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Retour sur mai 2002 : Un regard sur la société française

Publie le vendredi 30 mai 2003 par Open-Publishing

L’article suivant, paru d’abord en Italie dans la revue libertaire
Collegamenti Wooblie* tente de cerner avec du recul les véritables
significations du 1er tour des élections de 2002, qui a vu la faillite de la
gauche parlementaire française.

Dans la nuit du 21 avril, les journalistes qui donnent les premiers
résultats de la présidentielle et la tendance du vote à ce moment-là tombent
des nues : au lieu du résultat prévu, qui donnait pour vainqueurs Jospin et
Chirac, c’est le sinistre Le Pen qui est annoncé présent au second tour, en
dépit d’une campagne plutôt discrète. L’inversion de ce que prédisaient les
sondages quelques jours encore avant le scrutin et l’échec patent de la
politique des socialistes sont à l’origine du traumatisme qui va secouer le
pays.(1)

Entre les deux tours, les manifestations antifascistes se multiplient. Le
point culminant est atteint le premier mai, avec deux millions de personnes
dans les rues. Mais "manifester ne suffit pas, il faut voter" et, bien
entendu, la grande majorité de ces antifascistes -qui ne cessent d’agiter le
spectre de l’Allemagne de 1933 -invitent à voter pour l’"escroc" contre le
"facho", en se bouchant le nez et en mettant des gants. Tous en appellent à
la défense des valeurs de la République pendant que quelques politiciens et
journalistes parlent de la "honte d’être français", surtout après avoir
donné des leçons de démocratie à toute l’Europe après l’arrivée au pouvoir
de Berlusconi et Fini en Italie et d’Haider en Autriche. La pression sur les
récalcitrants atteint des niveaux insupportables. Même quelques anarchistes
appellent à voter Chirac. Dans la nuit du 5 mai, Chirac rafle la mise avec
un confortable 82,21 % des voix et une abstention qui tombe à 20,29 % (et un
peu plus de 1,7 million de votes blancs ou nuls, soit 5,39 %).
Dès le 21 avril au soir, la chasse aux responsables de la double surprise du
premier tour, qui va donner une tournure inusuelle aux échéances suivantes,
est ouverte. Politologues, journalistes, analystes, commentateurs et
politiciens de toute espèce, chacun a son bouc émissaire préféré. Bien sûr,
chacun prend en compte un ou plusieurs aspects de la situation et rien de ce
qui s’écrit ou se dit n’est complètement faux : la falsification, d’après
nous, réside dans la relation entre ce que chacun essaie de mettre en relief
et ce qu’il tente de dissimuler. Au total, les responsables seraient : les
sondages, les médias, la division de la gauche, les trotskistes, les
abstentionnistes, les immigrés et, plus généralement, les étrangers. On met
aussi en cause l’incapacité à communiquer des socialistes et de la gauche en
général : Jospin apportera la cerise sur le gâteau en indiquant que son
programme électoral ne devait pas être regardé comme un programme
socialiste, ce à quoi sa base ouvrière répondra en lui rendant la monnaie de
sa pièce.

Bilan du gouvernement Jospin.

Le plus intéressant est de constater que tous ces arguments ont servi
principalement à éviter un bilan sérieux de ce que le PS et la gauche
plurielle en général avaient fait au cours des cinq années précédentes. Et
pourtant, pour qui n’est pas complètement aveuglé par l’idéologie moderniste
et libérale en vogue, le bilan de l’honnête Jospin est on ne peut plus
instructif. Les mesures prises auraient toutes été inspirées par une bonne
volonté évidente à l’égard des plus pauvres. Les faits disent tout autre
chose. Voyons-les de façon synthétique.

a) La première et la plus importante des mesures sociales de la gauche fut
la loi des 35 heures, qui provoqua une vague de grèves sans précédent dans
les entreprises et dans la fonction publique. Si on va au-delà du vernis
"social", on voit qu’il s’agit d’une loi qui augmente la flexibilité dans
l’utilisation de la main-d’oeuvre pour une majorité de salariés et améliore
la condition des cadres, en introduisant des limites à l’amplitude de leur
temps de travail. Ceux-ci ont gagné de la sorte un supplément de temps
libre, dont ils peuvent jouir grâce à leurs revenus. En revanche, les
salariés les plus modestes ont vu leurs heures supplémentaires amputées, qui
leur étaient nécessaires pour arrondir leurs maigres salaires. En pratique
cela revenait donc à une diminution des salaires et une augmentation de la
flexibilité. Un sondage indiquera qu’une bonne moitié des Français
souhaiteraient travailler plus : si on remplace "travailler plus" par "gagner
plus", on aune bonne clé de compréhension du sondage et des effets de la
loi.

b) La lutte contre le chômage fut présentée comme une priorité du
gouvernement. Elle commença par une modification des modalités de calcul des
statistiques, qui à partir de ce moment-là sont systématiquement manipulées
pour permettre de faire baisser le nombre des chômeurs tout en augmentant
les bénéficiaires du RMI, qu’on n’inclut pas dans les listes des chômeurs.
En 1998, le gouvernement refusa de faire passer à 4 000 francs (610 euros)
les minima sociaux, qui était la revendication centrale du mouvement des
chômeurs. Par ailleurs, on a eu recours à la carotte de la "prime à
l’emploi" et au bâton du Pare pour faire retrouver aux chômeurs le chemin du
travail, y compris dans des conditions particulièrement défavorables pour
eux(2).
À tout cela, il faut ajouter les 300 000 emplois-jeunes et la multiplication
des statuts précaires dans tous les secteurs, d’où une précarisation
touchant l’ensemble du monde du travail. Toutes les mesures de "lutte contre
le chômage" se sont traduites par des exonérations et des avantages pour les
entreprises.

c) La loi CMU, qui instituait la couverture médicale universelle, qui devait
couvrir les dépenses médicales des plus modestes, ne concerne plus que ceux
qui gagnent moins de 3 600 francs (550 euros) par mois. Il s’agit d’une loi
qui ne fait que sanctionner la séparation entre la couverture assurée par
les contributions des travailleurs et l’assistance fournie par l’État aux
plus pauvres. Le projet a suscité beaucoup d’espérances, vite déçues à cause
d’une application bureaucratique, pleine de sophismes et de pièges légaux
qui laissent en rade de nombreuses personnes parmi celles qui pouvaient en
espérer quelque chose. La loi de solidarité et de restauration urbaine
(SRU) -une sorte de salmigondis sur les conditions urbaines et le
territoire -qui ne fait rien d’autre qu’amplifier les effets de fracture
entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors, y compris pour un euro
de plus ou de moins, pour ne rien dire des aspects purement idéologiques ou,
pire encore, de cette véritable escroquerie à l’égard des plus pauvres, à
l’image de la "carte solidarité transports", qui est supposée garantir
l’accès des plus pauvres aux transports, à des prix réduits, mais qui,
précisément, exclut des réductions les cartes Orange mensuelles,
c’est-à-dire la clé d’accès normale des résidents, qu’on traite du coup à
l’égal de touristes.

d) S’agissant de l’insécurité, on a dit que Jospin s’ était laissé entraîner
par Chirac sur un terrain qu’il n’avait pas choisi. Cependant, ces dernières
années, le problème avait été assumé par le gouvernement comme partie
essentielle de son programme, avec la mise au point de "contrats locaux de
sécurité", lesquels impliquaient la collaboration de la police, des
institutions locales, des contrôleurs des transports, des institutions
scolaires et éducatives et des structures de prévention et de répression
diverses, le tout en vue d’une augmentation explicite de la répression. Dans
ce domaine, le gouvernement avait déjà largement prouvé son total suivisme
par rapport à la droite. La présence de forces de police dans les transports
urbains, dans les rues et les quartiers populaires, était devenue un élément
habituel du paysage. Non seulement la vague anti-terroriste déchaînée après
te 11 septembre avait alimenté le syndrome d’insécurité mais, en outre, elle
permit l’adoption rapide de mesures répressives spécifiques contre les
classes les plus pauvres. Qu’on pense, par exemple, à l’adoption d’une
mesure contre la fraude dans les transports publics qui prévoit jusqu’à six
mois de prison pour les récalcitrants qui ne paient pas les amendes. On voit
que Ben Laden a vraiment bon dos.

e) La loi sur l’épargne salariale a ouvert de fait la voie à la réforme des
retraites et l’introduction des fonds de pension. La différence -introduite
par un gouvernement de droite en 1993 -entre les fonctionnaires, qui
prennent leur retraite avec 37,5 ans de cotisation et les travailleurs du
privé qui doivent en totaliser 40, est maintenue malgré les expectatives des
salariés. On reparle de repousser l’âge de la retraite pour tous, en
commençant par les fonctionnaires, et on introduit la "liberté" de prendre
sa retraite à 63 ans. Pour les femmes, on rétablit la "liberté" du travail
nocturne afin de se conformer aux règles européennes.

f) Nul n’ignore qu’aucun gouvernement de droite n’a privatisé autant
d’entreprises publiques que le gouvernement jospin. La loi qui devait viser
à décourager les licenciements, sur laquelle le PC avait fait campagne, fut
rédigée de façon si timide qu’elle eut des effets contre-productifs. Le PS,
ne voulant pas heurter les entrepreneurs, s’opposa à des mesures de
protection plus explicites. Le PCF a vécu cela comme une humiliation et les
ouvriers comme une mauvaise plaisanterie, au moment précisément où les
licenciements chez Renault, Michelin, Danone et Moulinex alimentaient le
mécontentement et une forte demande de protection à l’adresse de la gauche.
Quand on sait, en outre, que, au cours des trente dernières années, les
différences de revenu n’ont fait que croître entre les secteurs les plus
riches et les pauvres de la société, doit-on s’étonner que le PS ait obtenu
11 % des votes ouvriers, 14 % de ceux des chômeurs et 15 % des intérimaires
et que la gauche de gouvernement dans son ensemble ait réuni 23 % des votes
des chômeurs alors que Le Pen en a obtenu 30 % à lui tout seul (et 6 % pour
Mégret) ? La gauche totalise 24 % des voix des ouvriers contre 25 % à Le Pen.
En revanche, celle-là obtient 41 % des voix des cadres du privé, dont 17 %
pour le seul PS(3)

. Doit-on s’étonner de ce que les licenciés de Danone ou Moulinex aient
refusé de voter pour les partis qui recueillent les suffrages de ceux qui
les ont poussés vers la sortie ? De ce que les chômeurs expriment leur
indifférence ou leur désespoir ? En 1995, le FN était déjà le "premier parti
ouvrier" en France(4). La tendance n’a fait que se confirmer ensuite et la
gauche au gouvernement a creusé sa propre tombe.

Quelques questions de fond.

Traiter les problèmes de fond sous-jacents aux comportements électoraux des
Français exigerait de très longues analyses que nous ne pourrons pas
développer ici. Nous nous contenterons d’indiquer quelques-uns des problèmes
de la société française, dont l’analyse permettrait de mieux comprendre les
tendances actuelles, en insistant sur quelques éléments apparus au grand
jour au cours des dernières campagnes électorales.
Tout cela doit être replacé dans une tendance européenne, relativement
homogène, qui se concrétise pour des motifs et sous des formes spécifiques
liées à l’histoire et aux caractéristiques politico-sociales des différents
pays, tendance qui s’est probablement manifestée aussi en France. Il y a
trois ans, 13 pays européens sur 15 étaient dirigés par des gouvernements de
gauche ou de centre-gauche. Entre-temps, l’axe politique de l’Europe s’est
incliné clairement vers la droite, en particulier en Autriche, en Italie, au
Danemark, aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne, au Luxembourg, en Irlande,
en Norvège, dont tous les gouvernements sont aux mains de la droite. Par
ailleurs, peut-on regarder le gouvernement Blair comme étant à gauche alors
qu’il est tenu pour un modèle par de nombreux libéraux ?
Enfin, là où la gauche est restée au pouvoir, elle tend à céder du terrain,
comme on l’a vu en Belgique et en Allemagne. La tendance actuelle aux
États-Unis (démantèlement de l’État providence, libéralisme de Reagan et
Bush senior) vient de loin déjà et a exercé une influence en Europe sur
laquelle il n’est point besoin de revenir.
Dans ce contexte, la France confirme ses vieilles caractéristiques de pays
conservateur qui reste attaché à ses institutions -y compris au moment où la
désaffection des couches populaires atteint des sommets -et qui le manifeste
par un vote conservateur, alimenté notamment par les peurs des classes
moyennes.

La satisfaction des cadres à l’égard du bilan de gouvernement de la gauche
ne suffit pas à modifier la direction politique du pays. La crise du monde
ouvrier et sa décomposition entretiennent le repli sur soi, et la
polarisation sociale, qui en est à l’origine, ne peut qu’en sortir
renforcée.

L’abstention exprime la dépolitisation de la société, tandis que la
démocratie se confirme comme technique de gestion du capitalisme ordinaire,
accélérant ainsi la désaffection des classes exploitées. La fracture entre
société civile et société politique, entre l’ensemble constitué d’un côté
par les jeunes, le monde ouvrier et les chômeurs et par le monde politique
de l’autre, devient un élément stable et central de la vie du pays.
L’apparition de cette méfiance à l’endroit de l’État est un phénomène
relativement nouveau dans la société française, marquée par une très forte
culture politique étatique, en dépit d’épisodes passagers.

Si, après le premier tour des présidentielles, tous les partis ont connu un
nouvel afflux d’adhésions, la tendance à long terme -et on peut parier
qu’elle ne s’inversera pas -est plutôt vers une désaffiliation générale. La
fin de la guerre froide et le contre-coup de la fin de "l’Empire du Mal" ont
fait sentir leurs effets sur le PCF d’une façon particulièrement cruelle.
Personne ne peut évidemment prévoir s’il parviendra à survivre et quelle
sera son évolution. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que son hégémonie sur
le monde ouvrier est terminée. Le succès de Le Pen a relégué à
l’arrière-plan de la scène médiatique cette dimension des élections, mais il
s’agit là sans doute d’un fait politique de la plus haute importance, qui va
contraindre l’ensemble de la gauche à revoir ses propres stratégies
électorales.

La lente croissance des Verts a subi, on l’a vu, un coup de frein brutal. Il
n’en va pas de même de leur intégration dans le panorama politique en
position de subordination au PS. Expression libérale et ouverte à l’Europe
de couches moyennes modernistes, rassemblant quelques composantes dotées
d’une véritable sensibilité sociale, les Verts ne parviennent pas à proposer
un modèle cohérent de société et, face à un capitalisme libéral contre
lequel ils n’osent pas se révolter, se trouvent pris dans une contradiction :
celui-ci détruit l’environnement qu’ils entendent préserver, mais crée par
là les conditions de leur émergence politique.

Le vote trotskiste ressemble à une bulle de savon. Si les organisations
trotskistes parviennent à l’occasion à canaliser un vote protestataire, sur
le plan politique elles n’apparaissent guère que comme l’aile la plus à
gauche du PS et continuent à vivre sur le mythe du parti en construction,
tout en essayant, plus prosaïquement, d’arracher quelques morceaux du
cadavre encore fumant du PCF. Que certains de leurs militants puissent se
retrouver dans les luttes sociales ou proposer des analyses parfois
pertinentes ne peut occulter l’incapacité profonde des trotskistes à
esquisser une culture du conflit appropriée à la société où nous vivons
aujourd’hui.

Venons-en maintenant à la question de l’immigration, qui ne se comprend,
elle, que si on se place sur le très long terme. La France est le seul pays
européen qui, durant presque deux siècles, est resté un pays d’immigration
et s’est montré capable d’absorber de grandes vagues migratoires, en
provenance de nombreux pays européens et extra-européens. Si elle n’est pas
devenue un pays raciste, on sait qu’il a connu de profondes crises de
xénophobie, notamment au moment des époques de crise économique. Aucun pays
ne peut lui être comparé de ce point de vue en Europe : le seul parallèle
qu’on pourrait lui trouver est outre-Atlantique, aux États-Unis(5).

Le fait que l’intégration des différentes vagues migratoires se soit
d’autant mieux faite que les communautés migrantes étaient mieux
structurées -les Arméniens dans le Sud et les Polonais dans le Nord -met en
lumière la spécificité de la relation des Français à l’égard de son
immigration maghrébine, à la fragmentation de cette communauté, à sa
subordination culturelle, à sa tentative désespérée de conserver une
identité ( ou de se construire une identité mythique, à l’image de ce que
font ces jeunes des banlieues qui chantent les louanges de Ben Laden ou
rejoignent les rangs islamistes, comme l’illustre bien l’histoire de Khaled
Kelkal) et à sa difficulté à être pleinement intégrée. Et dans ce rejet il
n’y a guère de place pour une distinction entre nationalistes algériens,
émigrés ou harkis (ou leurs descendants).

Nous en arrivons de la sorte au centre du problème, sur lequel on a déjà
beaucoup écrit bien qu’on soit encore fort loin de sa résolution : la crise
du modèle d’intégration par assimilation, qui a fonctionné en France durant
deux siècles mais qui aujourd’hui semble tombé en panne.

Il y a à présent 4,3 millions d’immigrés, pour une bonne part en provenance
de l’ex-empire colonial. Sommes-nous sûrs que les problèmes viennent de la
relation avec ces secteurs de la population ? Ne s’agirait-il pas plutôt des
comptes que la France doit régler avec son propre passé colonial et avec les
enfants et petits-enfants qui en sont issus et auxquels elle ne parvient pas
à offrir une perspective d’intégration et de promotion sociale, comme elle
l’avait fait tant bien que mal pendant les Trente Glorieuses ?

En effet, la concurrence sur le marché du travail ne met pas aux prises
ouvriers autochtones et immigrés (qui, en général, acceptent les travaux les
moins gratifiants), mais s’exerce contre les beurs (et, depuis peu, les
jeunes d’origine sub-saharienne) qui, victimes de diverses discriminations,
finissent par grossir les rangs des chômeurs et de la petite délinquance,
souvent liée au trafic de drogue. Par conséquent, il n’est pas étonnant que
les contradictions auxquelles nous avons fait allusion apparaissent de la
façon la plus visible et la plus virulente au sein de l’école, là où se
retrouvent à peu près tous les jeunes. Vu que l’ascenseur social est bloqué,
l’école devient ipso facto un foyer de frustrations sociales, d’espoirs
déçus et de fausses promesses. En l’absence d’un marché du travail
accueillant, l’engagement de mener 80 % de chaque classe d’âge au
baccalauréat transforme l’école en antichambre du chômage. Naturellement,
les jeunes en échec ou exclus du système scolaire sans aucun diplôme sont
socialement plus fragiles et constituent une proie facile pour l’économie
clandestine ou criminelle. Et à l’école, qui catalyse les contradictions
symboliques -on se souvient de l’affaire du tchador -le climat ne cesse de
se dégrader. Il est clair que la diffusion des formes de violence juvénile,
du racket, du trafic de drogue, de machisme, des regroupements sur des bases
ethniques passe très souvent par l’école, en alimentant les tensions et les
peurs.

Les tendances au démantèlement programmé de l’école (sauf pour une élite) en
tant que formatrice de valeurs civiques et capacité critique, au profit
d’une institution productrice de consommateurs ignorants, incapables de
remettre en question la société où ils vivent, proies toutes désignées de
l’industrie du divertissement, semblent en effet trouver leur confirmation
dans ces tentatives de réforme que la gauche de gouvernement a tenté de
mettre en pratique au cours de ces dernières années, dans le droit fil de ce
que la droite avait fait avant elle(6).

Le vote FN

On a tout dit du vote pro-FN du 21 avril 2002 : vote politique,
protestataire, de désaffection, de peur, d’exaspération ou de désespoir,
parfois vote d’adhésion à des valeurs et (un peu moins) à un programme. Mais
aussi vote raciste et xénophobe, qui, à en croire certains analystes, serait
l’expression d’un "sens commun" partagé par la majorité des partis, dont on
préfère ne jamais parler, comme si cela équivalait à ouvrir la boîte de
Pandore.

La tendance profonde qui s’exprime à travers le vote FN est présente en
France depuis le début du xxième siècle, bien visible dans cette peur de
l’invasion étrangère, qui apparaît principalement en temps de crise
économique- jusqu’aux années vingt, elle visait surtout l’immigration
italienne, avec les lynchages anti-italiens d’ Aigues-Mortes, de Grenoble ou
de Marseille -et à laquelle le mouvement ouvrier lui-même n’est pas resté
étranger : il n’est que de penser aux consignes du PCF ("achetons français")
ou aux bulldozers que le maire communiste de Vitry envoya au début des
années 80 pour démolir un foyer de travailleurs immigrés.

Le Pen ne cesse d’insister sur le thème de la "préférence nationale"
s’agissant de l’emploi, de l’attribution de logements, des aides
financières, des places en crèche et dans les services publics, etc. Mais
personne ne parle à voix haute de celle pratiquée couramment dans toute la
fonction publique, où la porte de la titularisation est fermée
officiellement aux étrangers non-européens et où les étrangers, placés en
situation précaire, se voient, quand d’aventure ils se trouvent en
concurrence avec les autochtones, poussés gentiment vers la sortie après
avoir, des années durant, servi de bouche-trous dans des secteurs où il
existe un manque de personnel local et qui exigent un certain niveau de
qualification. L’expérience faite par les maîtres-auxiliaires d’origine
maghrébine, les médecins en provenance d’Extrême-Orient, les infirmières
recrutées à l’étranger est là pour nous rappeler que, de fait, la préférence
nationale est déjà une réalité. C’est d’ailleurs son existence de fait qui
permet l’usage du thème à des fins électorales, puisqu’elle ne heurte plus
le sens commun.

Nous disions donc que le problème de la relation avec les Maghrébins a pour
noyau le passé colonial de la France en Algérie. Bien que le temps ait passé
et les blessures se soient fermées, on ne peut oublier qu’une génération de
Français partit faire une guerre non déclarée, une sale guerre où elle
pratiqua la torture ou en fut témoin, avant d’essayer de survivre au
traumatisme de l’expérience. Au-delà des discours de l’élite (politique,
médiatique, intellectuelle), les individus qui vécurent ces années en ont
gardé un souvenir douloureux et ils eurent le plus grand mal à comprendre la
volte-façe finale, l’abandon d’un territoire que les politiciens de l’époque
proclamaient "partie intégrante" de la France. Au moment de cette guerre
lancée par un gouvernement de gauche et conduite par un ministre de
l’Intérieur socialiste comme s’il s’agissait d’une vulgaire "opération de
police", aucun parti politique n’appela à la désertion et on en laissa les
individus livrés à, eux-mêmes. Aujourd’hui, face à un pouvoir politique qui
ne parvient pas à assumer son propre passé ou le fait avec le plus grand mal
("il était juste d’ obéir aux ordres, pas de torturer"), Le Pen dit à haute
voix qu’il n’y a aucune raison d’avoir honte, que lui avait défendu la
grandeur de sa patrie et qu’il le referait si c’était à refaire. Beaucoup
d’anciens combattants se reconnaissent dans ces paroles, parce qu’ils
veulent pouvoir continuer à se regarder dans la glace sans avoir envie de se
cracher à la figure, et ils retrouvent un orgueil national qui ne se
manifeste plus aujourd’hui que dans les confins du Stade de France. De
nombreux harkis ou pieds-noirs ne sont pas insensibles à cette rhétorique.
Bien sûr, là n’est pas la cause première du vote lepéniste, mais cela peut
expliquer sans doute la réaction d’une partie de l’électorat FN.

La question de l’insécurité n’est pas une invention de Le Pen ou des médias
 : sans elle, on ne comprendrait pas le vote pro-FN de nombreux Français
d’origine étrangère (y compris, à l’occasion, maghrébine) vivant dans les
banlieues. L’insécurité est un problème qui touche l’ensemble de notre
société, à commencer par l’insécurité sociale, face à l’emploi et à
l’avenir, et cette insécurité profonde en engendre d’autres, plus tangibles
mais aussi plus facilement exploitables sur le plan électoral. En outre,
avec le journal télévisé, les acteurs d’actions sanglantes entrent
régulièrement chez les gens. Ce qui compte n’est plus ce qui se passe dans
notre vie quotidienne, mais "ce qui pourrait nous arriver" et que la
télévision nous rapporte comme quelque chose d’envisageable, de probable, de
normal même. Peu de gens peuvent raconter qu’ils ont été victimes d’une
agression, mais en revanche ils sont des millions qui "connaissent un tel"
qui "connaît tel autre" qui, lui, l’a été. Un exemple on ne peut plus
emblématique : dans un article paru dans Le Monde du 30 avril 2002, le
journaliste Gurvan Le Guellec rapporte cette phrase d’un "jeune électeur
lepéniste" de Romorantin qui a l’impression de vivre "un monde de fous",
parce que, dit-il candidement, "il y a tellement d’insécurité à la télé"

Au lieu d’aller dans le sens d’une société plus conviviale et plus ouverte,
les réponses que les gouvernements successifs ont données au problème se
situent sur le seul plan répressif : sur ce terrain, Le Pen, qui attise sans
vergogne cette guerre entre pauvres -simplifiant les problèmes, jouant les
hommes providentiels, désignant les jeunes à la vindicte des vieux, les
"teneurs de mur" à celle des passants, etc. -a encore beaucoup d’avance sur
les autres’.

Naturellement, Le Pen a capitalisé une grande partie de la méfiance qui,
dans un pays à forte tradition nationaliste, s’est manifestée contre
l’unification européenne et contre le traité de Maastricht en particulier,
présenté comme l’agent de la perte de souveraineté du pays. Bien sûr, il n’a
pas été le seul à jouer sur ce registre, mais son nationalisme est le plus
radical parmi ceux qui sont sur le marché et la cohérence globale de sa
xénophobie lui permet de le vendre mieux que tous les Pasqua, de Villiers,
Chevènement, etc.

Rappelons que Le Pen commença sa carrière politique comme député du
mouvement poujadiste. Ce n’est qu’en 1972 qu’il fonda le Front national,
fédérant autour d’Ordre nouveau une multitude de groupuscules néo-fascistes
qui constitueront l’ossature du nouveau partis. À toutes ces composantes il
convient d’ajouter les nationalistes révolutionnaires, les catholiques
traditionalistes, les partisans de la secte Moon, puis les membres du GRECE
et les militants de la "nouvelle droite". Les références fondamentales des
militants étaient en grande partie néo-fascistes et néo-nazies -bien que
certains d’entre eux fassent passer leur haine de l’ Arabe avant leur haine
du Juif -, mais on a recyclé et intégré l’expérience vichyste, celle de l’
Algérie française et de l’OAS. L’idéologie qui en résulte est un salmigondis
réactionnaire et xénophobe, où le nationalisme et la mystique du Chef
servent de ciment. Le parti a une existence essentiellement électorale, ce
qui n’exclut pas les manifestations violentes, qui restent cependant
marginales et, en général, mettent la direction du parti dans l’embarras.
Ses premiers succès électoraux viennent, on le sait, avec les années 80 et
l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, qui ne se prive pas d’utiliser le FN
pour diviser la droite. L’ascension du FN, qui semble se nourrir de la
décomposition du PC ou de la perte de références des vieux secteurs
catholiques, apparaît irrésistible jusqu’en décembre 1995. La première crise
réelle se produit à l’occasion du mouvement contre le plan juppé, quand la
composante ouvrière de son électorat se retrouve dans la rue à côté des
autres salariés -ou, en tout cas, partage leur colère -pendant que sa
composante poujadiste et épicière se range de l’autre côté. Même si elle ne
semble pas avoir une relation directe avec ces événements, la scission de
décembre 1998 est un effet naturel de cette division. Les deux fractions ont
subi le contre-coup de la rupture -qui a montré au grand jour leurs méthodes
communes -à un tel point que les élections qui suivirent laissèrent penser à
une inversion de tendance. Toutefois, la capacité de Le Pen à catalyser la
peur et les tensions de la société française a démontré qu’on avait enterré
le FN un peu trop vite.

Il peut être utile de s’arrêter un moment sur les positions adoptées par ses
adversaires. Voyons, en premier lieu, le rapport de forces établi au soir du
21 avril : les 17 % obtenus par Le Pen, aussi frappants qu’ils soient pour
l’imaginaire des Français, ne lui donnent aucune possibilité réelle
d’accéder à la présidence de la République. Le fait qu’il soit populiste,
démagogue, xénophobe et autoritaire, assez proche du fascisme, tout cela,
bien sûr, suffit à le rendre profondément détestable. Mais doit-on en
conclure que la démocratie serait soudain en danger ou qu’on serait à deux
doigts de revivre l’expérience connue par l’ Allemagne en 1933 ? L’appareil
politico-militaire que Hitler contrôlait et utilisait n’a rien de commun
avec les structures actuelles du FN, qui compte à peine quelques milliers de
militants. Quant au climat de guerre civile qui porta Hitler et Mussolini au
pouvoir, il ne présente aucune ressemblance avec celui de la France de 2002.
La bourgeoisie du pays ne semble, pour l’heure, guère craindre l’initiative
ouvrière ni traverser de crise particulière. D’ailleurs, elle ne donne pas
ses suffrages à Le Pen et a même tendance à se méfier de lui, en qui elle
voit un facteur d’instabilité : les réactions de la Bourse au lendemain du 21
avril sont assez significatives à cet égard. Le grand capital et le monde de
la finance ont visiblement d’autres chats à fouetter.

De surcroît, si l’intégration européenne met en lumière les tendances
xénophobes et réactionnaires bel et bien présentes aux Pays-Bas, en
Belgique, en Autriche, en Italie, en France, en Angleterre, etc., elle rend
aussi plus difficile, dans le même temps, la réalisation des tentations
autoritaires des apprentis-dictateurs.
Enfin, on aura garde d’oublier que l’émergence du fascisme dans les années
20 et 30 fut incontestablement liée à la crise de l’État libéral : la solide
tradition étatique française, le centralisme, la persistance d’un État
fort -qui, du coup, rend inutile la tentation fasciste -tout cela fait
obstacle aux forces fascisantes chaque fois qu’elles peuvent devenir un
facteur de déstabilisation pour les classes dirigeantes elles-mêmes, tant
sur le terrain social que politique.

La crise du monde ouvrier

La dernière pièce importante qu’il convient d’ajouter à cette tentative de
reconstruction du puzzle français, c’ est la situation de crise et de
décomposition du monde ouvrier. Une crise et une décomposition qui peuvent
se lire sur le plan des transformations sociologiques, mais surtout sur le
plan de la perception qu’en a le reste de la société et de celle qu’a de soi
ce monde ouvrier touché par la perte de son identité et de sa foi en
lui-même en tant porteur sinon d’une société différente, du moins d’une
forme d’altérité à l’égard de la société dominant( 9.)

Les ouvriers, au sens strict, représentent entre 26 et 28 % de la population
active (soit 6 à 7 millions de personnes), dont 80 % d’hommes, souvent
mariés à des employées, ce qui signifie donc qu’environ 40 % des enfants
naissent et sont éduqués dans des familles ouvrières. Les grandes
concentrations ouvrières ont été en grande partie démantelées ou voient leur
taille se réduire peu à peu. On a assisté à une sorte de recomposition du
monde ouvrier, fondée sur les trois catégories suivantes : les ouvriers de
l’industrie (la grande majorité de la classe jusqu’aux années 70,
minoritaires à présent), les ouvriers de type artisanal, qui en général
s’impliquent énormément dans leur travail, et, enfin, les chauffeurs et
ouvriers du transport, de la gestion des stocks et autres tâches
polyvalentes, ce dernier groupe étant plus proche, du reste, des
fournisseurs de services que des producteurs. C’est cette catégorie ouvrière
qui a connu, ces dix dernières années le plus grand essor ( + 20 % pour les
conducteurs de transports en commun, + 25 % pour les chauffeurs-Iivreurs et
+ 35 % pour les conducteurs d’engins de déplacement de marchandises). Il est
allé de pair avec un fort développement du travail précaire et intérimaire,
des bas salaires, de l’insécurité face à l’avenir, de la flexibilité des
horaires et des tâches. Dans un tel contexte, la loi des 35 heures oblige
purement et simplement à faire en 35 heures le travail fait auparavant en 39
heures.

L’essor du secteur tertiaire a laissé de profondes traces non seulement sur
l’organisation du travail et les conditions de travail, qui se sont
extraordinairement dégradées, mais aussi sur les relations des ouvriers avec
leur environnement. En effet, ils sont de plus en plus isolés, obligés de
vivre dans les grands ensembles populaires, souvent réduits à l’état de
minorité ethnique au sein d’une majorité d’immigrés, ou bien isolés
physiquement dans des pavillons de banlieue, où les contacts avec le reste
du monde passent par la télévision, le téléphone portable par l’entremise
duquel leur patron leur indique ce qu’ils feront la semaine suivante et
surtout par les relations de leurs enfants à l’école, avec toutes les
tensions que cela suppose.

La disparition des vieux réseaux de solidarité syndicale ou politique n’a
pas été compensée par le nouvel associationnisme qui, généralement, se
construit en marge des relations de travail et est incapable de remplacer
les anciennes formes de socialisation.

Maintenant, les employés -qui ont dépassé numériquement les ouvriers depuis
1995 -sont aussi mal payés que ces derniers et l’évolution de leur
environnement de travail sous l’effet de la taylorisation puis de
l’informatisation leur a fait perdre le peu d’autonomie qui leur restait.
Ensemble, ouvriers et employés représentent encore 12 à 13 millions de
salariés.

Le secteur qui a connu le développement le plus significatif est celui des
services aux particuliers : si on y ajoute les employés du commerce, cette
catégorie est devenue prépondérante par rapport à celle des employés
administratifs. Ces dix dernières années, on a assisté à une augmentation
considérable du nombre des assistantes maternelles ( + 100 %), des employés
de maison et des femmes de ménage (+ 47 %), des employés et serveurs dans
les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ( + 20 %).
Mais si les formes de socialisation et la mobilité sociale sont plus fluides
parmi les employés que chez les ouvriers, les salaires sont désormais
également faibles dans ce secteur, la proximité avec le client plus étroite,
les pressions en faveur d’un surcroît de disponibilité et d’implication plus
fortes et plus personnalisées. Au point que les succès ou les échecs sont
vécus et intériorisés comme l’expression de qualités personnelles plus que
comme un fait social.
En même temps, nous assistons à la formation d’une nouvelle classe
travailleuse, jeune, précaire, mobile et flexible mais capable de réagir.
Elle n’est pas liée aux vieilles idéologies du mouvement ouvrier -et
souvent, d’ailleurs, l’éloignement vis-à-vis de la culture des parents est
source d’incompréhensions et de conflits générationnels -mais elle cherche
et trouve parfois la voie de la lutte et le plaisir de la révolte. Ses
relations avec les vieilles structures politiques et syndicales sont parfois
inexistantes, parfois ambiguës, et parfois conflictuelles. La circulation
d’une culture du conflit devient en l’occurrence un préalable à toute
construction organisationnelle, comme dans le passé, ne serait-ce que parce
que ces jeunes portent avec eux un bagage d’expériences qu’ils ont mûries,
même si le patron qui les exploite change tous les trois mois.

Une conclusion provisoire.

La prise de distance à l’égard de la politique et des formes dominantes de
régulation auquel on assiste actuellement est certes douloureuse mais
probablement nécessaire si l’on veut voir renaître une culture du conflit et
réapparaître les luttes autonomes de la "classe la plus pauvre et la plus
nombreuse". Sans cette prise de distance, on ne peut espérer reconstruire
les conditions qui permettent de penser une société différente, d’où serait
bannie l’exploitation de l’homme par l’homme. Le chemin, on le sait, est
plein d’embûches et les obstacles ne manquent pas, mais le changement est
inhérent au capitalisme, c’est d’ailleurs là sa plus grande force. Il dépend
de nous d’essayer de comprendre dans quel sens celui-ci évolue, d’influer
sur le sens de ce changement sans perdre de vue la relation existant entre
les luttes d’aujourd’hui et la société qu’elles peuvent préfigurer.

Ce qui compte, à nos yeux, c’est d’agir sur les causes profondes de
l’actuelle crise de confiance : le retour des luttes sociales de ces
dernières années est sans doute encourageant, mais encore trop timide : les
luttes restent fragmentaires et isolées, et pourtant elles trouvent un écho
favorable au sein de la société. Les syndicats institutionnels ne peuvent
plus y faire obstacle : pour les contrôler, ils sont obligés souvent de les
seconder. Avec la fin de "l’Empire du Mal", l’hypothèque que le léninisme
avait fait peser pendant soixante-dix ans sur les luttes sociales semble se
dissiper, bien que cela engendre d’autres problèmes. Si la situation sociale
reste fluide et en mouvement, le contexte politique pourrait s’avérer un
accélérateur imprévisible et nous réserver quelques surprises.

G. Soriano

Traduit de Collegamenti-Wobbly ; nO2/2002
par Miguel Angel Parra

1. Parmi les nombreux textes sur le sujet, j’en retiendrai deux qui abordent
quelques questions de fond : Alain Bihr, "Petit traité de séismologie
politique" et l’anonyme "Le 13 mai de Jacques Chirac", parus dans A Contre
Courant, n° 134, mai 2002. Le second, en particulier, relativise le succès
de Le Pen du point de vue des chiffres sans que cela l’amène à sous-estimer
sa signification politique. En effet, la paire Le Pen-Mégret a totalisé le
21 avril 500 000 voix de moins que la paire Le Pen-Villiers en 1995

2. Sur ces mesures, on lira : "Plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) : en
rire ou en pleurer (de rage) ?", et "Prime pour l’emploi : un cadeau
empoisonné" in Tsunami, no3, printemps 2001, pp.20-23. Voir aussi Gilles
Gourc, " La " refondation sociale" vue au travers du Pare ", Les Temps
Maudits, N°13, pp.5-12.

.Per una teoria critica libertaria, c/à Guido Barroero, Vico Condino,
1/615156 Genova.
E-mail : walker1 064@msn.com.
Cet article complète un texte paru dans Les Temps noudits no15 janvier avril
2003), "Mc Donald, FNAC, Virgin, Euro Disney, Arcade, etc

3. Les données ont été prises d’un sondage du CSA, réalisé à la sortie des
urnes au cours du premier tour des présidentielles et cité in "Le 13 mai de
jacques Chirac" (seconde partie), in À contre courant, n° 135, juin 2002, p.
8

4 Il faut évidemment nuancer ce propos, en tenant compte de ce que disait
Miguel Chueca dans son "À propos d’un plaidoyer pour une "gauche"
sécuritaire", Les Temps Maudits, n° 14, p. 28 et pp. 34-35 à la note 5,
quand il rappelait fort à propos qu’il faut tenir compte des ouvriers qui ne
votent pas, soit parce qu’ils ne veulent plus, soit parce qu’étant
étrangers, il ne le peuvent pas. Il faut aussi tenir compte du fait qu’une
partie de l’électorat ouvrier et plus géné-ralement populaire a depuis
toujours voté à droite.

5. Sur la question de l’immigration, on consultera avec profit les travaux
d’Emmanuel Todd, en particulier Le Destin des immigrés. assimilation et
ségrégation dans les démocraties occidentales, Paris, Seuil, 1994, où il
analyse les différentes communautés immigrées et leur capacité d’intégration
à la lumière de leurs structures familiales. Bien que le sc éma
interprétatif laisse beau-coup de problèmes en suspens, le livre est
stimulant et ouvre de nombreuses pistes à la réflexion.

6. On lira à ce sujet le texte assez stimulant de Jean-Claude Michéa,
L’enseignement de l’ignorance, Castel-nau-Ie-Lez, Climats, 1999.

7. À en juger par les premières mesures prises par le gouvernement Raffarin,
il semble bien que la course en ce sens n’est pas près de s’arrèter et que
de nouveaux records répressifs seront bientôt battus.

8. Sur l’évolution du FN, on lira les livres d’Alain Bihr, Pour en finir
avec le Front national, Paris, Syros, 1992 et Le Spectre de l’extrême droite
les Français dans le miroir du Front national, Paris, Éd. de l’Atelier-Les
Éd. ouvrières, 1998.

9 Deux livres me semblent montrer correctement les transformations produites
au sein’ de la classe ouvrière et les conséquences qui s’ensuivent : Éric
Maurin, L’É-galité des possib !es, Paris, Seuil, 2002 -dont j’ai tirénombre
des considérations exposées plus haut -et Sté-phane Beaud et Michel Pialoux,
Retour sur la condition ouvrière, Paris, Fayard, 1999 (cf. Les Temps
maudits, ne 8). Ce dernier est le résultat d’une enquête qui a duré
plusieurs années dans les ateliers Peugeot de So-chaux-Montbéliard, en
particulier sur les OS, qui montre très bien les motifs du vote FN dans les
milieux ouvriers