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Myriam Martin : « Dire le nom d’Ensemble au sein du Front de gauche »

3 février 2015, 13:13, par arnold

De quoi ENSEMBLE est-il le nom ? par Jacques Fortin

J’ai lu attentivement l’interview de M. Martin issue de la gauche anticapitaliste, dans Regards à propos de l’assemblée générale de fondation du mouvement Ensemble (front de gauche).

Je ne dirai pas qu’elle m’a laissé sur ma faim mais plutôt interloqué, en triste.

Il n’y a pas, tout au long de cette interview un mot de politique : rien vis à vis du PS, rien sur les grandes revendications urgentes, rien sur le contenu de la démocratie à laquelle il est fait référence (surtout quand on appartient à un front qui est un cartel instrumentalisé par chacune de ses grandes parties).

On dirait que ce qui justifie l’existence d’Ensemble sa seule plateforme politique serait de rassembler pour faire autrement de la politique. Donc un projet organisationnel qui tiendrait lieu de projet politique (même pas, voir plus loin).

"Ces courants, nous dit la porte parole, présents aujourd’hui dans le Front de gauche, défendent la même idée : il faut trouver les ressorts pour faire autrement de la politique."

On ne peut guère que s’esclaffer devant la naïveté ou l’aveuglement de la formule si on est gentil. L’envie furieuse me vient de demander si on se fout de la gueule du monde. Qui peut sérieusement dire sans rire jaune, que l’appareil post stalinien à la manœuvre pour écoper sa vieille barque qui ne cesse de prendre l’eau, "défend" vraiment et même un peu la "recherche de ressorts pour faire autrement de la politique" ? Son jeu de bascule tantôt avec tantôt sans le PS pour de strictes raisons d’appareils qui n’ont rien à voire avec de la politique, relève très directement de la politique politicienne la plus traditionnelle en même temps que la plus éhontée. Mélenchon et sa gestion du PG font l’objet de témoignages accablants de pratiques qui n’ont rien à voir avec cette recherche d’une autre façon. Sa propre autopromotion, sa communication, ses annonces unilatérales etc etc...

Quel besoin Ensemble a-t-il de se bercer ainsi de fables qui n’ont aucun sens réel ? Sauf à justifier sa présence dans le FG, une présence sans consistance sur l’essentiel qui n’est quand même pas sur le comment faire autrement de la politique (alors que le cadre ne s’y prête absolument pas) mais sur quoi tenter de faire autrement de la politique. Sauf à s’éviter d’aller au combat politique sur une ligne politique dans le FG en espérant, escomptant, "pariant" que celui-ci "trouvera les fameux ressorts". Autant aller à Lourdes.

Soyons juste l’interviewée prend en compte la question, elle y répond joliment par "C’est aussi une question de projet politique et là, évidemment, tous les paris sont ouverts". Hein, quoi ? Pardon ? En lisant ça, franchement, j’ai failli tomber de ma chaise. Le projet politique se joue au PMU ?!

Voilà, " évidemment tous les paris sont ouverts". Soit je ne comprends pas du tout ce qui est ainsi énoncé, soit, soit... on touche un degré zéro ou surréaliste, baroque, de la pensée politique.

Donc, concentrons-nous bien : la question du projet politique relève de tous les paris ? C’est le pari mutuel le front de gauche ? ou la gauche ? et Ensemble ambitionne de jouer le bookmaker ? Je ne sais pas si lisant cela je me sens tomber de ma chaise, de l’armoire ou d’ailleurs mais en tout cas de haut, sortant de la bouche d’une anticapitaliste (enfin, je crois).

Je passe ensuite sur "on se réclame, premièrement d’une gauche qui n’a pas renoncé à transformer la société" antienne qui devient fatigante, périphrase pour ne rien dire mais laisser entendre, les politiques de la gauche de la gauche ayant perdu les mots ils ne sont même plus une gauche qui dirait tranquillement voire fièrement vouloir en finir avec le capitalisme, non ils n’ont pas, prenez des pincettes et ouvrez les guillemets, "renoncé à transformer la société" (soit dit en passant et sans amalgame Valls et Macron non plus). Puis "deuxièmement de l’idée que l’austérité ne peut pas continuer comme ça", ça c’est bien, elle ne peut pas continuer comme ça, comme ça quoi ? On ne fera pas l’insulte à Ensemble de penser qu’ils veulent moduler l’austérité par contre on peut le soupçonner de leurs colocataires, mais pourquoi ne pas dire "qu’il faut en finir avec l’austérité", clair et net, formule pas violente, pas blessante, qui ne peut quand même pas hérisser à gauche dans le climat actuel, non ? Ben non.

Il semble vraiment que le début d’un commencement d’invention d’une façon de faire de la politique autrement passe par utiliser une novlangue chamallow qui dit sans dire, évoque, invoque... laisse à penser etc etc, novlangue molle et sucrée dont les porte paroles d’Ensemble aiment à se gargariser.

C’est déjà plus gênant, enfin, quand on arrive au chapitre de "Qu’est ce que l’on veut aujourd’hui ? Une gauche qui serait capable de rassembler, de s’ouvrir à d’autres, d’intégrer des enjeux liés à la crise écologique" pour faire référence à EELV avec qui il faudrait dialoguer. Pourquoi pas dialoguer avec ceux qui de EELV tirent un bilan un peu honnête et prometteur de leur alliance avec le PS (je crains d’entrer dans la grossièreté non chamallow) ? Pourquoi pas ?

Mais non, là encore on y va en mode chamallow, s’il est fait mention de leur participation au gouvernement, c’est sans plus, sans commentaire, comme ça. Le gouvernement de la rigueur et de l’application zélée de l’austérité auquel ils ont prêté la main et les votes ? Non, le gouvernement point. Évoquer ensuite que peut-être quand même il serait bon de leur demander d’en tirer un bilan et de songer à prendre des distances, genre rupture (je ne sais pas comment on dit en novlangue chamallow) pour continuer à discuter un peu plus loin avec eux... non, ça non, c’est pas chamallow. Du coup on peut se demander ce qu’entend Ensemble par "cette gauche qui serait capable de rassembler, de s’ouvrir à d’autres"... et de quoi, à part chamallow, Ensemble est le nom en effet.

Bref.

On a bien compris que tout ça c’est pédagogique, que les anticapitalistes d’hier doivent mettre des chaussons de feutre sur leurs grosses godasses d’ex NPA, prendre les patins avant d’entrer, s’excuser d’avoir des choses à dire en les couvrant de sucres et de guimauves novlanguisées. Et que le chamallow c’est pour faire de la politique autrement (sic ?). Certes on n’attire pas des mouches avec du vinaigre doctrinaire mais quand même... rassembler pour rassembler... pour "ne pas renoncer à changer la société"... et "ouvrir les paris" pour ce qui est du projet politique...

D’accord, je peux être de mauvaise foi, je n’ai jamais aimé les chamallow.

Ceci dit, avec cet Ensemble là, l’égotisme mélenchonesque, l’obtuse et apolitique volonté de se survivre de l’appareil post stalinien ont de beaux jours devant eux.