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> Faut-il brûler Robert Redeker ?

4 octobre 2006, 11:27

Roger Vailland, résistant, envisagea pendant la guerre plusieurs scénarios pour exécuter un autre écrivain dont les mots tuaient : Louis-Ferdinand Céline. Des désaccords dans son groupe sur le bien-fondé du projet, puis les aléas de la lutte clandestine firent que l’affaire traîna et qu’elle ne put être menée à bien.

A la Libération, rencontrant par hasard Robert Brasillach, qui avant d’être un collaborateur, fut son compagnon de khâgne, Vailland l’avertit qu’il risquait d’être exécuté et lui proposa d’aller sa cacher dans la maison qu’il possédait dans l’Ain, le temps que les choses se calment. A sa femme Elisabeth qui s’étonnait de cette contradiction dans son attitude, Vailland répondit : « Je ne tue pas les écrivains ». Il faisait alors la différence entre une situation où même les adversaires de la peine de mort prennent un fusil et une autre, qui lui succède.

Brasillach refusa et on sait qu’il fut fusillé, malgré l’intervention de nombreux intellectuels (dont Mauriac, Camus…) qui demandèrent sa grâce à De Gaulle (sans pour autant approuver ce qu’il écrivit).

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A Antonio, qui parle d’amalgame, je dirai ceci : quand j’écris que Redeker ne doit pas être tué, je ne réponds pas là à des intervenants sur ce site dont je sais bien qu’ils sont d’accord avec ça (il est d’ailleurs désolant de voir ici la vigueur d’une polémique entre gens qui ont la même position de fond sur le CONTENU des articles de Redeker et sur le problème du Moyen-Orient). Je m’adressais à ceux qui disent : il faut le tuer. Peut-être aussi me démarquais-je de ceux que le contenu d’un article horrifie davantage que les conséquences possibles pour son auteur et, par suite, pour tous ceux qui auraient envie de dire des choses utiles sur les (sur TOUTES) les religions.

Quant à ma contradiction (« si Redeker a enfreint la loi, qu’elle s’applique, mais le MRAP n’a pas à intenter un procès ») elle est apparente. Le « Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples », a-t-il pour fonction de déclencher des procédures judiciaires qui devraient, dans un Etat de droit, aller de soi en cas d’infraction ? Si oui, il a cent plaintes par jour à déposer (les jeunes de banlieue, entre autres, lui fourniront des dossiers). S’il sélectionne, c’est lui qui se contredit, pas moi.

Enfin, je lis dans un autre commentaire, que ma question « Faut-il brûler Redeker ? » n’est pas la bonne et qu’il y en a des meilleures. Je n’en disconviens pas, mais c’est celle-là qu’il m’a fallu poser au moment où je l’ai fait. Je revendique ce droit, celui d’avoir été court et donc partiel (partial, si vous voulez) et je ne récuse pour autant aucune autre question.

De la même façon, rien dans CE QUE JE N’AI PAS DIT (mes lacunes dans le traitement du sujet) ne saurait être interprété comme une connivence avec Redeker. Les silences ne sont assourdissants que chez ceux qui peuvent être a priori suspects de choix idéologiques douteux. Or, il suffit de lire ce que j’écris depuis des années pour que ce soupçon tombe.
Allez, comme promis et non tenu, je passe illico à autre chose.

Maxime Vivas

PS. En janvier 1950, Roger Vailland écrivit dans un article de la « Tribune des Nations », un article intitulé : « Nous n’épargnerions plus Louis-Ferdinand Céline » dans lequel il regrettait que l’absence d’unanimité chez les résistants ait eu pour conséquence la survie de Céline et sa fuite au Danemark d’où il poursuivait ses diatribes.
On remarquera l’usage du conditionnel, et non du futur, dans le titre.