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HOMMAGE A ALLAIN LEPREST (videos + audio)

19 décembre 2007, 19:15

Leprest, incomparable auteur et chanteur animait aussi, je ne sais s’il continue à le faire, des ateliers d’écriture de chansons. En 2001, invité par l’instit d’un petit village de Belgique il avait passé quelques jours à travailler avec de tous jeunes mômes. Le dernier jour ces mômes montèrent sur la scène de la salle communale pour chanter les deux ou trois chansons qu’ils avaient travaillées. Allain termina la soirée par un concert complet accompagné au piano par JL Beydon.

Je me permets de mettre ici le petit compte-rendu que j’en avais fait dès le lendemain.

Un récital à la campagne le 27 octobre 2001

Quelque part entre Dinant et Namur, Evrehailles est un petit village de Belgique qui domine la Meuse, sur le plateau, tout en haut d’une fameuse côte, la Côte d’Yvoir. Petit village ! L’école y accueille une trentaine d’élèves de 6 à 12 ans.

Ce soir, le village est en fête. Comme par hasard, la pluie a cessé et c’est dans un magnifique couché de soleil rougeoyant que nous le découvrons. Le village est en fête, ce soir les enfants de l’école font la première partie du récital qu’Allain Leprest donnera tout à l’heure.

C’est qu’Allain Leprest vient de passer trois jours avec les enfants. A l’invitation de l’instit, il a animé un atelier d’écriture de chansons.

A la fin de la soirée, c’est un Allain Leprest fatigué qui descendra de scène, fatigué mais heureux. Heureux de ces trois jours passés parmi les enfants qui ont découvert qu’une chanson ça n’est pas seulement quelques tsoins tsoins mis bout à bout ni des queues leu leu d’amour / toujours, que ça se travaille quoi. Et c’est ce qu’il a entendu ce soir, le résultat de cet atelier, « chanson – imagination » comme le chanterons les gosses, alors ce sera :

Côte d’Yvoir
« … Toi, mon ami l’Ivoirien / Chez nous, y’a la côte d’Yvoir / On y va par un chemin / De chez nous peux-tu nous voir / Réponds-moi petit voisin…

Les p’tits pompiers de la vie
« …. Pour combattre toutes les guerres / Ensemble cultivons la terre / Et pour que vole la colombe / Il faut détruire toute les bombes … »

La recette du bonheur
« … Une boucle de cheveux / Une grosse marmite / Toutes les couleurs du feu / Punaise ! elle est bien cuite … »

Heureux, il l’est aussi de ce récital qu’il vient de donner devant 200 personnes qui pour la plupart n’ont même jamais entendu prononcer son nom et dont, il faut bien le dire, une bonne partie, n’était surtout venue que pour écouter leurs rejetons. Heureux de la fabuleuse écoute qu’il nous dit avoir si bien senti tout au long de la vingtaine de chansons qu’il a interprétées.

Car le miracle s’est produit. Dès avant la fin de la première chanson « Je viens vous voir », les bruits des verres qui se choquaient au bar, les pshuuuiiittt, chuiiitt des gosses glissant entre les chaises avaient cessé.

Miracle des mots, de la musique, miracle du chant, Allain Leprest nous avait tous, les quelques amateurs venus en sachant mais tous les autres aussi, les enfants héros d’un soir, les parents, comme cette mère qui me dira « c’est formidable », ou ce couple, sans enfant, monté de Dinant parce que la télé régionale avait annoncé un spectacle, oui, Allain Leprest nous avait tous pris à la gorge, au ventre, à l’intelligence, à la mémoire, au coeur.

Et il ne nous lâchera pas. Avec la complicité/amitié/intimité de Jean-Louis Beydon, son formidable pianiste, il nous chante les joues de Bilou pleines de confiture, la petite tombe d’Edith au Père Lachaise,, le souvenir de Gagarine, le saxe de Max place St.Michel.

Il nous dit l’honneur du chien d’ivrogne qui « sous le store troué des bistrots (fait) des rêves de caniches », il lance le poing à ce « … P.D.G des nuages / vendeurs de faux voyages / dealer de poudre aux yeux » et lui crie « à mon dernier repas / appelle-moi monsieur / pas mon fils ni machin / un pèr’ j’en ai déjà un… » .

Avec lui on partagera les indignités de chez nous : « Ce qui me blesse, esse, esse, esse / c’est d’être solder, der, der, der / pour pas bezef, ef, ef, ef / S.D.F.

Il nous confiera notre propre nudité : « Nu, j’ai vécu nu / Sur le fil de mes songes…//… Mais nu je continue / mon chemin de tempête / en gueulant à tue-tête / La chanson des canuts". Tant il vrai que « l’autocar de l’école (ne) passe pas (toujours) par Opéra ».

Ce matin, dimanche, 28 octobre, là-bas, quelque part entre Namur et Dinant, au sommet de la côte d’Yvoir des gens se réveilleront. Et quelques uns, oh ! sans doute ne pourront-ils pas encore fredonner des mélodies et se souvenir de paroles entendues qu’une seule fois mais ils se réveilleront différents, avec les yeux, les mains, la voix d’Allain Leprest, sa chaleur, sa fraternité et des dizaines de nouvelles images fortes, belles, durables gravées au fond de leur mémoire.

Jean GUY