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Articles 73 et 74 et règlement de compte politique en Martinique

Publie le vendredi 15 janvier 2010 par Open-Publishing

La consultation électorale en Martinique et Guyane, concernant les articles 73 et 74 représentait une étape de la mystification organisée par le gouvernement français après le grand mouvement social de février-mars 2009.

Cette étape, prévue et demandé depuis longtemps par les « Politiques » tombait à point nommé après le relatif échec de la réunion d’ « Etats-Généraux de l’Outre-mer », boycotté par le KF5 et le LKP.

Dès juillet 2009, réunis à Cayenne, après avoir vu leur image se dégrader lors du mouvement social, ils trouvaient, dans la perspective du référendum, l’opportunité de se remettre en selle, de profiter du « come back » offert par le Président de la République Française. Celui-ci, bien évidemment, se garde bien de poser des vraies questions qui pourraient changer l’ordre des choses. Tout au contraire. Et il présente donc ce référendum non pas « contraint et forcé » comme voudrait le faire croire une certaine opposition mais comme une parade habile où il est sûr, par la même occasion, de recueillir un vote conservateur. Car c’est en général ce qui se produit dans une élection ou un vote après un grand mouvement social.

L’abstentionnisme ou le vote blanc aurait été le signe de la prise de conscience du piège et donc d’une possible combattivité sous jacente. Il n’en a pas été ainsi en Martinique et, effectivement, l’auteur de ces lignes s’est trompé sur un taux d’abstentionnisme moins élevé qu’il l’espérait.

Les membres du gouvernement français, eux, ne s’y sont pas trompés. Dès après 18 heures, sans même connaître les résultats, Madame Penchard triomphait : on avait dépassé 50% de taux de participation ! Plus que lors du référendum de 2003 ! Peu importe le 73, le 74 … l’essentiel était sauvé. On aurait un argument de plus face à la rue : le peuple avait voté et s’était exprimé, rentrez chez vous !

Mais revenons sur l’argument d’un Sarkozy « contraint et forcé par la pression populaire » d’organiser ledit référendum. Pourquoi alors ne l’a-t-il pas organisé en Guadeloupe ? Les Guadeloupéens n’avaient pas suffisamment manifesté, n’avaient pas assez fait de pression ? Et on nous répond alors que la situation dans l’ « île sœur » n’est pas la même, que les « politiques » n’avaient pas une telle priorité, que la question de l’octroi de mer ne se pose pas de la même façon…Et on reconnait par la même que ledit référendum n’est pas organisé sous la pression des masses mais bien suivant les choix de messieurs les politiciens.

En fait la vraie réponse est sortie de la bouche d’Elie Domota : 73 ou 74 cela ne changera rien à nos vies ; c’est un piège grossier destiné à faire oublier les revendications sociales.

On tentait quand même de faire prendre la mayonnaise en faisant monter les tensions, en faisant apparaitre l’un des articles comme radical, conduisant à l’autonomie et même – au diable l’avarice ! – à l’indépendance…

Distiller la crainte ! C’était une dérive qui ne concernait en vérité que le débat et les participants qui voulaient donc y voir une autre signification. En réalité, derrière les « tigres de papier », on avait toujours affaire à deux articles de la Constitution Française où finalement toute décision revient à l’Assemblée Nationale de l’Hexagone.

Cette dérive se devait d’être radicalisée. Pourquoi ? Parce qu’en remplaçant les articles par un « oui » et par un « non » cela permettait finalement de marginaliser les partisans du 74 et particulièrement leur leader le charismatique Alfred Marie-Jeanne, Président du Conseil Régional. Serge Letchimy, leader du PPM, avait une opportunité alors d’assoir son leadership en Martinique et bien sûr il la saisit en mettant durablement Chabin hors jeu. Inutile de préciser que nous ne verserons pas une larme pour celui qui a désavoué le mouvement social et qui s’est entendu secrètement avec la grande distribution…

Résultat : un raz de marée soixante treiziste qui, à quelques nuances près, peut être interprété comme un vote conservateur. Mouvement conservateur que l’on retrouve souvent après tout grand mouvement social d’ampleur.

Mais du fait de la peur qu’on avait voulu introduire, Le carré restant des 20% de « soixante-quatorzistes » semble représenter du même coup des gens déterminés dans leur choix qu’il considérait comme émancipateur, comme un pas vers plus d’autonomie. Nous savons aussi malheureusement que du vote à l’action, il y a une marge… Et quand on pense qu’un individu comme Raphaël Confiant, qui insulte le peuple martiniquais (1), a voté pour le 74, on en revient à se poser des questions.

Quant au PPM(2), parti de centre gauche inter classiste, il n’offre aucune perspective pour les salariés.

On en est donc revenu aux jeux de politiciens habituels, ceux que justement le peuple rejette de plus en plus.

Et à part ça nous préparons la journée d’action du 5 février prochain. Mais cela c’est une autre histoire...

(1) Raphaël Confiant, déçu par le vote, a agoni d’injures le peuple martiniquais, sur un ton et avec des termes qu’auraient pu employer un planteur raciste.

(2) Parti Progressiste Martiniquais, le parti d’Aimé Césaire. Scission du Parti Communiste, créé en 1958, il a aujourd’hui toujours une ligne « départementaliste » à l’autonomisme très édulcoré.