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LES COMMUNISTES ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES

22 mai 2008, 05:28

Et si cette problématique n’était que le stigmate du problème de ceux qui la portent ?
Comment penser l’enfermement avec une mentalité d’enfermé ?

L’avant garde autoproclamée peut-elle se poser le problème du pouvoir autrement qu’en s’enfermant dans la problématique du "Pouvoir" ? La capacité de pouvoir ... agir, faire, décider, ne se pose en terme de "Pouvoir" (institutionnel) que lorsque il s’agit de de décider pour un autre, de faire faire et de faire agir un autre.

Question inhérente à la société humaine, certes. Mais d’autres sociétés d’êtres humains que la nôtre se la sont posées autrement. Pour illustrer mon propos, par exemple Pierre Clastre a décrit dans "la société contre l’Etat" des indiens Tupis-Guarani qui, confrontés à cette question insoluble en tant que telle, ont opté pour une mise en scène du Pouvoir par son "incarnation" (mise en chair symbolique) dans un chef qui justement n’en avait aucun, la tribu décidant collectivement (vive les salamecs et le temps volontairement disponible pour débattre, donc laissant moins de place à la production (que nous appelons travail) de ce que nous appelons richesses matérielles (que nous appelons argent), ouah, le pied, Bellaciao quatre par jour). Le chef n’avait que les "devoirs" de faire un discours chaque jour mais que chacun faisait au moins semblant de ne pas écouter (quelle magnifique gestion du "verbe", langue du "Pouvoir"), et de donner tout ce qu’il avait, ce qui en faisait le plus pauvre de la tribu.

Quelle magnifique expression de vrais civilisés que cette manière de se colleter avec ce que représente une dimension inhérente à la vie en société humaine mettant en jeu ce que l’individualité (pour utiliser un concept moderne absent des sociétés holistes) génère comme éléments de dissolution du groupe (inhérents eux aussi) que nous nommons cupidité et qui est le désir bénin de consommer la plus belle pomme ou la plus travailleuse des femmes. C’est vrai que justement, chez les Tupis-Guaranis, les femmes ne participaient pas au "politique". C’est vrai aussi que ces indiens ont quasiment disparu et ceux qui restent se suicident en ce moment, ne pouvant survivre dans un environnement détruit par la disparition de la forêt (s’adapter ou devenir clochard, n’est-ce pas là aussi un faux choix dans lequel nous sommes enfermés ?) .

D’autres sociétés, plus "modernes", ont pensé traiter l’apparence de l’égalité devant Dieu ou l’Etat en dotant chacun de la même blouse grise, de la même coiffure, des mêmes objets, du même habitat, etc.

Les modalités de confrontation à la problématique du "Pouvoir" ne manquent donc pas.

Mais une avant garde autoproclamée peut-elle se poser la question du "Pouvoir" autrement que dans le cadre du "Pouvoir" établi dans lequel elle existe ? C’est-à-dire de conquête de ce "Pouvoir" par des appareils hiérarchisés construits pour ce type de pratique (quels que soient les bons ou mauvais sentiments des acteurs, je t’en fais grâce) ? D’où cette question stratégique :

Est-ce une question de nombre ou une question de rapport de force ?

Cette organisation institutionnelle est en effet

nécessairement corruptrice

, pas dans le sens d’un"effet", d’une conséquence comme tu sembles l’entendre, mais en tant que fonction. Ce qui explique qu’aucune démarche de prise du "Pouvoir" pour le "rendre" ensuite ne peut se produire.

Pour en venir au fait, je mettrais en exergue cette phrase :

Comment parler des institutions politiques enfin, sans nous poser préalablement la question de savoir aussi comment faire pour que le maximum d’entre nous,de prolétaires (j’ose le mot sans rougir car c’est ce que je suis et c’est bien ainsi que je "me" vis) puissions avant tout accéder à ce pouvoir ?

qui dans son ambigüité (un « maximum » d’entre nous), resitue la problèmatique dans son enjeu (que j’ai déjà abordé tu t’en souviens je pense dans « Le p’tit bourgeois s’rebiffe » http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...).

Plusieurs contributeurs d’articles et de commentaires sur Bellaciao font en ce moment des affirmations telles « Pour moi le prolétariat moderne est l’ensemble de ceux qui travaillent pour vivre (CO + paysans, artisans, professions libérales...) », ou la confusion entre le « peuple » et le prolétariat.

Dans une perspective de prise du "Pouvoir", il est "naturel" qu’une classe se présente comme porteuse de l’intérêt universel (se niant donc en tant que classe) pour s’allier la "masse", le "peuple" (ce fut le cas de la bourgeoisie). Aujourd’hui, la petite-bourgeoisie (une fraction de la nouvelle petite-bourgeoisie) suffisamment établie, vise le "Pouvoir" politique (d’où la question de l’institution), soit en faisant disparaître la classe ouvrière dans le « peuple », soit en s’assimilant au prolétariat (je dirais tu t’en doute que tu en donnes l’exemple).

La classe petite-bourgeoise (la nouvelle) a été fabriquée par la bourgeoisie pour servir d’armée d’encadrement des prolétaires (pour les détails, voir Chomdu http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...), autant dans la dimension policière qu’idéologique et d’occupation/saturation de l’espace public symbolique. Or cette classe "tampon" n’a pas de pouvoir économique (même si on nous fait croire que si par la consommation, d’où le pouvoir d’achat !) n’étant pas comme le prolétariat producteur de la richesse, ni comme la bourgeoisie propriétaire des moyens de production. Pour prendre le "Pouvoir" (à la bourgeoisie) elle a nécessairement besoin de la classe ouvrière.

Ce n’est pas, à mon avis, parce que la situation est nouvelle (au sens d’évolution de la société ou du capitalisme) que dans cette recherche de conquête du "Pouvoir" politique les éléments combattifs de cette classe sont confrontés à la réflexion sur des notions ou problématiques de "fond" ("refondation"). C’est que ce "Pouvoir" est aujourd’hui vide de toutes substances (disons presque vide encore). Le "spectacle storytellisé" à l’américaine n’est qu’une illusion fabriquée du politique. Un politique sans pouvoir (ou si peu, même si ce peu peut faire mal). Le pouvoir est complètement dans les rouages du complexe militaro-industrialo-culturel (ou médiatique) et dans les institutions sociales qui maintenant couvrent toutes les dimensions de la vie humaines (le "Patriot Act" étant la préfiguration de la forme généralisée qu’elle sera amenée à prendre, et Vigipirate aussi).

La classe petite bourgeoise ne peut être qu’une classe bernée, aux représentations "enfermées" dans ses fantasmes de toute puissance (puisqu’impuissante). Qui malheureusement continue à berner la classe ouvrière, (qui n’a pas besoin de ça !).

La seule solution ne peut venir que de la classe ouvrière organisée comme elle l’entend pour "agir" à son profit (sic !) son "pouvoir" de production. Elle le fera ou pas, mais les petits bougeois peuvent toujours s’agiter pour "réveiller", "conscientiser" le prolo, ils n’y changeront pas un iota. Au contraire, les plus éclairés d’entre eux ne peuvent qu’empêcher ou retarder son advenue.

Que lela petit(e) bourgeois(e) se « vive » comme prolétaire (il y aurait donc le prolétaire ouvrier, le prolétaire petit bourgeois, le prolétaire salarié, le prolétaire cadre, ...) me fait penser aux soldats de l’Occident civilisateur qui sont persuadés d’apporter la démocratie et la civilisation aux peuples trompés par leurs méchants chefs (je viens de revoir Farenheit 9/11 de Moore) et qui s’étonnent que ces peuples « délivrés » ne les aiment pas. Ils sont sincères certes, mais la sincérité...). La seule position tenable pour le petit bourgeois, je l’ai déjà dit ailleurs, c’est de se mettre totalement au service de la classe ouvrière (question de l’hégémonie abondamment discutée sur Bellaciao), quelle que soit la frustration devant la difficulté de la classe ouvrière à s’organiser et en tout cas de cesser sa fonction de garde chiourme (on peut toujours soutenir tel ou tel combat particulariste, si on continue à faire tourner le système dans les institutions où l’on travaille quotidiennement, le problème ne change pas beaucoup. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas soutenir...).

Cordialement et sans mésestimer ta sincérité et tes efforts.

P’tit Nico, avant garde de l’avant garde