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Cette histoire est douteuse

14 octobre 2016, 13:27, par Yann

Alors. Oui, oui, mais... « pas sûr ». Oui, IG Farben était le poumon économique du régime nazi, oui IG Farben louait des dizaines de milliers de prisonniers (hommes) aux SS pour en faire des travailleurs forcés dans ses usines (où ils mourraient souvent d’épuisement). Oui, IG Farben a contribué à la fabrication du Zyklon B. Oui IG Farben est un monstre. En revanche, cette histoire de "lot de 150 femmes achetées pour tester un soporifique" a toutes les chances d’avoir été inventée de toutes pièces à des fins de manipulation de l’opinion publique contre l’industrie pétrochimique (l’industrie pétrochimique, c’est le mal, on est d’accord, mais la manipulation de l’opinion publique, aussi).

Durant la seconde guerre mondiale, IG Farben ne fabrique pas du tout de soporifiques mais des carburants synthétiques, du caoutchouc et de la peinture (colorants) et, ce, dans toute l’Europe, principalement pour des équipements de transport, avec le soutien, entre autres, d’Henri Ford. Même concernant le Zyklon B, IG Farben ne produisait que le stabilisant chimique (le même que celui utilisé dans ses colorants) pour le compte de la Dessauer Werke für Zucker und Chemische Industrie, qui, elle, fabriquait le gaz à base d’acide prussique.

J’ai cherché. Je ne parviens pas à trouver un site qui indique clairement que cette histoire de lot de 150 femmes est un hoax. Ce qu’il y a de suspect, en revanche, c’est que les seuls sites qui en parlent sont des sites militants anti-industrie chimique.

Tous les liens cités de ci, de là, renvoient vers des articles en anglais ou en Allemand qui parlent de tout à fait autre chose (le Zyklon B, les prisonniers utilisés comme esclaves dans les usines pour 4 marks/jour).

Même sur Wikipedia, l’information est bizarre : la page française sur Bayer est la seule à citer cette histoire alors que celle consacrée à IG Farben n’en parle pas du tout, pas plus que les pages anglaises de Wikipedia sur Bayer et IG Farben. De ce que je comprends de l’historique de la page de Wikipedia qui parle de cette affaire (la seule, celle sur Bayer, en version française, donc), l’information a été ajoutée en janvier 2015 avec force détails alors que, à cette époque, le reste de cette page est encore assez sommaire. Ce qui donne d’ailleurs l’impression bizarre que, à ce moment-là, un tiers est intervenu pour focaliser le travail encyclopédique sur cette seule histoire.

Impossible également de mettre la main sur une copie de l’édition de février du Patriote Resistant qui aurait dévoilé l’affaire alors que d’autres exemplaires de ce journal sont cités/scannés à de nombreuses occasions sur Internet pour tout à fait autre chose.

Aucun site d’histoire sérieux, aucune archive de journal crédible ne parle de cette histoire qui serait pourtant assez retentissante parmi les crimes nazis.

Au final, la seule source serait l’édition par un imprimeur/fabricant de papier (Christophe Chomant) de ces lettres. On ne peut pas les consulter, il faut payer 10€ pour les obtenir (ce que je n’ai pas fait et, quand bien même, cela ne permettrait pas de vérifier leur authenticité puisque monsieur Chomant revendique les imprimer lui-même).

Bref, je n’ai pas la preuve que c’est un hoax, mais en tout cas ça en a fortement la couleur.