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La Commune de Paris (chansons)

18 mars 2012, 13:21

Alain Ruscio : Un point d’histoire est peu connu : il s’agit du compor
tement des Communards exilés en Nouvelle-Calédonie, lors de la grande
révolte Kanak de 1878. Révoltés eux-mêmes, passionnés de justice, les
Communards ont-ils compris le sens de ce mouvement ?
Isabelle Merle : Intellectuels, artisans ou ouvriers, les Communards
sont effectivement des révoltés, dans le contexte spécifique de la
France métropolitaine, attachés à une certaine idée de la démocratie,
de la justice sociale, de la liberté et mus par un puissant patriotisme
de gauche. Ils n’échappent pas, cependant, aux présupposés de leur
époque fondés sur la supériorité de l’homme blanc, les bienfaits de
la civilisation et la nécessité de l’oeuvre de la France outre-mer. Ils
peuvent même, parce que de gauche, être convaincus du bien-fondé
de la mission civilisatrice de leur nation qu’ils chérissent par-dessus
tout. Pour la plupart, surtout, la question coloniale est, en 1870, un
sujet qui ne les concerne pas et qu’ils rencontrent fortuitement du
fait de leur exil en Nouvelle-Calédonie. Beaucoup vivront l’épisode
comme un intermède malheureux, les yeux rivés sur la métropole
dans l’attente impatiente d’un retour tant espéré. Les Kanaks font
partie d’un décor qui symbolise leur relégation, tandis que la
souffrance de ces derniers reste étrangère. Lorsque la révolte de
1878 éclate, les Communards rallient dans leur grande majorité le
camp des Français auquel naturellement ils s’assimilent, beaucoup
demandant à combattre. Il y a évidemment quelques rares exceptions
et en particulier la célèbre Louise Michel qui a laissé de si belles
pages sur ce qu’elle a vu et compris du monde kanak. Prenant fait
et cause pour la révolte, elle fait preuve d’un esprit remarquablement
ouvert écrivant alors : « Eux aussi luttaient pour leur indépendance,
pour leur vie, pour la liberté. Moi, je suis avec eux, comme j’étais
avec le peuple de Paris révolté, écrasé, vaincu » (J. Baronnet,
J. Chalou, Les Communards en Nouvelle-Calédonie. Histoire de la
déportation, Paris, Mercure de France, 1987, p. 321).

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1997_num_53_1_2449

Les choses ont-elles vraiment changé ..?