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EN DEFENSE DES FONCTIONNAIRES

13 septembre 2007, 20:39

Le misérabilisme, c’est croire qu’il n’y a que les chômeurs et les précaires qui subissent sévèrement les politiques de flexibilisation et de marchandisation de la force de travail et en conséquence ne proposer que des mesures minimales de « filet de protection ». Les autres, les « inclus », n’auraient pas à se plaindre. Mieux ils seraient « privilégiés ». Le patronat abonde par intérêt évident dans cette division entre « exclus » et « inclus », entre salariés du privé et salariés du public. A ne voir que les différences de catégories on fait l’impasse sur les dynamiques communes qui sont à la racine de ces processus de désaffiliation et d’exploitation de la force de travail. Ces dynamiques négatives sont pour certaines vieilles comme le capitalisme mais d’autres sont relativement récentes : elles se sont particulièrement développées depuis plus de 20 ans.

Il est exact que le statut du fonctionnaire a permis d’extraire (beaucoup plus que le code du travail pour le privé) la force de travail de son statut de vulgaire marchandise. Mais alors nous devrions en être heureux et promouvoir tant que faire se peut ce modèle relativement « civilisé » de protection à l’ensemble des travailleurs salariés. Cette dynamique positive a existé. Elle est aujourd’hui à contre-courant.

Le service public et le statut des fonctionnaires que nous avons connu en France depuis 1946 a formé un « modèle social » progressiste qui a longtemps servi d’étalon aux travailleurs du privé pour améliorer leur conditions de travail. Le service public travaillait à la satisfaction des besoins sociaux de la population hors référence marchande et les fonctionnaires disposaient d’un statut permettant des conditions de travail relativement « civilisées ». Sans doute ne faut-il pas porter au pinacle ni le service public - qui rapidement a pu être perverti par les logiques marchandes -, ni le statut des fonctionnaires – qui n’a jamais intégré les résidents étrangers durablement installés sur le territoire. Face au bloc soviétique le capital devait lâcher des concessions mais pas question de changer radicalement de logique !

Toujours est-il que cette époque est révolue. D’abord les socialistes des années 83 oublièrent les rapports sociaux antagoniques entre le capital et le travail pour faire l’apologie de l’entreprise-communauté. Dans le même temps de nombreux juristes universitaires se mirent à dénigrer les services publics (ils parlèrent de « crise du service public »). Dans la foulée des hommes politiques de gauche comme de droite ainsi que de haut fonctionnaires se mirent à « moderniser » l’Etat. La modernisation s’effectue, on le sait, toujours dans le même sens : moins de fonctionnaires, moins de garanties statutaires, plus de contractualisation, plus de « souplesses », plus d’objectifs de rentabilité et de performance, et surtout plus d’individualisation. En 25 ans le public a largement copié le privé. Pour autant, pour les dirigeants politiques à la botte du MEDEF cela ne saurait suffire : il faut aller toujours plus loin dans le sens de la dégradation des conditions de travail. Et ce qui sert de modèle c’est désormais les secteurs les plus flexibles, les plus soumis, les plus exploités. Car la rentabilité du capital investi oblige de plus en plus à la formation d’une force de travail soumise.

Et trop de soumission génère de la tristesse, de la mal-vie… La rentabilité économique est le nouveau fétiche devant qui les humains doivent s’agenouiller sans discuter. Beaucoup en crèvent et celles et ceux qui supportent mieux la charge un temps ne sont pas dupes même si certains se gaussent et en profitent pour vendre plus cher leur capacité de travail. La guerre interne à l’entreprise est mondiale et féroce. Elle produit le gonflement de l’armée de réserve qui sert si bien à la mise en concurrence des travailleurs salarié et la dégradation générale des conditions de travail et de vie.

Christian DELARUE

1 De la libération laborale
sur : http://www.passerellesud.org
http://www.local.attac.org/35/DE-LA-LIBERATION-LABORALE

2 La réforme de la notation dans les administrations ;
Du chacun pour soi à l’aggravation des conditions de travail

Texte écrit en 2005 sur Bellaciao article =31219
http://www.local.attac.org/35/4-LA-REFORME-DE-LA-NOTATION-DANS

3 La mise en concurrence des compétences ou les dévoiements de la reconnaissance libérale
http://www.france.attac.org/spip.php?article6574

4 Pour un statut comme "bien commun" du salariat résident
http://www.local.attac.org/35/2-POUR-UN-STATUT-COMME-BIEN-COMMUN