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INSTANTANE : DEBARQUEMENT COMMEMORATIF 05 JUIN 2004 COTE DE NACRE

Publie le mardi 28 septembre 2004 par Open-Publishing


de Franca Maï

Ce matin, j’ai croisé sur le sable englué d’algues, un type aux mollets forts
et graisseux qui se prenait pour un Mexicain. A part la chevelure couleur corbeau,
j’ai tenté de comprendre ses motivations à vouloir se persuader d’être de là-bas.
Quelle sorte de musique désaccordée tournait dans sa boîte crânienne pour gigoter
pareille imposture !... Il marchait, enfin je dirai même... qu’il titubait en maugréant « je
suis le Roi du Monde ». Et plus sa voix le criait aux mouettes sous férule, plus
son regard fuyait vers un horizon incertain. Il savait qu’il n’était qu’un grain
de vide pissant de trouille, l’amer en bouche.

La face tournée vers un soleil artificiellement ombrée, épinglés au ciel, les
hélicoptères et avions moirés d’une armée invisible le traversaient laconiquement,
mimant le Débarquement. Des hommes jeunes, jetés en pâture au nom de la Liberté.

De temps en temps, un cortège de blindés à la métallique lustrée zigzaguait sur les routes de campagne. Euphorique.

Les longs cimetières qui s’étalent à l’infini sur la côte Normande restent de marbre. Les mères orphelines humidifient la terre assoiffée de leurs larmes. N’oubliez pas.

La parade du souvenir ne ressuscite personne.

Qui canarde-t-on en ce moment même sur une autre rive en galvaudant la Démocratie ?

La chair explosée engendrera de nouvelles fêtes commémoratives pour nos progénitures. Avec feux d’artifice et tirs de mortier. C’est beau ...un ciel étoilé. A quoi sert l’histoire puisqu’elle ne panse aucune plaie et qu’elle répète son cycle infernal en d’autres temps et d’autres lieux. Rouge sang.

Au Mexique, les tombes portent leurs croix colorées et clignotent telles des lucioles. La famille prépare le plat préféré du mort et le déguste sur la stèle fleurie. C’est joyeux, généreux. Curieusement le trépassé revit, l’instant magique d’une communion gustative. Parlez de lui, n’est-il pas le chemin abordable d’une immortalité.

Mais mes rétines ouvertes ne distinguent plus le type. A-t-il même existé ?... Il est vrai qu’en Normandie, le brouillard sévit sans crier gare pour parfaire la lucidité.

Alors...

Causons avec les morts, enivrons-nous de leurs râles, vomissons leurs entrailles à la seule condition : en terminer avec la Guerre. Déserter est l’antienne à transmettre. Le roi est nu. Partout. Depuis toujours.

La paix s’étonne d’être sereine. Elle ne séduit pas. Elle est.
Juste avoir l’envie de l’apprivoiser.