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PROJET DE LOI POUR CENSURER L’HISTOIRE ET LA RECHERCHE

7 avril 2008, 15:54, par Wayness Tamm

Le principe des protocoles pour les archives des ministres n’est pas vraiment un problème : c’est la première fois qu’un projet de loi déclare explicitement que les archives des ministres en exercice sont des archives publiques, ce qui est un GRAND PROGRES. Le protocole est un moyen d’accompagner la remise de ces archives : c’est un outil qui a été mis sur pied par les archivistes et qui a permis et permet toujours beaucoup de récupérations d’archives ministérielles en calmant et en organisant les choses.

Et que faisaient les membres du gouvernement avant ? Hé bien, ils détruisaient ou ils emportaient, ce qui est pire que tout ! Le premier président de la République à avoir remis des archives de fonction est Vincent Auriol. C’est Giscard, très pénétré de l’importance des archives, qui a véritablement inauguré la remise des archives présidentielles aux Archives nationales et a fait voter une loi (1979), la première qui organise véritablement le régime des archives en France et qui a servi de modèle à de nombreuses lois d’archives dans le monde ; il a été suivi par tous les présidents depuis (même si Charasse a tenu des propos insupportables au Sénat en janvier au sujet des archives Mitterrand). Le premier premier ministre à avoir remis des archives de sa fonction est Raymond Barre. Concernant les archives politiques privées, celles des partis politiques (différentes des archives politique de fonction, qui sont publiques), la France a un énorme retard sur de nombreux pays développés : seuls les partis de gauche organisent et laissent consulter leurs archives (PC et Fondation Jaurès pour le PS). Officiellement les partis de droite, qui avaient des archives dans les années 80 lorsqu’on leur posait la question .... n’en ont plus maintenant !

A l’heure ou l’on parle au Ministère de la culture d’une suppression de la Direction des Archives de France, noyée dans une "direction du patrimoine" qui mélangerait joyeusement archives, livre, lecture publique, institutions et recherche, sans bénéfice pour personne sauf de brouiller les esprits et d’organiser l’impuissance et l’inaction, c’est toute la cohérence de la collecte des archives en France, leur conservation et les bonnes conditions de leur consultation qui risque d’être décapitée : http://www.archivistes.org/breve.php3?id_breve=113

Si Jacques Attali peut aligner deux idées - même pas très bien digérées - sur les "archives numériques", c’est parce que la Direction des Archives de France, et les archivistes publics et privés ont travaillé à rendre possible l’analyse de ce nouveau défi et formulé des solutions bien avant que cela n’intéresse les politiques. Faire la révolution numérique et sacrifier les archivistes qui, par nature et par formation, sont avant tout attachés à l’information et non pas au support et qui ne sont pas les ringards perdus dans le passé qu’on essaie de présenter au public mais qui sont prêts pour cette mutation, voilà une bien curieuse façon d’aller vers l’avenir !!!! Or on constate que le gouvernement ignore avec un acharnement inquiétant les archivistes et les traite comme des gêneurs à abattre, qu’il prive de moyens de travailller après leur avoir confisqué leur réflexion et leur travail !

On voir par ailleurs que les administrations se ferment, obtiennent les moyens de gérer des données de plus en plus massives, précises et intimes qui nous concernent, sans aucun contrôle, sans rendre aucun compte et en refusant tout archivage et donc toute consultation sur des dizaines et des dizaines d’années. C’est dangereux, c’est insupportable dans une démocratie : aucun document ne doit devenir incommunicable, ne doit avoir ce genre de statut, parce que les temps changent et qu’une information sensible à un moment ne l’est plus à un autre moment.

Ce projet de loi doit être SERIEUSEMENT AMENDE et AMELIORE. Le monde des archives doit recevoir les moyens de travailler avec efficacté et d’assurer l’avenir et non pas se voir réduit à la construction d’un nouveau bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte, moyen commode de clore les becs sans résoudre les problèmes, alors que la question de la gestion des archives de nos sociétés est une vraie question, avec des défis techniques lourds qui réclament de vrais archivistes professionnels, capables d’analyser l’information, de trier, de voir à long terme et de préserver pour transmettre et non pas des faisant fonctions (techniciens, bibliothécaires .....) dont on organise avec soin l’impuissance.

Aucune société ne vit durablement sur la méfiance et en considérant ses membres comme des délinquants incapables et en confisquant l’information : il en va de la confiance dans nos institutions et de l’unité de nos sociétés. Que vaut une société qui ne rend pas, qui ne rend plus, qui ne veut plus rendre compte, au point de s’en prendre à ses archivistes et à ses propres archives ???? Au point d ’organiser la perte ? ??