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> d’une "plume française" méconnue : la lutte de classe au cœur de la critique de l’économie politique

11 juin 2006, 15:52

On ne peut que souscrire à la célèbre formule de Michel Henry : « Le marxisme est l’ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx ». Reste à se demander, bein qu’il s’exclue de ce "marxisme", s’il ne fait pas lui-même un contresens.

Difficile dans ce cadre de produire une critique serrée de ce texte, mais force est de constater certaines faiblesses :

 MH parle de travail comme producteur de plus-value, valorisée en capital dans l’échange, etc. là où Marx parlait de "force de travail", marchandise ayant la qualité de produire plus qu’il n’en faut pour se reconstituer (par le salaire). C’est un premier glissement qui lui permet de mettre au centre de son approche le concept d’"homme", dont il ne rappelle pas que Marx disait "l’essence humaine est l’ensemble de ses rapports sociaux" (6ème Thèse sur Feuerbach). A partir de là (l’Idéologie allemande, Le Manifeste, Grundrisse, Le Capital...) Le sujet central chez Marx n’est plus l’homme comme individu (singulier) mais le prolétaire, ou mieux dit la classe des prolétaire (vs celle des capitalistes), l’individu particulier se définissant par son appatenance de classe.

 A partir de cette lecture, est évacué le moteur du Capitalisme comme mode de production, la contradiction de l’exploitation, autrement dit la lutte de classes, qui n’est pas somme d’intérêts singuliers chez les hommes qui y participeraient en tant qu’individus, mais rapports sociaux en tant que classes, comme pôles du rapport définissant le capitalisme comme mode de production, l’exploitation.

On comprend par conséquent l’intérêt de ressortir aujourd’hui Michel Henry (que ce soit avec une interview de Corcuff n’a rien pour me surprendre) dans une époque où l’attaque du capitalisme est perçue comme attaque des dominations, de l’oppression, de l’aliénation... par une sommation des intérêts particuliers des dominés, opprimés, aliénés à divers titre, dans laquelle disparaît la contradiction de l’exploitation qui est pourtant, même masquée dans cette période de subsomption réelle du capitalisme comme tout-société comprenant notamment l’Etat, le moteur du système.

Pas étonnant que quelqu’un mette en avant Denis Colin, qui de ce point de vue (lui est un kantien), en régression par rapport même à la critique de Michel Henry.

D’accord pour dire que Bidet, Sève et ce qui gravite autour de la pensée marxiste officielle et universitaire en France est d’une inconsistance pathétique en matière de prolongement de la critique de l’économie politique du capital : cela n’a plus aucune vertu révolutionnaire, et in fine très peu d’"anticapitaliste". D’accord pour dire que Bloch, Lukacs, Adorno échappent à la critique qu’on peut faire au marxisme orthodoxe. Quant à dire qu’on ne retrouve pas « Marx sous une plume française », même si l’on ne peut plus en rester là, il y a eu Henri Lefebvre, il y a eu Guy Debord (sinon pourquoi citer Lukacs ?).

En matière de critique de l’économie politique, même si je ne partage pas ses conclusions politiques, vue sa conception de l’Etat, il y a Alain Bihr (La reproduction du capital).

Pour ce qui est d’aujourd’hui, un des plus grands connaisseurs de Marx, un de ses plus précieux continuateurs écrit en français, il s’appelle Roland Simon : Théorie du Communisme Volume 1
FONDEMENTS CRITIQUES D’UNE THÉORIE DE LA RÉVOLUTION, Au-delà de l’affirmation du prolétariat Senonevero 2001

Des longs développements (chapitres 5 à 7) sont consacrés à ces questions de la subjectivité, de l’individu singulier ou particulier en relation avec la critique de l’économie politique.

Je ne doute pas que ceux qui s’intéressent sérieusement à la question en tireront le plus grand profit.

P.