Accueil > Daniel Mermet : pourquoi tant d’amour ?

Daniel Mermet : pourquoi tant d’amour ?

Publie le mercredi 29 septembre 2004 par Open-Publishing
20 commentaires

de Daniel Mermet

« Rentrant de reportage, je suis à la fois stupéfait et bouleversé de découvrir qu’en mon absence des tracts me mettant violemment en cause ont été affichés dans les ascenseurs de France Inter.

Avec "un discours digne des patrons les plus brutaux", j’aurais en juin dernier, signifié à Thierry Scharf et Claire Hauter, reporters permanents de l’émission, que leur contrat "ne serait pas renouvelé à la rentrée".

Je n’ai jamais tenu de tels propos et je défie mes accusateurs d’apporter l’ombre d’une preuve. Cette diffamation est indigne.

Je tiens donc à rétablir les faits.

Il est absolument scandaleux et mensonger d’affirmer que j’aurais mis un terme au contrat de Claire Hauter et de Thierry Scharf en juin dernier. Je n’en ai jamais eu l’intention et je n’en ai pas le pouvoir. Je n’ai envers les collaborateurs de l’émission qu’un rôle réduit au cadre imposé par France Inter, étant moi-même payé au cachet selon un contrat (CDD) renouvelable, comme d’ailleurs toute l’équipe de l’émission.

A France Inter, un "budget de pige" est affecté à chacune des émissions des programmes. C’est sur ce budget que les collaborateurs occasionnels et les reporters de "Là-bas" ont longtemps été rémunérés au cachet, au gré des prestations. C’est contre cette situation aléatoire et fragilisante que j’ai bataillé auprès de la direction de France Inter pour obtenir des contrats annuels pour les reporters. Chacun en a été témoin et il est tout à fait malveillant aujourd’hui de m’accuser de précariser quiconque !

Depuis trois ans nous fonctionnons de cette manière. Thierry Scharf ayant un contrat d’environ [...] (1) Euros mensuel pour fournir la matière de quatre reportages en moyenne par mois. Le contrat de Claire Hauter s’élevant à [...] (1) Euros par mois pour fournir trois reportages en moyenne mensuellement.

Fin juin dernier, nous avons ensemble fait le bilan de la saison. D’abord pour nous féliciter de la qualité des reportages, mais... mais pas de la quantité ! Nous étions loin du compte. Sur les dix mois de la saison Thierry Scharf avait fourni environ 25 reportages (au lieu de 40) et Claire 23 reportages (au lieu de 30). Encore une fois, j’insiste, ces reportages ont été de très grande qualité mais loin de pouvoir nourrir cet ogre quotidien qui s’appelle "Là-bas", 22 numéros chaque mois, 220 émissions chaque année...

Il ne s’agit pas d’un conflit opposant un gros vilain chef à d’innocentes victimes précarisées, mais tout simplement d’un budget insuffisant. La cause de cette crise est là, et nulle par ailleurs. Et c’est à la direction de France Inter d’y mettre un terme.

En attendant, en juin , j’ai proposé aux reporters :
 Soit de concevoir des reportages moins lourds afin de rester dans l’enveloppe imposée dans le cadre du contrat de grille
 Soit de revenir au rythme des piges en relevant le montant de celle-ci.
Sans aboutir à une conclusion nous avons préparé le déménagement et chacun est parti en vacances.

Jamais je n’ai parlé de "fonctionnarisation" ou "de manque de rendement". Il est indigne de me prêter de tels propos. Il est mensonger d’affirmer qu’un "changement de contrat a été imposé autoritairement". Je le répète, nous n’avons pris aucune décision, nous promettant de nous rappeler dans l’été pour faire le point.

A la mi-juillet j’ai appelé Thierry Scharf pour discuter des sujets de la rentrée. D’emblée Thierry m’a annoncé sa décision d’arrêter le reportage radio et de s’orienter vers le documentaire en image. Depuis dix ans, à plusieurs reprises Thierry a quitté "Là-bas" tantôt pour le reportage télé, tantôt pour se lancer dans le documentaire de fiction. Chaque fois il est revenu frapper à la porte de "Là-bas" et la porte lui était ouverte. Aussi pour en avoir le cœur net, je l’ai rappelé quelques jours plus tard. Il m’a confirmé sa décision, sans rancune, il avait fait son choix. Il tentait par ailleurs d’obtenir de la direction de France Inter des piges dans des émissions, des chroniques ou des interventions qui lui laisseraient le temps de s’investir dans la voie fixée.

Quant à Claire, sans aucune nouvelle durant l’été mais comptant sur elle pour septembre, elle m’apprit brièvement cinq jours avant la rentrée, qu’elle ne reprenait pas, venant de s’engager avec [...] (1) sur l’écriture d’un scénario (tiré d’ailleurs d’une émission de "Là-bas").

C’est donc bien Thierry et Claire qui ont pris la décision eux-mêmes de suspendre leur collaboration avec l’émission et non le contraire !

Ces deux départs ont rendu la rentrée difficile. Affectivement d’abord, on s’en doute et professionnellement ensuite. Les bons reporters radio de magazine ne courent pas les rues...

Toute l’équipe de "Là-bas" a été surprise et indignée par ce tract. Des voix s’élèvent pour dire que ce règlement de compte ne s’attaque pas aux vrais problèmes : la précarité des pigistes permanents et des journalistes des programmes non reconnus et qualifiés de "collaborateurs spécialisés", ainsi que l’insuffisance des budgets qui conduit à un appauvrissement du contenu comme de la forme des émissions. Autant de thèmes pour l’action de tous et de l’action syndicale en particulier.

Le 13 septembre, en partant en reportage, j’étais à mille lieux d’imaginer qu’en mon absence sans la moindre enquête, sans daigner m’interroger, une chasse à cour syndicale allait me prendre pour gibier à partir d’ affabulations rancunières dont les raisons je l’avoue, m’échappent entièrement. Parricide symbolique ? Amours enfouies ? Comment comprendre ces attaques fratricides qui ne font que réjouir le camp des maîtres ?

J’avoue ma très profonde tristesse.

Daniel Mermet, 26 septembre 2004.

Je suis bien sûr à la disposition de tous pour trouver une issue à cette crise

daniel.mermet@radiofrance.com. »

(1) : partie concernant la vie personnelle des personnes impliquées, volontairement non reproduite par le site LBSJS.

http://lbsjs.free.fr/

Messages

  • Je trouve la défense de Mermet plutôt convaincante, non ?

  • Question à Mermet : Pourquoi le forum de LBSJS a-t-il été interrompu depuis le début de l’année ?

    • Salut,

      Moi, je le sais, puisque je suis le webmestre de ce fameux site ! En gros, pour aller très vite, et sans rentrer dans les détails, j’ai eu le choix entre "filtrer" (selon ses termes) les messages, ou fermer le forum ; Quant à ceux qui pensent qu’il s’agit d’une énième tentative de destabilisation (de ma part ?), pensez-vous vraiment que j’aurais consacré beaucoup de temps, d’énergie, etc... à la mise en place de ce site, si c’était dans le but de desservir cette émission ? Je pose la question ; non, je ne fais pas partie du méchant grand capital...

      Ricar, webmestre du site LBSJS.

    • Bonsoir,

      Je déplore la fermeture du forum : C’était le passeport des Là-basien(ne)s. Penses-tu pouvoir le rétablir bientôt ? (non filtré, sinon ce serait… fort de café !)

      Hésioné.

    • Salut Hésioné ;o)

      Moi aussi je déplore la fermeture de ce forum ; pour l’instant, il faut attendre que la tempête passe ; après, on verra... mais ça me semble difficile !

      Amitiés,

      Ricar.

  • N’y aurait-il pas une entreprise sordide et crapuleuse de déstabilisation de Mermet qui fait une émission qui dérange ? Ne pouvant l’attaquer ni sur ses compétences, ni sur le fond, on le déconsidère aux yeux de celles et ceux qui aujourd’hui sont ses auditeurs-trices. Procédé hélas très classique.

    Nelson

  • Daniel,

    J’ai beaucoup hésité à t’écrire, partagée entre l’envie de te dire ce que je pensais et la crainte de "donner du grain à moudre" à ceux qui rêvent de casser Là-bas.

    Le litige qui t’oppose à Thierry et Claire me semblait incompréhensible, mais tu as fourni dans ta réponse "pourquoi tant d’amour" des éléments objectifs de réflexion. Après traduction de quelques phrases langue de bois (je les ai notées "…") en langage clair, l’affaire semble plus simple. Ouf !

    Daniel, tu es un génial Mermet, mais tu es également un responsable d’émission de France-Inter comme un autre : Tu dois à ce titre produire X émissions par saison conformément au (sacro-saint !) contrat d’objectifs et te caler dans un budget d’Y euros.

    Lorsque tu fais le bilan de la saison avec tes collaborateurs en juin, tu leur reproches un manque de reportages (-7 pour Claire, -15 pour Thierry) et, en guise de solution, tu leur proposes deux merdes :
     soit bâcler ("écourter") leurs reportages et tu pourras ainsi produire tes X émissions,
     soit être rémunéré précaire (à la pige "relevée") et tu pourras alors te caler dans ton budget d’Y euros.

    Autrement dit Claire et Thierry avaient le choix entre la hache ou la corde. Je comprends qu’ils aient décidé de se barrer (de "suspendre leur collaboration") Je comprends aussi leur réaction de révolte et de tristesse : Là-bas, c’est plus une aventure qu’une émission ordinaire.

    Dans ta réponse, tu soulignes qu’il faut s’attaquer aux vrais problèmes, notamment à la précarité des pigistes permanents, à l’insuffisance des budgets. Le problème c’est que tu intègres, apparemment sans état d’âme, ce système que tu dénonces par ailleurs. Peut-être n’as-tu pas le choix ? Dans ce cas, aie le courage d’assumer. A défaut d’admettre le principe, je peux te comprendre : Il en va de l’existence même de Là-bas. Mais non, tu déplaces le problème sur un plan quasi psychanalytique-œdipien ("pourquoi tant d’amour", "parricide symbolique", "amours enfouies") La ficelle est trop grosse, je considère que tu insultes notre intelligence.

    Les Là-basien(ne)s sont tristes.

    Hésioné

  • Après l’"affaire" Joelle Levert, qui accusait Daniel Mermet de harcèlement moral, ça commence
    à faire beaucoup... Alors soit Daniel Mermet a raison contre ses collaborateurs, qui sont tous
    vendus au grand capital, soit il est légitime de se poser des questions. C’est la deuxième justification embarrassée de Daniel Mermet que je lis et je la trouve aussi peu convaincante que la première. Simplement, la première fois, il y avait le bénéfice du doute. Là...

    • ...sauf que.
      Cela fait maintenant 18 mois que cette "affaire" a eu lieu et qu’on n’a plus rien à se mettre sous la dent concernant la supposée attitude arrogante et autoritaire de Daniel Mermet. Giv Anquetil, Antoine Chao et François Ruffin ont l’air de bien tolérer la bête. Et, sauf erreur de ma part, pas un seul faux pas dans les émissions.
      Des nouvelles quelqu’un ?
      ugosup

    • De toute facon, Mermet est en situation de monopole. Nul aujourd’hui ne parvient à faire aussi bien que lui sur ce créneau (Il est vai aussi qu’on imagine mal des directeurs de chaines inspirés au point de multiplier ce genre d’émissions) et tant qu’il en sera ainsi des Mermet aux petits pieds essaieront autant qu’ils le peuvent de lui nuire...Toto

    • A ugosup :
      Tu as de drôles de manières d’aborder le problême :
       "Cela fait maintenant 18 mois que cette "affaire" a eu lieu et qu’on n’a plus rien à se mettre sous la dent concernant la supposée attitude arrogante et autoritaire de Daniel Mermet." : à bon, il faudra des scandales permanents ?! A moins que le temps ne diminue la gravité des faits (qui sont, au cas où tu en doutes encore, bel et bien avérés) ?
       "Giv Anquetil, Antoine Chao et François Ruffin ont l’air de bien tolérer la bête" : ouais, mais ce n’est pas facile. Et quand on travaille à France-Inter, on ne crache pas trop dans la soupe (les places sont chères). La passion fait le reste ; et puis ils ne se sont pas fait virés ou rétrogradés, eux !
       "Et, sauf erreur de ma part, pas un seul faux pas dans les émissions" : ben oui, il ne va pas faire l’affreux à l’antenne tout de même ! :-)
      Lillo

    • Cher Lillo
      Je prends acte de ton bénéfice du doute à la version Scharf/Hauter. Cela fait maintenant 28 mois et toujours rien. Le temps n’atténue rien, inutile d’inventer des paralogismes qui ne ressortent pas de mon texte, mais je me serais attendu à d’autres affaires... et non ! Je pense qu’asséner "les faits sont bel et bien avérés" est une affirmation gratuite. Pour ma part, le bénéfice du doute reste à l’accusé. Quant à ceux qui collaborent toujours à "Là-bas si j’y suis", j’ai du mal à m’imaginer une telle schizophrénie chez plusieurs d’entre eux entre les dénonciations quotidiennes à l’ordre néolibéral et la soumission à un tel fauve patronal.
      Bien à vous tous.
      ugosup

    • va faire un tour du coté de la manip agip prop mao et dérivée, tu risque d’etre surpris...