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Czar unique

Publie le vendredi 8 octobre 2004 par Open-Publishing
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de ASTRIT DAKLI

Un peu plus d’un mois est passé après l’hécatombe de Beslan, mais cela a suffi
pour un saut historique énorme. Un saut dont le point d’arrivée est assez clair
et terrible, même si hors des frontières russes peu de monde semble y prêter
attention : la restauration de l’empire tsariste, avec en plus le Parti Unique.
Au nom des « exigences supérieures » imposées par la lutte au terrorisme, des
exigences auxquelles le monde s’est désormais habitué comme à un changement climatique,
le paysage législatif et institutionnel du pays le plus vaste de la planète a été radicalement
bouleversé ; et ce que l’on pouvait définir comme une démocratie formelle gérée
d’une façon autoritaire est désormais en passe de devenir une dictature pure
et simple - de facto et de jure.

Tout le pouvoir à un homme : et quand on dit « tout le pouvoir », ce n’est pas de la rhétorique. Les propositions de loi que le parlement russe approuvera dans les prochaines semaines ne donnent pas lieu à des doutes ou à des subtilités dialectiques : au président sera attribué le pouvoir - soustrait directement aux citoyens - de nommer et de révoquer tous les élus et les législateurs locaux (un pouvoir totalement discrétionnaire : aucune condition limitative, le président pourra renvoyer un gouverneur, ou un maire, quand et comme il voudra et sans en donner une motivation) ; au président sera attribué aussi le pouvoir de nommer et de révoquer les magistrats, aussi bien que le rôle de guide de la magistrature à tous ses niveaux. Le président a déjà le pouvoir de diriger sans conditions toute la branche de l’exécutif ; et, grâce à son instrument politique représenté par le parti « Russie unie » ( à côté duquel le Pcus était un modèle de démocratie interne) a aussi le contrôle absolu du parlement, avec une majorité suffisante à modifier à son gré la constitution - qui serait en effet violée dans au moins une trentaine d’articles par les propositions de loi sur le tapis.

Ce n’était pas une grande constitution, celle d’Eltsine de 1993 ; elle avait été imposée par la force, glissait sur bon nombre de droits et contenait des failles suffisantes pour laisser la plus grande liberté d’action au gouvernement. Mais elle était pourtant toujours une constitution avec quelques rappels à des principes démocratiques - banaux, comme la souveraineté populaire et la division des pouvoirs à l’intérieur de l’Etat, mais cruciaux pour donner quelques garanties au citoyen. Maintenant tout cela est complètement balayé ; à l’aide de Dieu, il ne reste que Vladimir Poutine. L’église orthodoxe récupérera ses terres, expropriées par les bolcheviks, a dit hier Poutine à un rassemblement de patriarches orthodoxes ; jusqu’à hier les pouvoirs locaux pouvaient s’opposer à cette loi, déjà présentée au parlement depuis un an, et il le faisaient. Aujourd’hui ils ne le peuvent plus, la parole du président est déjà plus qu’une loi et l’alliance avec l’église la transforme en volonté divine.

Sur le tapis parlementaire il y a d’autres propositions, que personne ne va contester : la peine de mort, des limites à la liberté de mouvement des personnes, des limites à la présomption d’innocence dans les procédés judiciaires. On prévoit très peu de jours pour les débats qui les concernent, des approbations « en double lecture » pour faire plus vite. Et qui s’opposerait ? Cela a été déjà ainsi il y a quelques semaines, avec le démantèlement ex lege du pivot de l’état social, le système de benefit et des gratuités (soins médicaux, assistance, transports) qui était garanti jusqu’à présent aux catégories sociales les plus défavorisées : un démantèlement qui équivaut à un génocide, parce qu’il entraînera la mort de quelques centaines de milliers de personnes âgées et handicapées. Mais il ne sont pas dans le parti de Poutine, où ne sont admis que ceux qui comptent.

Seulement pour le capital privé, haussé sur les autels de Russie par Boris Eltsine après soixante-dix ans de clandestinité, tout reste égal et facile : la liberté du marché et de l’entre prise ne sont pas en discussion - pourvu que les capitalistes n’aient pas de visées personnelles. La persécution grotesque, théâtrale de Mikhail Khodorkovskij et de sa Yukos n’est qu’une comédie pour les ingénus qui croient à l’anticapitalisme de Vladimir Poutine, à sa lutte contre les nantis, les corrompus et les amis des américains.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

Source : http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=5951

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