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réponse à Michel Onfray

21 février 2007, 14:16

L’anticommunisme viscéral de M. Onfray

Il ne faut jamais jurer de rien ...

J’avais salué l’enfant du peuple qui monte grâce à ses propres forces et son travail intellectuel. J’ai payé aussi ma contribution en achetant ses livres. J’ai toujours pensé la réflexion théorique des anarchistes était une source du marxisme d’où les alliances possibles. J’ai toujours considéré que les intellectuels (j’en suis un) ont toujours trahi la classe ouvrière (élitisme, plaire à la bourgeoisie, enrichissement personnel, narcissisme, mégalomanie, soif de domination, mépris du prolétariat, ...). Le langage de M. Onfray dans sa lettre à Maurice est celui des jaunes que les ouvriers connaissent à l’usine, des profs ignorants rationnels que je connais à l’université. Sa petite épicerie devient entreprise internationale. Prenons garde.

Spectatores plaudite
Spectateurs, applaudissez

Le référendum gagné, une nouvelle ère s’ouvrait. Il fallait que les forces anti-libérales, radicales, de gauche, anticapitalistes s’organisent pour créer un mouvement unitaire, "une gauche de gauche". Du travail, de la sueur ; 125 propositions. Modeste programme mais suffisant pour les temps nihilistes de l’Occident. Porté par qui dans ce système bonapartiste ? Beaucoup de prétendants d’horizons différents. Un fut choisi par tirage au sort (faisons comme si c’était vrai), comme à l’époque de la démocratie rêvée. La campagne a commencé dans l’allégresse et l’unité.
Et voilà un beau jour le prof Onfray, du haut de son estrade, attaque froidement son compagnon de route ouvrier Maurice, fraiseur et communiste. La veille, il conversait au salon du NouvelObs soulignant ses convergences avec le normalien philosophe de la petite bourgeoisie éclairée.
Le blog du philosophe (chez NouvelObs) fut envahi par de centaines de condamnations (procès de Moscou, camarade !). Trois jours après, Michel Onfray (après consultation de son éditeur) avoue indirectement sa faute politique (dans le film c’était Yves Montand), fait l’éloge du prolétariat, en blâmant même la représentante de sa tendance ! (l’ordre juste de Ségolène). "Son argent redresse les jugements de son esprit ; il a du discernement dans sa bourse" disait Molière (dans Le Bourgeois gentilhomme)
Morale de l’histoire : il faut toujours se méfier comme la peste des intellectuels. Quand on veut construite un autre monde on n’insulte pas les compagnons de route. Le PC et la LCR ont eu raison d’arrêter les frais de cette mascarade "unitaire". Une unité de façade ne sert à rien. L’unité se construira dans les luttes concrètes. N’oublions pas l’événement le plus important de ces cinquante dernières années : La patience de la classe ouvrière.

Dieu nous donne dix fois la tyrannie politique
militaire et toutes les tyrannies
plutôt qu’une telle police salisse jamais notre France.
Jules Michelet, Des Jésuites, 15 juillet 1843

Ainsi parlait l’intellectuel du peuple qui démasquait à l’époque les intellectuels dominants. Il continue :
Prenez un homme dans la rue, le premier qui passe, et demandez-lui : « Qu’est-ce que les Jésuites ? » Il répondra sans hésiter : « La contre-révolution. »
Telle est la ferme foi du peuple ; elle n’a jamais varié, et vous n’y changerez rien.
Prenez un ouvrier dans la rue, le premier qui passe, et demandez-lui : « Qui est-ce Michel Onfray ? » ? Il répondra sans hésiter : « Un défenseur du capitalisme. »
Telle est la ferme foi de l’ouvrier ; elle n’a jamais varié, et vous n’y changerez rien.

Le fondement du constat bourgeois, c’est le bon sens,
c’est-à-dire une vérité qui s’arrête sur l’ordre arbitraire de celui qui la parle.
Roland Barthes, Mythologies, 1970

M. Onfray, qui se réclame aussi de Barthes, dit avec bon sens, que son université est "populaire et non prolétarienne". Il dit dans son blog (sans la pudeur qui caractérise la classe ouvrière) que ses parents, cousins, cousines, frère, sont pauvres (paysans, ouvriers agricoles, ...) sauf lui qui est riche grâce à son talent. Il se vente sans honte d’être pour le capitalisme. Quel hommage à ses parents ! Comme Margaret Thatcher, ll pense qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme. Philosophe libertaire il est naturellement partisan de la Ve république. Il se définit sans gêne gaullien. Il est pour la "rencontre d’un homme avec le peuple" et en même temps disciple de Diogène ! Il pratique avec talent l’anticommuniste de l’époque de la guerre froide (Revel, Aron, Furet, Courtois, BHL, ...). Il tape sur Staline alors que le PC actuel, pour survivre, dispute au PS la sociale-démocratie.

Être captif, là n’est pas la question.
Il s’agit de ne pas se rendre.
Nazim Hikmet (1902-1963)

L’hédonisme version M. Onfray était inconnu dans le milieu ouvrier-communiste. Le mari, le compagnon, le frère était en réunion, en prison, en déportation aux îles, sous terre, à Auschwitz-Birkenau, Buchenwald, Mauthausen, ... Les communistes (les "anti-hommes" des universitaires dociles du pouvoir) se battaient avec abnégation pour une vie meilleure pour leurs enfants, jamais pour eux. Pour les lendemains qui chantent. Pour une cause noble, jamais pour le fric. La seule çäïíç du communiste était (et est, je pense) la réussite d’une grève, le soutien d’un camarade, la diffusion des idées, la fête ensemble, la reconquête de la dignité. M. Thorez et les autres que M. Onfray attaque sont morts pauvres. J’avoue qu’ils étaient incapables de devenir capitalistes.
Les erreurs du parti communiste (le rôle des intellectuels, l’absence de théorie fine de l’Etat, ...), la force sous-estimée du capitalisme (et de ses défenseurs en particulier), le charme discret de la bourgeoisie, l’obscurantisme post-moderne ont masqué pour la grande masse des intellectuels (les profs en particulier) l’outil le plus récent, le plus performant pour comprendre et transformer le monde : le marxisme.
Les profs et les "familles (politiquement) recomposées" de l’amphi Tocqueville (auditoire de M. Onfray) cherchent, après le maître, le salut dans l’individualisme et le bien-être éphémère toujours remis en cause faute d’une explication satisfaisante. Un auditoire captif mais pas dupe. Mes cher(e)s collègues et ami(e)s, il s’agit de ne pas se rendre.

Le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme
Karl Marx

Il plaît aux médias capitalistes. Normal. Il se veut défenseur du capitalisme en se déclarant à gauche comme le milliardaire BHL. Il a signé déjà sans aucune pression et par avance la "déclaration de repentance" que les bourreaux du deuxième bureau soumettaient aux communistes sous la torture : "Renie le communisme. Avoue le soutien au capitalisme et tu seras libre. Tu pourras t’insérer dans le spectre politique de la gestion du capitalisme comme tu l’entends. Choisis ton option." Il a choisit son option. Les portes lui sont ouvertes. Les "nouveaux" philosophes quittent la scène. L’ancien philosophe prend le relais. Le NouvelObs le consacre cette semaine.
La distance qui sépare le philosophe communiste P. Nizan (1905-1940) du philosophe libertaire M. Onfray se mesure en kiloparsec. L’auteur des Chiens de garde disait que « L’homme n’a jamais rien produit qui témoignât en sa faveur que des actes de colère : son rêve le plus singulier est sa principale grandeur, renverser l’irréversible ». (La Conspiration, p. 136). Le but des communistes a été toujours Renverser l’irréversible. Tâche prométhéenne nécessaire pour rendre le peuple maître de son destin.

Ce qui distingue d’emblée le pire architecte de l’abeille la plus experte,
c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête
avant de la construire dans la ruche.
Karl Marx, Le Capital

Aux poubelles de la CIA, il cherche la "vérité" sur le pacte du 23 août 1939, sur la "collaboration" Staline-Hitler (ça plaît aux universitaires dont le dernier souci est l’esprit critique). L’excellent article d’Annie Lacroix-Riz répond à celui qui veut approcher la vérité sur la question.
Ce qui est étonnant, c’est l’argumentation et le vocabulaire de M. Onfray empruntés aux intellectuels fascistes et leurs héritiers de la guerre froide. Il aurait pu lire Albert Einstein (certes communiste) qui écrivait après la bataille de Stalingrand, fin 1942 : « Sans la Russie, ces chiens sanguinaires (…) auraient atteint leur but ou, en tout cas, en seraient proches. (...) Nos enfants et nous avons une énorme dette de gratitude envers le peuple russe qui a enduré tant d’immenses pertes et de souffrances. La manière dont (la Russie) a mené sa guerre a prouvé son excellence dans tous les domaines de l’industrie et de la technique. (...). Dans le sacrifice sans compter et l’abnégation de chacun, je vois une preuve d’une détermination générale à défendre ce qu’ils ont gagné (...). En Russie, l’égalité de tous les peuples et de tous les groupes culturels n’est pas qu’une parole en l’air : elle existe vraiment dans la réalité. (...) »
Le jeune M. Onfray calomnie les communistes en les accusant d’antisémitisme. C’est l’arme suprême des intellectuels bourgeois de la télé. Sa tentative de jonction avec les philosophes sans oeuvre est ratée, car il ignore que le Café-Flore a remplacé "antisémite" par "judéophobe" depuis peu.
S’il était un peu instruit, il saurait que "juif" et "communiste" étaient des synonymes pour la bourgeoisie et l’église à l’époque mais encore aujourd’hui. "L’obscur syndicaliste" (dont parle le jeune M. Onfray) Krasucki (1924-2003) était un juif, communiste, ajusteur et résistant, déporté depuis Drancy, convoi 55, le 23 juin 1943, avec 1 002 Juifs, dont 160 enfants. Il est revenu du camp de concentration le 28 avril 1945, « juste à temps pour manifester le 1er mai ».
On rappelle à l’apprenti historien que l’antisémitisme à l’époque dite stalinienne était puni par la peine de mort par la loi stalinienne. " Le chauvinisme national et racial est une survivance des mœurs misanthropiques propres à la période du cannibalisme. L’antisémitisme, comme forme extrême du chauvinisme racial, est la survivance la plus dangereuse du cannibalisme." (J. Staline, 31 janvier 1931, Oeuvres tome 13, éd. russe).

Cher M. Onfray,
Si tu cherches, tu trouveras des documents de l’histoire de France. Tu liras avec profit par exemple le livre de Georges Albertini « Le communisme, entreprise juive » ... Collabo notoire, il sait de quoi il parle. Il a été conseiller du régime gaulliste.
Tu méditeras chaque fois que tu entres à ton amphi Tocqueville la dernière pensée de la "stalinienne" Louise Michel, notre institutrice du peuple :
Si l’amour de l’humanité est impuissant à faire sonner l’heure libératrice à l’Horloge fraternitaire - heure où le crime n’aura plus de place - l’indignation s’en chargera.
Là haine est pure comme l’acier, forte comme la hache ; et si l’amour est stérile, vive la haine !

Dimitri, militant communiste