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Pourquoi je hais les chasseurs du 30 ?

18 janvier 2011, 10:08

Il y a quelques années, on s’est pris un sanglier "pleine poire", ma mère et moi. Une forêt bordait la nationale que nous empruntions avec notre petite R5, (pas à 200km/heure), et vlan, (comme, en effet, cela arrive souvent dans des endroits de France où le sanglier se reproduit à une vitesse incroyable, et donc, pullule littéralement), le sanglier qui traversait la nationale (et qui devait faire au bas mot ses 80kgs) a percuté la voiture.

Chance pour nous, nous n’avons rien eu -mais cela aurait pu être dramatique. Croyez-moi ou pas, le sanglier s’est relevé complètement sonné, mais vivant et il a fui dans la forêt. La voiture était pliée , emboutie sur l’avant, bonne pour la casse.

C’est sûr que de ce point de vue, croire qu’on pourrait "par amour de la nature", laisser proliférer le sanglier dans certaines régions, comme ça, sans en éliminer une partie (par les battues notamment), c’est vraiment complètement crétin.
Après tout est question de part des choses.

Je ne trouve pas que cet article soit spécialement "haineux",( je ne vois pas que l’auteur en appelle à "tuer les chasseurs" ;)) ; si j’ai bien compris il doit faire suite à la mort du chanteur d’un groupe de rock récemment qui a été tué par une balle perdue d’un chasseur, ce qui est une très sale affaire, et arrive, malheureusement. Ca arrive même à des enfants. Il ya des gros cons partout, dans toutes les catégories sociales, partout.

Je crois qu’il repose en partie (mais en partie seulement) sur des faits et des constats exacts, mais en revanche,là où le bât blesse, c’est sur d’une part le fait de pointer exclusivement "les chasseurs du 30" (parce que tu connais pas "les chasseurs du 18, mec, viens faire un tour ;)), et parceque la généralisation faite est à mon sens complètement abusive, et surtout ,sur les clichés (qui vont avec la généralisation) qui pour représenter une certaine catégorie de chasseurs (j’ai eu un patron qui arborait fièrement dans son bureau de 80 m2 ses trophées de chasse empaillés, qui payait des 15000 euros pour dézinguer de l’éléphant ou du lion en Afrique - oui oui-) étend à tous les chasseurs ce qui est en effet insupportable chez toute une bande de branleurs, bien réels. Ce type de procédé rhétorique est assez ridicule.

C’est comme dépeindre tous les fumeurs de joints comme des bons à rien abrutis. Tous les médecins comme des charlatans parce qu’il y a eu des abus , en oubliant qu’il y a aussi eu Pasteur, tous les Italiens comme des fascistes voleurs parce qu’il y a Berlusconi,en oubliant qu’il y a eu Gramsci et Verdi, Toutes les femmes comme des salopes qui ne pensent qu’au fric et tous les hommes comme des salauds qui trompent leur femme et abandonnent leurs gosses, c’est comme prendre tous les communistes pour des staliniens. Bref, ce genre de démonstration fondée sur des choses exactes mais qui, par leurs généralisations abusives deviennent des clichés, ça me laisse froide, et je trouve ça dommage car il y a des choses à dire sur la chasse.

Au final, je crois que malheureusement, RED1917 ne connaît rien à la chasse, ou plutôt qu’il n’en connaît qu’une partie. Mais c’est comme ça, souvent on hait ce qu’on ne connaît pas bien. Quand on connait un peu mieux ce dont on parle, on parvient à être plus mesuré (ce qui n’empêche pas du tout de garder une position de principe ferme)...

Je lui aurais bien proposé il y a quelques années, quand je chassais encore, de venir avec nous, voir comment ça se passait et ce que ça signifiait la chasse pour les paysans berrichons (j’espère qu’il aurait accepté) ; qu’il fallait pouvoir être dehors vers 6h30 du matin, dans le froid, pour nos petites battues de famille, avec un fusil de "la Manu" qu’on chérissait presque (car il avait une double fonction, la chasse et....autre chose, le jour où...éventuellement.... ;)), la relève des traces, la connaissances des "tailles", tout ceci demandait une connaissance de la nature dont bien des écolos-bobos, pour le coup ( je ne dis pas que c’est le cas de RED) ne peuvent pas se prévaloir. Je me souviens de mon père capable de reconnaître quel oiseau volait, juste à son sifflement, au parcours de son vol, à la forme de ses ailes, il savait quel type d’oiseau faisait quel type de nid, quand et où et pourquoi, quand avait lieu le brame, quand les laies mettraient bas, ce qu’avait bouffé le chevreuil, etc. LA chasse, pour nous, c’était aussi (et oui on peut dire que c’est "nostalgique" ou même "réactionnaire") payer un tribut à un combat ancien des ancêtres, maintenir une survivance d’un droit obtenu de longue lutte aussi contre les châtelains exploiteurs à une époque où on devait en effet chasser pour se nourrir un peu mieux.

Que marcher avec des bottes dans une forêt sans faire de bruit, c’est un art délicat, qu’on peut moquer, mais qui s’apprend néanmoins, (et qu’il n’est pas utile QUE à la chasse ;)), que celui qui n’a pas connu le casse croûte avalé sur une souche, dans une forêt roussie, ou au bord d’un champ gelé, à 11 h30, avec les siens, avec son chien, en discutant de tel ou tel parcours pour la suite, ne peut pas comprendre ce dont il parle.

Je me souviens que nous étions tellement "accros" à cela, à ce rapport particulier, que nous ne lavions JAMAIS les vêtements que nous portions à la chasse de toute la saison, qu’il était évidemment interdit par le paternel de se laver et encore moins de se parfumer/désodoriser quand il y avait chasse ! Et que dans la bagnole ça puait le clébard mouillé ;)

Je ne peux pas repenser à tous ces moments sans une boule d’émotion qui me serre la gorge.

Moi, je pense que je peux mépriser (et parfois même haïr) une partie des chasseurs d’aujourd’hui que je croise, en effet, en Berry comme sans doute ailleurs, pleins comme des barriques à 14heures, avec des gilets jaunes fluos sur le dos, et des fusils à lunettes dernier cri, parce que j’ai connu autre chose, une autre chasse, une chasse de celles dont on se dit que malgré tout, même si l’homme a un fusil oui, et bien c’est quand même un reliquat de combat primitif entre l’homme et son environnement pour assurer sa survie. Une chasse où tu peux revenir bredouille la musette vide, mais le coeur et l’esprit remplis d’une nature où persistait encore une forme de sauvagerie.

Cela étant dit, je respecte aussi, par "fraternité", et comme les derniers témoins d’une époque disparue, celles et ceux qui ont encore l’estomac de pratiquer la chasse "à l’ancienne" telle que j ’ai eu la chance de la connaître enfant et jeune fille. Cet estomac là moi je ne l’ai plus car pour moi , dans mon coin, la chasse, la vraie, la seule, n’existe plus, ou presque. Et si par malheur je chausse mes bottes et que je croise en route des gros cons qui s’apprêtent à faire un carnage dans des sociétés de chasse pour bourgeois et petits bourgeois, où le contre-maître se goberge avec le directeur de l’usine, et où le ticket coûte trois SMIC, j’ai envie de les flinguer eux, c’est vrai...

Ceux- la, il y en a pas mal (beaucoup trop) en Berry et en Sologne, (si vous y êtes déjà allés, vous imaginez bien que l’endroit s’y prête) ; chez vous camarades LR et AC, je ne sais pas je ne connais pas, j’avoue humblement.

Maintenant, je dirais que certaines familles d’écolo du dimanche qui décident d’aller "se promener à la campagne" et sans rien connaître de ce qu’ils foulent aux pieds, des semis qu’ils piétinent, de ce qu’ils dérangent, de ce qu’ils abiment de leur pas de pachyderme, avec leurs sales mouflets qui prennent la forêt pour une poubelle, ça me met presque autant les nerfs que la catégorie de chasseurs que décrit l’article !!!

LL

Et puis je conseille à qui veut "humer" un peu de la chasse (même s’il s’agit là d’une chasse particulière qui est la chasse à courre) de lire un roman magnifique qui m’a fait pleurer quand j’étais gosse et qui s’appelle "La dernière harde", de Maurice Genevoix. C’est beau, superbement bien écrit, et cela met en lumière de nombreuses contradictions de la chasse et des chasseurs.