Accueil > ... > Forum 60781

> Une interwiew d’un leader syndical coréen ce matin dans Libé

13 avril 2006, 12:27

"A l’entrée du siège de la KCTU (Korean Confederation of Trade Unions), seconde centrale syndicale coréenne (800 000 adhérents), dans le quartier de Youngdeungpo à Séoul, les calicots rouge des conducteurs de poids lourds demandent au gouvernement de meilleures conditions de travail et des hausses de salaires. Du 6 au 14 avril, la KCTU a décrété une grève générale dans plusieurs secteurs (dont celui de la métallurgie, 140 000 syndiqués). Objectif : bloquer le passage de la loi sur le travail temporaire, dont le vote a déjà été retardé. Le mouvement n’a pas été rejoint par l’influent syndicat des chemins de fer, mais la KGEU, puissant syndicat des fonctionnaires, menace de rejoindre la KCTU et d’organiser de grandes manifestations au nom du « droit à la grève », bannie dans le pays. Le syndicat des enseignants est lui aussi mobilisé. La KCTU reproche au président Roh Moo-hyun sa « rhétorique plate et vide » pour lutter contre la « fracture sociale ». Entretien avec Cheol-woong Kang, 46 ans, cofondateur et codirigeant de la KCTU.

Est-ce le vote annoncé de la loi sur le travail temporaire qui explique la mobilisation des syndicats ?

En partie, oui. En Corée, il existe deux grands syndicats, la FKTU (Federation of Korean Trade Unions) et le nôtre. Nous avons moins d’adhérents, mais, d’après les observateurs, notre influence est plus grande. Ces prochains jours, la situation pourrait se corser car l’opposition à la loi sur la précarité du travail grandit. La tension va croître car le syndicat des fonctionnaires a dit qu’il allait adhérer la semaine prochaine à notre centrale. Or, le ministère coréen du Travail refuse que les fonctionnaires soient syndiqués et pire, qu’ils fassent grève.

Pourquoi êtes-vous opposé à cette loi ?

Elle est injuste et ne répond pas aux attentes. Cette loi prétend donner aux salariés un contrat à durée indéterminée alors qu’en fait elle conforte la précarité. Son contenu évoque le CPE français. Mais elle est pire, car dans notre pays l’âge du travailleur n’a pas d’importance. Le travail temporaire est une pratique courante au sein même des grands conglomérats coréens. Cette loi ne changera pas la situation actuelle, qui permet déjà à une entreprise d’embaucher un individu pour deux ans et de le licencier sur-le-champ au bout d’un an. Nous avons observé la mobilisation anti-CPE en France. C’était énorme ! Une fois de plus, nous avons beaucoup appris des Français. Chez nous, mobiliser les travailleurs est bien plus dur. Ici, la grève est interdite (ce qui n’a pas empêché les métallos d’arrêter le travail toute la journée de lundi, ndlr). Pour l’heure, la loi sur le travail temporaire est bloquée par une commission. Nous espérons qu’elle le restera tant qu’elle n’est pas modifiée.

En décembre, vous avez protesté contre l’ouverture du marché coréen au riz étranger. Vos représentants ont été jetés en prison. Et la semaine dernière, le premier grain de riz américain a été importé.

Nos agriculteurs sont sous le choc. Dans les campagnes, les incidents se multiplient. Des syndicalistes ont essayé la semaine passée d’empêcher le déchargement des bateaux. D’autres gênent la vente de ce riz que les consommateurs boudent déjà depuis notre appel au boycott. La KCTU épaule les agriculteurs dans leur lutte contre les accords de libre-échange injustes. Quant à nos représentants, ils ont été libérés. De retour en Corée, ils ont comparu devant un juge. Ils ont été acquittés.

Quelles sont vos autres revendications ?

Il y a le rejet des accords de libre-échange, inégaux, négociés entre la Corée du Sud et les Etats-Unis ; l’instauration de relations entre syndicats et patronat, à l’image de ce qui se fait dans les grands pays industrialisés ; une plus grande prise en charge par l’Etat des dépenses de santé des travailleurs ; et l’éducation gratuite non plus seulement jusqu’au collège."