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LA PLUS ETRANGE DES CREATURES

21 août 2006, 23:28

Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère, tu es comme le moineau,
dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
tu es comme la moule
enfermée et tranquille.
Tu es térrifiant, mon frère,
comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
tu n’es pas cinq,
tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
quand le bourreau habillé de ta peau
quand l’équarrisseur lève son bâton
tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus étrange des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
c’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

Poème écrit en 1947 par le poète communiste turc Nâzim HIKMET, sous le titre "La plus étrange des créatures", en pages 72-73 du recueil de 423 pages paru en février 2003 dans la collection Poésie/Gallimard, chez NRF.

Pour Le Yéti, à sa demande et sur une idée de Tzigane,

NOSE DE CHAMPAGNE.