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Le syndicat a le droit de militer dans l’entreprise pour la République sociale !

Publie le vendredi 19 mars 2010 par Open-Publishing
3 commentaires

Par Pascal Moussy,
pour Chronique Ouvrière

L’article L. 2142-1-1 du Code du Travail, issu de la loi du 20 août 2008, permet à un syndicat ayant constitué une section syndicale dans une entreprise ou un établissement de cinquante salariés ou plus, s’il n’a pas été reconnu représentatif dans cette entreprise ou dans cet établissement, de désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de cette entreprise ou de cet établissement.

Les dispositions de l’article L. 2142-1 du Code du Travail, provenant de la même loi, précisent que le droit de constituer une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement est reconnu à chaque organisation syndicale non représentative « qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ».

Le critère d’indépendance est bien connu. Il ne s’agit pas d’y revenir. Il s’agit de l’indépendance à l’égard de l’employeur.

Le concept de respect des valeurs républicaines, nouveau venu dans les dispositions légales relatives à l’exercice du droit syndical dans l’entreprise, a été défini par les signataires de la « position commune » du 9 avril 2008 qui a été reprise dans ses grandes lignes par la loi du 20 août 2008. La réflexion consensuelle a alors souligné que le respect des valeurs républicaines implique « le respect de la liberté d’opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ».

Le tribunal d’instance de Boissy Saint Léger, à l’occasion de la contestation de la désignation du représentant de la section d’un syndicat affilié à la CNT, a été invité à donner son interprétation des « valeurs républicaines » auxquelles doit adhérer une organisation syndicale de salariés.

Par son jugement du 11 février 2010, il a relevé que la définition proposée par les signataires de la « position commune » n’a pas été reprise par la loi, qui s’est contentée de viser le concept, sans rentrer dans le détail. Mais le tribunal d’instance a considéré qu’il ne trahissait pas la pensée du législateur en soulignant que les valeurs de la République ne peuvent s’entendre que de celles qui garantissent la souveraineté du peuple sans imposer une forme déterminée d’organisation des pouvoirs.

Le tribunal n’a pu que constater que cette souveraineté du peuple n’était aucunement menacée par un syndicat ayant pour objet de former et d’organiser les travailleurs pour l’abolition de l’Etat, s’interrogeant sur sa participation aux élections professionnelles au sein des entreprises et préconisant « l’action directe », c’est-à-dire « une forme de lutte décidée, mise en œuvre et gérée directement par les personnes concernées ». Les valeurs de la République ne sont pas mises en danger par une action revendicative propre à l’activité syndicale.

Il a été également relevé par le tribunal d’instance que la Charte d’Amiens, qui reste la référence théorique du syndicalisme en France, « assigne au syndicalisme un double objectif et une exigence : la défense des revendications immédiates et quotidiennes et la lutte pour une transformation d’ensemble de la société en toute indépendance des partis politiques et de l’Etat ».

Le syndicalisme porteur d’une transformation radicale de l’organisation sociale et la République ne sont finalement pas des adversaires irréductibles.

Cette tendance à l’apaisement des relations entre le syndicalisme révolutionnaire et les institutions a déjà été remarquée lors d’un colloque consacré à «  l’actualité de la Charte d’Amiens ». « La logique de l’affrontement implique que le syndicalisme et l’Etat se considèrent comme des adversaires, dont les stratégies sont fondamentalement antagoniques et les intérêts radicalement inconciliables ; s’il connaît des trêves ou des armistices, leur conflit inexpiable ne saurait en fin de compte se résoudre que par la disparition de l’un ou de l’autre ; tout comme l’émancipation ouvrière postule pour le syndicalisme le démantèlement de l’Etat capitaliste, la paix sociale ne saurait régner pour l’Etat que par l’éradication des ferments de la lutte des classes dont le syndicalisme est l’ardent propagateur. Cette conflictualité ouverte, cette exclusion réciproque impliquent que syndicalisme et Etat se situent au moins partiellement sur le même terrain : le premier se veut porteur d’un projet d’organisation sociale et politique qui met en cause les structures étatiques existantes ; et, à l’inverse, le second entend peser sur les modes d’organisation et d’expression d’une classe ouvrière qu’il redoute. L’atténuation progressive de cette logique d’affrontement passera par un double processus de reconnaissance mutuelle : au lieu de se poser en adversaires irréductibles, syndicalisme et Etat prendront peu à peu conscience du parti qu’ils peuvent tirer de l’établissement de bonnes relations… » (J. CHEVALLIER, « Le syndicalisme et l’Etat entre l’autonomie et l’intégration », L’actualité de la Charte d’Amiens, PUF, 1987, 69 et s.).

En tout état de cause, ce n’est pas une mauvaise chose, du point de vue des intérêts collectifs visés par l’article L. 2131-1 du Code du Travail, qu’un juge rappelle que l’action syndicale ne se réduit pas à la négociation des conditions de l’exploitation et qu’il ne saurait lui être interdit d’oeuvrer dans l’entreprise à «  l’émancipation intégrale » qui est seule de nature à permettre la disparition de l’injustice sociale.

lien vers l’article sur le site de
Chronique Ouvrière

lien vers le jugement
du TI de Boissy à télécharger (pdf) sur le site de Chronique Ouvrière

Présentation de Chronique Ouvrière

lundi 13 août 2007

Chronique Ouvrière réunit des militants qui ont été confrontés aux questions soulevées par le droit du travail à l’occasion des luttes qu’ils ont menées dans leur entreprise ou devant les juridictions.

Chronique Ouvrière propose des débats militants sur le droit du travail et sur son évolution. Il est également donné une information sur des textes et des décisions susceptibles d’aider les travailleurs à faire respecter leurs droits (soit sous la forme de commentaires, soit sous la forme de « brèves »).

Chronique Ouvrière est bien sûr ouverte à toutes celles et ceux qui souhaiteraient participer à nos discussions, menées par des acteurs du combat syndical

Comité de Rédaction

vendredi 7 septembre 2007

Directeur de publication : Pascal Moussy

Membres du comité :

Michel Blanchard, juriste syndical CGT

Kléber Derouvroy, ancien conseiller prud’homme CGT

Marie-Laure Dufresne-Castets, avocate, chargée d’enseignement à l’Université d’Evry-Val d’Essonne

Henri Elisabeth, CGTM, conseiller prud’homme

Gérard Filoche, inspecteur du travail, syndicaliste CGT

Bernard Gaudou, conseiller prud’homme, syndicaliste CGT

Anne Gérault-Martin, avocate

Karl Ghazi, syndicaliste CGT

Christian Henri, conseiller prud’homme, syndicaliste CGT

Alain Hinot, mandataire syndical CGT

Jean-Claude Lam, chargé d’enseignement à l’Université de Paris XIII, ancien directeur de Prudis CGT

Thierry Le Paon, syndicaliste CGT

Claude Lévy, défenseur syndical CGT

Didier Malinosky, conseiller prud’homme, syndicaliste CGT.

Alain Mennesson, CGT Renault

Pascal Moussy, juriste syndical CGT

Robert Pelletier, CGT Schindler

Carlos Rodriguez, ancien animateur « droits et libertés » CGT, avocat.


remarque : il y a un article de la CNT concernant ce jugement

Messages

  • Droits syndicaux en question ?
    Communiqué de presse confédéral du 18 mars 2010

    La Confédération Nationale du Travail & le Syndicat du Commerce Région Parisienne (SCIAL-RP CNT), qui oeuvre dans le commerce pour un syndicalisme de lutte de classes et de combat, était assigné le 11 février 2010 devant le Tribunal d’Instance de BOISSY ST-LEGER par la société BAUD (groupe CASINO) en contestation de la désignation de son Représentant de la Section Syndicale (RSS), en vertu de la nouvelle loi du 20 août 2008.

    Dans son jugement, déjà largement commenté par la presse judiciaire, le Tribunal d’Instance a confirmé la validité de cette désignation. Aujourd’hui, la société BAUD s’est pourvue en cassation contre ce jugement favorable au SCIAL-RP CNT.

    Dans le mémoire remis en son nom par Maître BLONDEL à la Cour de Cassation, la société BAUD invite clairement à la Cour à donner un avertissement à tous les militants syndicaux. Elle lui demande de rappeler au SCIAL-RP CNT que « dans un contexte où les syndicats hésitent de moins en moins à encourager les salariés à se lancer dans des actions de plus en plus violentes, le recours à la violence n’est pas un mode de revendication acceptable dans une société démocratique ».

    Jouant sur le registre de la confusion sinon de la malhonnêteté intellectuelle, le propos confond sciemment « action » et « violence », mais sous-entend et présuppose que la violence serait syndicale, en éludant la réalité pathogène de la violence patronale (licenciements, destruction du tissu industriel et social, etc.) !

    La société BAUD se fait ici le porte-voix d’une partie du capitalisme français qui use et abuse sans scrupule aucun de cette violence économique et sociale au quotidien et qui, lorsqu’il trouve face à lui des travailleurs qui s’organisent et résistent, a recours à l’appareil judiciaire d’État pour les briser. L’hypocrisie et le cynisme capitalistes en appellent alors à la République au mépris de la Res publica ! La société BAUD ne demande pas moins à la Cour de Cassation que d’adresser à l’ensemble des salariés en butte à la violence patronale du licenciement boursier et des profits spéculatifs un ordre simple : SILENCE DANS LES RANGS !
    AUCUNE INTIMIDATION LIBERTICIDE NE NOUS FERA TAIRE !
    Publié le 18 mars 2010.

  • voici une autre affaire similaire, concernant un syndicat SUD

    bref extrait du magazine "Le tigre"

    SFR contre Sud : fin 2009, SFR a attaqué Sud en justice.

    Motif : le syndicat ne respecterait pas les « valeurs républicaines ».

    C’est la première fois que se pose cette question : peut-on souhaiter la fin du capitalisme tout en restant dans le champ de la République ?

    Le 2 février 2010, un séisme social a failli frapper la France, sans que grand-monde ne s’en rende compte. Le tribunal de Longjumeau rendait son jugement dans l’affaire opposant l’opérateur téléphonique SFR au syndicat Sud. L’enjeu : la représentativité de Sud au sein d’un « espace client » SFR à Massy-Palaiseau, c’est-à-dire le droit pour Sud d’avoir un délégué syndical. Derrière ce cas apparemment anodin, l’ensemble du syndicalisme français était menacé : Sud, qui défend un socialisme autogestionnaire, et plus largement tous les syndicats remettant en cause le capitalisme, pouvaient être privés du droit de représentativité. Au motif suivant : non-respect des « valeurs républicaines ».

    (....)

    lire la suite (très intéressante) le syndicalisme et la république


    ceci dit, la "position commune" signée ... avec le Medef... n’en finit pas de faire des dégâts, à donner le tournis, le dégoût parfois

    Cuisine électorale nauséabonde à la Régie des Transports de Marseille

    A la RTM (dernières élections)

    Pour assurer sa représentativité SUD s ’est allié avec la CFTC, .... et le "Syndicat Libre", issu de la CSL (extrême droite) , sur une "liste commune" ... SUD

    Tout ce petit monde, suite à cette cuisine nauséabonde est "représentatif, et la CFTC et le SL ont des délégués syndicaux... sous étiquette SUD.

  • à cet article et le dernier commentaire postés aussi sur Indymédia Lille, un lecteur fait la remarque fielleuse suivante

    http://lille.indymedia.org/article19728.html?id_article=19728#formulaire_forum

    info ou grossier raccourci ?

    Ceci dit on se dit que vous l’avez bien amené cette info. Pas toute fraîche non plus d’ailleurs puisque ça date de 2009 (un article du Monde) et que surtout elle avait été corrigée comme suit : http://www.solidaires.org/IMG/pdf/Lettre_Le_ONDE-TRM-nov09.pdf

    Bon d’accord, avec un léger problème de datation... Mais faut dire qu’il y avait de quoi être sur les nerfs et se mélanger un peu les pinceaux.

    d’où ma réponse

    non , pas un raccourci

    le démenti d’Annick Coupé est inacceptable.

    Votre affirmation ne correspond pas à la réalité de ce qu’est le Syndicat Libre aujourd’hui dans cette entreprise. Si le Syndicat Libre de la RTM a été lié à la CSL lors
    de sa création, ses fondateurs ne sont plus là et son animateur actuel n’a rien à voir avec cette histoire
    là.

    Prétendre que ce "syndicat libre" n’a plus rien à voir avec ses origines parce que ses dirigeants historiques sont partis est de l’excuse lamentable.

    Le Pen non plus n’a plus de filiation directe avec les fascistes des années 30 : ils sont morts

    Le FN n’aura bientôt plus de lien avec JMLP : il va mourir un jour.

    La recherche d’alliance se pose dans ce cadre, y compris avec des syndicats avec qui il peut y avoir des
    points de vue différents : cela existe pour les élections comme pour les actions, pour les organisations
    de Solidaires comme pour tous les syndicats.

    cette cuisine électorale pue, la "justification" pue tout autant

    Le fascisme historique est un "point de vue" ????


    remarques :
     je n’avais pas "calculé" ce "rapprochement" quand j’ai publié l’article ce matin. Simplement, je me souvenais d’une affaire judiciaire concernant SUD.

    Mais tant qu’à faire, autant creuser un peu, pour montrer que le petit monde du "nouveau syndicalisme" n’est pas toujours reluisant

    Et ce n’est aucunement une vieille affaire : elle date de quatre mois.

     Je suis assez souvent critique envers la CGT (mon syndicat)

    Ne comptez pas sur moi pour mettre ce genre de saloperies sous le tapis, encore moins pour les justifier par des contorsions