandat d’arrêt contre Cesare Battisti, sa « fuite » aura au moins eu le mérite de faire un peu de tri au sein des soutiens aux réfugiés italiens. Le PS révèle ainsi les limites de son soutien à Cesare Battisti : sa porte-parole, Annick Lepetit, lui demande de « se mettre en conformité avec la loi ». Autrement dit, tant que les réfugiés restent dans « le cadre des lois françaises », le PS veut bien les soutenir, mais il ne faut pas se mettre hors ces lois qu’ils contribuent à mettre en place depuis des lustres.

Même si cela signifie finir ses jours dans une prison italienne, comme cela risque d’être le cas pour Cesare mais aussi pour tous les autres. On ne connaît pas encore le fin mot de l’histoire puisque la Cour de cassation rendra son jugement le 29 septembre, mais comment peut-on conseiller aux réfugiés italiens de rester la tête sur le billot à attendre au cas où (on ne sait jamais !) le couperet ne tomberait pas ? Car on sait pertinemment que ni Battisti ni aucun réfugié ne sera rejugé en Italie. Faut-il rappeler que l’Italie est le seul pays européen à ne pas rejuger les décisions prises par contumace ?

Cela n’a pourtant pas gêné la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qui, le 30 juin, a jugé qu’il avait bénéficié d’une défense juste parce qu’un avocat le représentait à son procès, alors que la contumacia a constitué pour plusieurs autres cours d’appel, sur des affaires similaires, une violation des droits de la défense. Par ailleurs, cette même cour d’appel étant revenue sur l’autorité de la chose jugée (puisqu’une demande d’extradition de Cesare avait déjà été rejetée en 1991), elle a donné des gages de servitude aux pouvoirs en place, tant en France qu’en Italie, et on comprend que ça ne rassure pas les réfugiés italiens. D’ailleurs ils ne s’y trompent pas et tous soutiennent Cesare dans sa décision de se soustraire à son contrôle judicaire.

En Italie, en revanche, l’ensemble de la « classe politique » (à l’exception de Rifondazione) se dit choquée de la « fuite » de Cesare Battisti et fulmine, qui contre la gauche française, qui contre les intellectuels qui le soutiennent. Roberto Castelli, le ministre de la Justice (Ligue du Nord), a déclaré qu’il fallait « ouvrir un débat sur cette gauche européenne [...] qui défend les assassins, [...] les fugitifs ». À quoi les partis de gauche italiens ont beau jeu de répondre que c’est Silvio Berlusconi et son gouvernement qui ont refusé de ratifier le mandat d’arrêt européen.

Pour Castelli, seuls les anciens militants d’extrême gauche méritent d’être poursuivis partout et indéfiniment, Berlusconi, lui, doit échapper à la justice par tous les moyens possibles. Quant au numéro deux d’Alliance nationale, Giovanni La Russa, il déclare carrément : « Si [Battisti] n’est pas repris, nous organiserons une marche sur Paris pour montrer notre colère. » Et il faudrait que les réfugiés italiens se rendent à ces descendants de Mussolini qui veulent égaler leur maître à penser en marchant sur Paris comme il a marché sur Rome ?

Et évidemment, Castelli en profite pour réclamer à Perben une dizaine d’autres militants italiens, en France depuis des années. Le bon prétexte que voilà, cette fuite de Battisti ! Tous ont refait leur vie ici, puisque Mitterrand leur a promis l’asile s’ils sortaient de « la spirale de la violence ». Ça fait maintenant vingt ans qu’ils en sont sortis et que l’Italie devrait se donner les moyens d’un vrai débat sur l’amnistie de ces militants et de leurs camarades qui croupissent en prison, parfois depuis trente ans.

En attendant cette amnistie, Perben devrait refuser toute extradition. Mais que peut-on attendre d’un gouvernement qui poursuit lui aussi de sa vindicte les militants d’Action directe comme Nathalie Menigon, ou qui vient de faire appréhender Hélène Castel, au Mexique, quelques jours avant la prescription de sa peine ?

http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=134&var_recherche=battisti