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LES AFFINITES ENTRE MARXISTES ET LIBERTAIRES

3 octobre 2014, 23:38, par louis

Voici une extrait de la critique du livre, par Manuel Cervera-Marzal
http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/26/a-crise-politique-seule-solution-revolution-254414

« Dans ce paysage mouvementé de la rentrée politique, un événement risque de passer inaperçu, alors qu’il est pourtant crucial pour le salut de la gauche et, plus encore, pour notre avenir à tous. Je pense à la parution, le 20 août, d’un ouvrage cosigné par Olivier Besancenot et Michael Löwy, intitulé : « Affinités révolutionnaires. Pour une solidarité entre marxistes et libertaires » (éd. Mille et une nuits).

Le message est parfaitement résumé dans le titre. Pour l’ancien candidat du NPA aux présidentielles et pour son camarade chercheur au CNRS, la question qui compte aujourd’hui à gauche n’est pas : comment mon gouvernement pourrait-il satisfaire encore mieux les exigences du Medef ? Elle n’est pas non plus : comment remporter l’élection présidentielle dans trois ans ? Mais, de manière bien plus féconde : comment les classes populaires peuvent-elles se réapproprier l’exercice de la politique et la gestion de l’économie ? Comment le pouvoir des politiciens peut-il revenir dans les mains des simples citoyens et comment les travailleurs peuvent-ils reconquérir le pouvoir que les financiers ont sur eux ?

Marxistes et anarchistes main dans la main

Les auteurs se gardent d’apporter une solution miracle. Simplement indiquent-ils qu’une véritable démocratie politique et sociale ne pourra surgir que d’un soulèvement populaire, c’est-à-dire d’une transformation révolutionnaire de la société, au cours de laquelle marxistes et libertaires, plutôt que de s’entredéchirer, avanceront main dans la main.

Ce livre ne cherche pas à ressusciter les fantômes de Marx et Bakounine, mais à montrer comment la convergence du marxisme et de l’anarchisme porte en germe la réponse à des défis politiques éminemment actuels.
•Comment faire la révolution sans s’emparer du pouvoir d’Etat ? Car, l’Histoire l’a montré, ceux qui croient prendre ce pouvoir sont surtout pris par lui.
•Comment concilier solidarité collective et épanouissement individuel ? De sorte que la lutte contre l’atomisation néolibérale ne conduise pas à un nouvel écrasement des individus par leur communauté d’appartenance.
•Comment inventer une économie guidée par la satisfaction des besoins sociaux et le respect des équilibres environnementaux plutôt que par la maximisation des profits privés ?
•Comment remédier au déficit démocratique des régimes politiques représentatifs sans nourrir l’illusion d’un monde débarrassé des conflits politiques ?
•Comment mener le combat écologique sans en confier les rênes à une clique de technocrates ?

Telles sont quelques unes des interrogations auxquelles le rapprochement des idées marxistes et anarchistes nous invite à réfléchir.

Mais en quoi ce rapprochement théorique apporte-t-il de nouvelles réponses aux interrogations susmentionnées ? Sur l’aliénation individuelle, par exemple, l’analyse marxiste enseigne que le système capitaliste fait naître de nouveaux besoins personnels (en termes d’accès à la culture, à la connaissance, aux voyages) que, paradoxalement, il ne peut satisfaire que pour une minorité de privilégiés alors qu’il suscite ces aspirations auprès du plus grand nombre.

Mais, comme le rappelle le souci anarchiste de la singularité, la solution à cette contradiction n’est pas du côté d’un socialisme formaté pour un troupeau de moutons. L’épanouissement individuel n’est pas plus soluble dans le conformisme généralisé que dans le consumérisme néolibéral. Aussi la lutte pour l’égalité est-elle inséparable de celle pour la diversité.

Usines argentines et zapatistes mexicains

Comment sortir de la course au profit sans retomber dans le règne d’une bureaucratie omnipotente ? Autrement dit, comment mettre en œuvre une économie planifiée qui ne cède pas aux tentations autoritaires bien illustrées par la tragique expérience stalinienne ?

Coincé dans l’alternative entre libre marché et capitalisme d’Etat, le monde contemporain semble n’offrir aucune solution à ce problème. Pourtant, le marxisme libertaire attire notre attention sur des expériences méconnues et occultées, comme les usines argentines autogérées après la crise de 2001 ou encore la riche épopée des zapatistes mexicains. Ces exemples prouvent par la pratique qu’il est possible de concilier le souci marxiste d’une économie organisée rationnellement et le souci anarchiste d’une économie organisée démocratiquement.

D’aucuns verront dans ce plaidoyer en faveur d’un « marxisme libertaire » une idéologie périmée, une dangereuse soif de vengeance ou, tout simplement, une impossible tentative de réconcilier deux traditions (marxistes et anarchistes) que tout oppose. Les autres, que la mascarade gouvernementale et les arrangements politiciens ont fini par lasser, ouvriront par curiosité ce précieux petit livre dédié à la mémoire du militant antifasciste Clément Méric. Ils y trouveront matière à débattre des meilleures étoiles (rouges et noires ?) susceptibles d’orienter notre lutte pour un monde plus humain. »