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CONTESTATION POLICIERE

Publie le lundi 14 décembre 2009 par Open-Publishing
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Il est rare que la contestation, du moins sous la forme que l’on connaît habituellement, gagne les rangs de la Police. Généralement la « contestation policière » est beaucoup plus feutrée et se règle – quand elle se règle – sur les tapis moelleux des palais de la République entre responsables syndicaux et autorités.

Plus rarement, cette action prend la forme de manifestation. On assiste alors au spectacle stupéfiant de « policiers manifestants » contrôlés par d’autres policiers. Le clou du spectacle - et qui ne manque pas de sel - étant l’estimation du nombre de manifestants par les deux « camps ».

Il faut noter que les organisations politiques de « gauche » et d’ « extrême-gauche » sont d’une prudence de Sioux pour s’exprimer sur ces faits, quand ce n’est pas un silence éloquent qui les habite.

Au delà de l’aspect « surréaliste » de ce type de manifestation et des réactions, ou non réactions qu’elles suscitent, se posent deux questions essentielles :

Quel sens véritable a ce type de contestation ?

Doit-on ou non soutenir ces revendications ?

SUR LE SENS

Le Policier en tant que fonctionnaire – c’est-à-dire employé de l’Etat – est un salarié qui a tous les problèmes des fonctionnaires : conditions de travail, moyens pour l’accomplir, grille indiciaire pour le traitement, avancement, mutuelle,… A ce titre on peut considérer ses revendications et les moyens – légaux – qu’il utilise comme « normaux » et légitimes. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’agissent les syndicats de Police, comme tout autre syndicat de salariés.

Il est sûr, et ce serait malhonnête d’affirmer le contraire, que les policiers ne sont pas avantagés – sur le plan matériel - de manière exorbitante par rapport aux autres fonctionnaires. Ils n’ont rien à voir avec ce que serait un groupe particulier qui, du moins sur le plan matériel, bénéficieraient de privilèges, car au service de la classe dominante.

Les conditions de travail, d’avancement, et là-dessus les syndicats de police ont raison, sont loin d’être satisfaisantes,… on peut même parler d’économies faites sur leur dos et même d’exploitation.

La contestation syndicale a donc un sens au sens syndical et même salarié du terme. Et c’est bien cette situation qui est gênante pour celles et ceux qui éprouvent à la fois un sentiment de répulsion pour la fonction policière répressive et de compassion pour ces salariés en lutte pour leurs conditions de vie. Il est vrai que, de surcroît, lorsqu’un conflit les oppose au simple citoyen ils bénéficient d’une longueur d’avance car quasi systématiquement soutenus par leurs syndicats ( ce qui est logique), mis aussi et surtout, leur hiérarchie et le Pouvoir en place… et c’est la Police qui enquête sur… la Police…

UNE CONTESTATION MOLLE

Manifestement la Police met moins d’ardeur à lutter contre la « politique du chiffre » du Gouvernement qu’à expulser des travailleurs de leur entreprise qu’ils occupent., ou à rafler les « sans papiers »…

Cette « politique du chiffre » est aux policiers ce que les cadences sont aux travailleurs à la chaîne.

"Jour après jour, les policiers nationaux s’épuisent à réussir des objectifs inatteignables - la politique du chiffre - loin des réalités d’une délinquance mobile, violente, dont vous avez ou pouvez être victime" dit un tract distribué à Paris lors de la manifestation du 3 décembre 2009. La révision générale des politiques publiques (RGPP) est dans la ligne de mire, qui "n’a qu’un but : réduire les dépenses de l’Etat et démanteler les services publics essentiels".Précise-t-il et ajoute que la Police est la profession la plus touchée par les suicides.

A lire de tels propos on ne peut qu’être admiratif devant autant de lucidité, mais au-delà de cette brillante analyse,… que fait ce corps qui est au cœur de l’autorité de l’Etat ? Rien,… erreur, il gémit : «  Policiers usés, policiers démotivés » scandaient les manifestants parisiens.

On a peine à croire que cette force, et qui sait l’utiliser, se laisse asservir comme de vulgaires salariés rivés à leurs machines. Pourtant c’est bien cela qui se passe… Rares sont les débordements, rares sont les coups de gueule, rares – et même inexistantes - sont les occupations de commissariats et autres actions plus musclées. Ce grand corps si rapide à réprimer celles et ceux qui se battent est incapable de se battre pour ses propres revendications et appelle à son secours celles et ceux qu’il n’hésitera pas à réprimer au premier ordre qu’il recevra.

Le culte de l’obéissance et la certitude de l’impunité.

On est pour le moins hésitant à soutenir une telle profession.

SUR LE SOUTIEN

Il est, bien évidemment déterminé par la conception de la fonction que l’on a de la Police.

Si on la considère, dans son ensemble, Gendarmerie comprise (quoiqu’elle ait un statut militaire), comme un service public – ce qui est la version officielle diffusée dans le public, alors il n’y a pas de différence entre un policier et un autre fonctionnaire…. C’est l’attitude des principales formations politiques à vocation d’occuper le pouvoir : conservateurs, centristes et sociaux libéraux,… sans parler de l’extrême droite.

Si l’on considère par contre que la Police n’est pas un service public – au sens où on l’entend généralement – mais un groupe de mercenaires au service d’un système social inégalitaire et d’exploitation, alors, tout en reconnaissant le bien fondé matériel des revendications et même la situation de salarié, il est difficile et même impossible d’être solidaire avec la Police.

Soutenir les revendications d’une force de répression est en effet difficilement acceptable, d’autant plus que l’on a affaire à cette même police lorsque l’on revendique comme elle, les mêmes conditions de travail et de vie.

« Mais la Police n’est pas que la répression » vont proclamer en chœur les syndicats policiers et leurs soutiens politiques… Certes, mais c’est essentiellement ça dans un système où règnent les inégalités, facteurs de délinquance et conflits sociaux…et la tendance actuelle s’accélère.

A moins de faire croire, ce que voudraient certains, ou d’être persuadé, que l’on vit dans une société plus ou moins harmonieuse, simplement perturbée par des délinquants agissant sans raison, on peut difficilement imaginer que la « paix publique » et la « sécurité » ne soient pas, surtout et avant tout, un problème politique et social. Or la police, n’entre pas dans ce genre de détail et ne pose les problèmes que de manière technique : matériels, effectifs, rythmes de travail,… et se fait d’ailleurs un « honneur » d’être neutre… ce qui est une douce illusion, ce qui entraîne une confusion extrême dans ce qu’elle croit être et ce qu’elle veut faire croire qu’elle serait.

Situation d’autant plus complexe, comme on vient de le noter que fonction de répression et opérations « humanitaires » s’enchevêtrent au point de ne plus parler des unes au profit exclusif des autres,… ce que tout Pouvoir s’attache consciencieusement à faire.

Exemple : « Un CRS c’est quelqu’un qui risque sa vie sur la plage ou en montagne, mais pas du tout un cogneur de lycéen ou de d’ouvrier ». « Un policier est toujours une victime, jamais un agresseur ». Tous les reportages officiels sur le sujet montrent des policiers bien intentionnés, serviables, polis, presque des travailleurs sociaux. On comprend difficilement, dans ces conditions, que les policiers violentent des journalistes et leur confisque les images d’intervention au nom d’un droit à l’image qui n’existe pas, du moins dans ce cas.

Devant une telle malvoyance ou mauvaise fois on ne peut que mettre en parallèle les revendications des policiers avec leur véritable rôle dans la cité et ce d’autant plus que l’aspect social et politique est totalement passé sous silence au profit d’une pratique des plus suspecte (chasse aux « sans papiers » par exemple)… ce qui ne veut d’ailleurs pas dire efficace.

La contestation policière, et elle ne le fait pas exprès, présente cependant un réel intérêt : elle est un signe, parmi d’autres, de la décadence du système dominant. D’une certaine manière, les conditions de travail et le mépris affiché par le Pouvoir peuvent être – tous ne sont pas obtus – à l’origine d’une prise de conscience. Une faille dans ce corps apparemment monolithique est donc à exploiter, encore faut-il le faire avec tact et non dans un but bassement électoral.

A n’en pas douter nous n’entraînerons pas la Police dans une dynamique d’alternative de rapports sociaux, elle demeurera le dernier garant du système, mais on peut faire douter certains de ses éléments et fragiliser ainsi le Pouvoir…

Ce sera toujours ça de gagné.

Décembre 2007 Patrick MIGNARD

http://endehors.org/news/contestation-policiere

Messages

  • D’un point de vue purement personnel, je ne peux que me réjouir de cette "réaction", aussi molle soit-elle, à l’encontre d’une politique intérieure visant à gonfler des statistiques, à les biaiser. Et tout ceci pour encenser un bilan gouvernemental médiocre : l’absolue nécessité de faire du chiffre n’est qu’un coup de com’ en vue de la pérennisation statutaire des huiles en place. Je l’approuve donc comme contestation politique et déstabilisation du pouvoir en place, pouvoir qui se discrédite aux yeux de ses chiens de garde.

    Cependant, ma solidarité n’ira pas à ces Pandores de la République. Quand cesseront les violences policières morales ou physiques, la répression et le contrôle par la peur, la distillation de la notion d’insécurité parmi la population, mon allergie aux forces de l’"ordre" se résorbera peut-être. Là, il n’est question que de gémissements face à des conditions de travail fragilisées par des objectifs politiques, et non à une réaction citoyenne quant à l’absurdité et la tendance immorale de ces objectifs. Le souci économique prime sur celui du bon sens. Étonnant.