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Le PCF tente de sauver son groupe à l’Assemblée nationale en négociant avec le PS

10 mai 2007, 17:42

Vous trouverez, ci-joint, l’intervention d’Alain BOCQUET lors de la Séance à l’Assemblée Nationale du mardi 16 Mai 2006

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Chers collègues,

Depuis plusieurs jours, le débat public est pollué par une affaire nauséabonde de règlements de comptes, impliquant les hautes sphères de l’industrie de l’armement mais aussi la tête du pouvoir exécutif, sur fond d’officine bancaire douteuse, de listings truqués, de dénonciations calomnieuses et d’enquêtes parallèles et secrètes.

Ces luttes intestines qui ont pris le pas sur la conduite de l’Etat, ce feuilleton que la presse alimente chaque jour, offrent une image déplorable de notre démocratie. Nous sommes la risée de l’étranger. La justice doit aujourd’hui essayer de démêler un imbroglio de manipulations et de coups tordus au sommet d’un Etat-UMP que les ambitions personnelles transforment en théâtre d’ombres.

A l’occasion du débat de politique générale, il y a un an, j’avais évoqué à cette tribune, le destin des triumvirats de l’Empire romain décadent, et posé cette question : « On sait qui sont César, Pompée ou Crassus ; reste à savoir qui sera Brutus ! » A l’époque on me raillait sur les bancs de la majorité ; aujourd’hui nos collègues de l’UMP rient jaune !

La présidentialisation, le primat de l’exécutif sur le législatif, la dévalorisation du Parlement, la bipolarisation de la vie politique, toutes ces dérives éloignent le peuple des lieux de décision et confisquent le pouvoir au profit des forces dominantes, à commencer par le MEDEF.

Notre pays a donc un besoin urgent d’une réforme démocratique profonde, d’une nouvelle Constitution pour remplacer l’actuelle monarchie républicaine par une République moderne, résolument citoyenne et populaire.

Les députés communistes et républicains veulent contribuer à redonner à la politique ses lettres de noblesse en rendant sans attendre le pouvoir citoyen au peuple. Il est grand temps qu’un souffle d’air pur traverse la vie politique française.

Cette affaire Clearstream accroît une crise politique et sociale qui s’aiguise depuis la défaite de la droite aux régionales en 2004, et depuis le référendum du 29 mai 2005.

Ce jour-là, un fossé est apparu entre une nette majorité de nos compatriotes rejetant une conception libérale de l’Europe, et l’ensemble des groupes parlementaires qui, à l’exception des groupes communistes et républicains, l’avaient plébiscité lors du Congrès de Versailles.

Vous n’en avez tenu aucun compte, Monsieur le Premier ministre. Derrière vos discours d’affichage aux accents gaulliens, les réformes réactionnaires ont continué après le référendum. Jean-Pierre Raffarin avait entamé le programme de casse en s’attaquant au droit à une retraite décente à 60 ans, en sabordant la sécurité sociale et l’hôpital public, en abandonnant le pilotage de France-télécom aux marchés boursiers, en assouplissant les procédures de licenciement économique ou en décentralisant les charges de l’Etat sur le dos des collectivités locales.

Quant à vous, Monsieur de Villepin, main dans la main avec votre ministre de l’intérieur, l’ensemble de votre gouvernement et votre majorité, vous avez poursuivi à marche forcée cette « tatchérisation » de la France.

Depuis les ordonnances d’août, les coups bas ont plu contre le monde du travail et de la création, contre les ménages modestes. Le CNE, avec sa période d’essai de deux ans et son absence de justification du licenciement, le travail de nuit pour les apprentis et la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, l’ouverture du capital d’EDF aux spéculateurs, la vente des autoroutes, la cession à Bouygues des actifs de l’Etat au sein d’Alstom, le lancement à venir de la privatisation d’Aéroport de Paris, le mariage boursier annoncé de GDF avec Suez, les déremboursements supplémentaires de médicaments et d’actes médicaux... La liste est longue des décisions prises à revers des besoins et des attentes du pays.

Cette crise, c’est celle d’un système d’exploitation qui crée 20 millions de chômeurs en Europe, condamne 15 millions de nos concitoyens à l’ANPE, au RMI, aux stages, aux boulots précaires ou partiels, à toutes ces formes d’emplois dégradés et mal payés.

La précarité et au cœur des préoccupations des 71 % de Françaises et de Français qui jugent mauvaise la politique économique du gouvernement. 53 % des ouvriers revendiquent le retrait du CNE. Les salariés le rejettent, les syndicats en réclament l’abandon et, désormais, les tribunaux l’invalident ! N’attendez pas de longs mois encore, comme pour le CPE, pour entendre raison. Retirez le CNE ! Ouvrez des négociations pour l’amélioration du droit du travail, des salaires et du statut des salariés.

Cette crise, c’est donc bien celle d’une politique sinistre et cynique. Votre majorité, plutôt que de s’attaquer à l’exclusion qui mine les quartiers populaires et qui a provoqué la violence de l’automne dernier, soigne les hauts revenus et les actionnaires du CAC 40, ceux-là même qui s’adjugent le tiers des 84 milliards d’euros de bénéfices record en 2005. Dans le budget 2006, 1,2 milliard d’euros de cadeaux fiscaux divers ont été accordés à une minorité de privilégiés. 12.000 hauts cadres et PDG actionnaires se partagent ainsi 68 millions d’allègement de l’impôt sur la fortune.

Alors que dans le même temps, vous refusiez la proposition des députés communistes et républicains d’engager un programme d’urgence urbaine et sociale de 6,2 milliards d’euros, qui aurait constitué une réponse concrète aux besoins les plus criants en matière de logement, d’école, de transport, d’insertion... Vous avez méprisé et ignoré cette proposition.

Aujourd’hui, la moitié des ménages doit se contenter de moins de 2.020 euros par mois pour faire face à des loyers prohibitifs, à la flambée des prix du gaz, + 20% en un an, de l’essence +24% et du fioul +17% en deux ans, dans un marché de l’énergie en voie de déréglementation. Le surendettement des ménages a augmenté de 9,8% en un an. Les expulsions locatives que vous refusez de bannir du droit français, ont fait un bond en avant de 37% en cinq ans.

Mais plutôt que de prendre le problème du pouvoir d’achat à bras le corps, le gouvernement détourne l’attention de l’opinion sur la population immigrée. L’UMP offre à son électorat extrémiste un « tri sélectif », un durcissement des conditions d’existence des étrangers, et impose une loi xénophobe qui fait honte à la France.

Cette crise, c’est celle de l’autoritarisme à la solde du MEDEF, et qui fait obstacle aux aspirations à la justice sociale et à la démocratie salariale. Quand le monde du travail réclame une revalorisation des salaires, vous mettez les fonctionnaires à la diète, vous les méprisez en les comparant à « des moules accrochées aux rochers » et ressortez les vieilles lunes de la participation.

Cette crise est en définitive celle d’une classe politique dont le bréviaire reste le Traité de Maastricht et la directive Bolkestein. Une classe adepte du rituel de l’argent qui va à l’argent. Une classe qui, l’actualité en témoigne, reste de marbre quand EADS, détenue à 15% par l’Etat, porte un coup terrible à notre industrie aéronautique en détruisant 1000 emplois à Sogerma-Mérignac, alors même que le groupe franco-allemand a réalisé 1,7 milliards d’euros de bénéfice en 2005.

Et le gouvernement est tout aussi complaisant envers la direction de DIM qui annonce ce jour plus de 400 suppressions d’emplois. Plus le gouvernement se rassure en présentant un chômage en baisse, plus on compte de licenciements, de chômeurs exclus des statistiques, de précaires sous-payés et de Rmistes... C’est ça la vérité !

Une autre voie est à creuser. L’argent doit être mis au service du développement humain. Notre groupe a déposé plusieurs propositions de loi et de commission d’enquête parlementaire pour que la Représentation nationale s’attaque enfin aux méfaits de ce capitalisme financier.

Qu’il s’agisse de la stratégie de Total, dont les 12 milliards de résultats nets en 2005 ont été payés en bonne partie par les consommateurs de carburants ; de l’avenir de la sidérurgie en proie aux batailles boursières Mittal-Arcelor ; du scandale de Metaleurop ; ou du projet de rapprochement entre les Caisses d’ épargne et les Banques populaires qui risque de consacrer la démission économique des pouvoirs publics... A chaque fois la majorité UMP a opposé une fin de non-recevoir à ces requêtes.

Elle a rejeté notre proposition de loi visant à instaurer, dans les entreprises, un dispositif de négociation obligatoire sur les départs à la retraite, contre des embauches stables et de qualité, au moment où s’ouvre une opportunité historique avec 600.000 emplois libérés par an jusqu’en 2015.

La sortie de crise ne passera, ni par un énième ravalement de la façade UMP, ni par l’organisation d’une simple alternance sans alternative.

Non ! Pour en sortir, il faut réorienter l’économie, stimuler les investissements publics et privés, développer une politique du crédit sélective et une fiscalité qui pénalise la spéculation et dégage les moyens d’une reconquête des services publics. Il faut doter les salariés et leurs organisations d’un droit d’ingérence dans la gestion des entreprises, pour défendre l’emploi face aux délocalisations ou restructurations.

Les luttes de ce printemps, la victoire contre le CPE en témoignent : des hommes et des femmes agissent pour changer le cours de leur existence et se forger un avenir meilleur. Loin des marigots politiciens, les députés communistes et républicains sont à leur côté, combatifs et disponibles. Soixante-dix ans après le bouillonnement du Front populaire, nous demeurons fidèles à l’esprit conquérant de 36, celui d’une France vivace et généreuse, d’une France qui sait écrire son destin.

Votre gouvernement, votre majorité ne sont porteurs que de régression. Nous voterons la motion de censure.

Certes, sauf heureuse surprise, la censure ne passera pas ici, mais elle est déjà passée dans le pays. Vous n’avez plus qu’une chose à faire, messieurs du gouvernement, c’est de partir !