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Syndicalisme et féminisme : aller ensemble vers l’égalité.

13 mai 2019, 09:20, par Christian DELARUE

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Pour un internationalisme en actes  !

Les enjeux du syndicalisme à l’échelle européenne et internationale constitue une des cinq thématiques mises à l’ordre du jour de notre 52e congrès. C’est une excellente chose. Cette dimension de notre pratique syndicale reste d’une importance fondamentale pour répondre aux situations faites aux travailleurs confrontés aux conséquences de la globalisation renforcée du capitalisme. Accords internationaux, politique des institutions internationales ou régionales, emprise des grands groupes, partout le capital est à l’offensive pour renforcer sa part au détriment de l’immense majorité des travailleurs du monde.

Le débat sur l’internationalisme, pour certains camarades, rime avec sortie de la CES et de la CSI pour rejoindre la FSM. Derrière cette proposition, nos camarades pensent entamer un
« retour aux sources » permettant à la CGT de renouer avec « sa grandeur passée ». Cette vision mythique nous paraît souffrir de grosses insuffisances sur, d’une part, la réalité de la FSM et, d’autre part, sur une analyse erronée de l’évolution de la société, du syndicalisme et des rapports de forces. D’autant que les positions de la CES ou de la CSI n’ont quasiment aucune influence dans la détermination de nos propres prises de position.

La CES et la CSI, autant le dire, ne brillent pas par leur combativité. Elles font preuve de suivisme par rapport aux institutions existantes (U.E, ONU, OIT). Dans ces organisations se retrouvent des syndicats de cultures différentes, ce qui est logique dans une structure internationale. Dans la CES et la CSI, nous retrouvons donc des organisations aussi combatives que la CGT et d’autres qui cultivent une culture d’accompagnement ou de cogestion. A la CSI, on compte nombre d’organisations très combative des pays du Sud : CUT du brésil, KCTU de Corée, CTA d’Argentine, CTU du Chili, CSA du Sénégal, DISK de Turquie...

C’est en partie dans ce cadre que nous devons travailler. Car sortir de celui-ci nous isolerait et ne réglerait rien en terme d’actions concrètes. Rappelons que le premier devoir du syndicalisme est d’unir les travailleurs par-delà leurs différences de nationalité, de religion, de couleur de peau ou de genre pour défendre leurs droits face aux forces du capital et à leurs représentants.

Le bilan du dernier congrès de la CSI montre que des marges de manœuvre existent. Les organisations prônant une orientation d’action et de mobilisation ont réussi pour la première fois à cumuler 48% des voix autour de la candidature alternative de notre camarade de la CGIL Susanna Camusso. Ce rapport de forces a permis d’acter l’organisation d’une première manifestation internationale à Genève en juin.

Ces avancées peuvent paraître limitées au vu des enjeux, mais qu’offre donc la FSM en regard ? Inutile de revenir sur les raisons qui nous ont poussé à la quitter en 1995. Aujourd’hui, la FSM nous dit qu’elle est le syndicalisme de classe et qu’elle est anti- impérialiste. La FSM est adepte des déclarations radicales, mais ses actes relèvent d’une toute autre nature.

Quelques exemples concrets bien étrangers à nos valeurs :

Alors que la CSI avait appelé en 2017 à boycotter, pour ne pas cautionner les exactions d’Erdogan, une conférence à Istanbul sous l’égide du gouvernement, les organisations membre de la FSM y participent.

Sur le Qatar, le représentant de la FSM à l’OIT, le 6 juin 2016, salue les mesures prises par le gouvernement Qatari en ce qui concerne l’égalité de genres. Il indique que la constitution qatarie maintient la discrimination car les femmes sont supposées prendre soin de leur famille, conformément à la culture et aux traditions locales.

La FSM tient son conseil présidentiel en février 2018 à Téhéran sans un mot sur la répression qui s’abat sur les syndicalistes indépendants, ainsi que sur le sort fait aux femmes.
En Syrie, La FSM prend la défense du régime de Damas et ferme les yeux sur la répression qui s’abat sur les forces progressistes syriennes.

La FSM d’aujourd’hui est encore plus refermée sur elle-même que celle que nous avons quittée. Ici langage radical sans aucune portée concrète sur l’action des travailleurs, là allégeance aux syndicats officiels qui ne sont que des émanations de l’État (Syrie, Soudan, Corée du Nord, Chine, Vietnam etc.). Un retour en arrière en échange d’un langage soi-disant lutte des classes serait non seulement une impasse qui isolerait la CGT, mais nous pouvons en être convaincus, n’aiderait en rien la lutte des classes concrète sur le plan national ou international.

La discussion sur l’engagement international de la CGT doit porter sur les questions de fond et non de forme. C’est la seule manière valable de poser les termes du débat sur notre internationalisme et ses contenus revendicatifs. C’est ce qui devrait permettre de développer une position exigeante par rapport à notre investissement dans la CES et la CSI, mais aussi de penser notre action au-delà des confédérations internationales. Il va sans dire que quand la CGT prend des initiatives d’action de luttes coordonnées, elle n’exclut aucun syndicat en fonction de telle ou telle appartenance, elle s’adresse aussi aux syndicats affiliés à la FSM.

Les branches professionnelles, les fédérations syndicales internationales ont été ou peuvent être un levier pour initier des mouvements à l’échelle internationale ou européenne. L’exemple récent de la création d’une fédération transnationale des livreurs à vélo, à laquelle la CGT avec d’autres syndicats français et européens ont apporté un soutien matériel et militant, quelques années seulement après le début des mobilisations locales dans ce secteur, doit nourrir notre réflexion sur un syndicalisme international capable de dépasser les clivages et qui puisse être un outil concret au service des luttes.

Cette approche nous autorise, et même nous impose, d’exiger des évolutions démocratiques et des méthodes d’action de la CSI et de la CES. En réaffirmant par exemple nos engagements fondamentaux et historiques : défense du droit de grève et des libertés syndicales partout dans le monde, lutte pour le progrès social et contre les réformes anti-sociales quels que soient les endroits où elles sont déployées ou quels que soient leurs initiateurs (gouvernements, patronat), lutte contre les multinationales, lutte contre tous les impérialismes et pour la paix.

Signataires : ARBERET Ludovic ; BILLON Gérard ; BRANCHEREAU Jean-Claude ;

BRODY Patrick ; BONA Mariano (militant St Micro-electronics) ; CHEMLAL Hocine ; DE HARO Anne ; DALBERTO Bruno ; DESCOTTE Romain ; DUPUIS Olivier ; FRAQUELLI Tony (Cheminot) ; GOBÉ David (Cheminot) ; GUINO Alain (ancien dirigeant confédéral) ; HUBERSHWILLER Patrick (CGT Banque de France - CGT Bretagne) ; LAMONTAGNE Françoise (FD Spectacle) ; LE CORNEC Alain (FD Travailleurs de l’Etat) ; MORVAN Marc ; MOYNOT Jean-Louis (ancien dirigeant confédéral) ; PEREZ Matthias (FERC) ; UD Paris.