Accueil > ... > Forum 481520

Le marxisme est vivant !

21 juin 2012, 00:18, par via CD

EVOLUTION DU NATIONALISME QUEBECOIS ET MARXISMES
Séparatisme, indépendantisme, souverainisme.

Ces trois notions - séparatisme, indépendantisme, souverainisme - indique avec plus ou moins de force la volonté de la population du Québec de constituer un "vivre ensemble" séparé du Canada. Cette volonté s’est manifestée fortement au moment des processus de décolonisation d’après-guerre et surtout vers 1968 mais elle en fait est plus ancienne. Le nationalisme francophone en Amérique remonte jusqu’à 1534, année de la découverte du Québec par Jacques Cartier. On cite une date proche avec fondation en 1608 de la Ville de Québec par Samuel Champlain. Une colonie française s’installe dans le Canada-Est.

Quel Marx ?

Avant la décennie 1960, dans le Québec francophone, la pensée de Marx et des auteurs marxistes n’est pas absente de l’enseignement universitaire mais elle sert essentiellement de repoussoir à la doctrine sociale de l’Église. Le marxisme ne fait pas partie des théories agréées par l’autorité catholique ; il est condamné parce qu’il est athée et fondé sur les postulats philosophiques du matérialisme. Il prône en plus la lutte des classes et la révolution prolétarienne dans le but d’instaurer le communisme. Nicole LAURIN
Le marxisme est venu féconder le mouvement nationaliste québécois vers 1963 - 68. Jean-Marc Piotte compare les vues de Serge Mallet et d’André Gorz sur les rapports entre réforme et révolution (Piotte, 1965a). Pierre Maheu aborde le thème de la justice de classe en s’appuyant sur une conception marxiste du droit dont les notions proviennent de deux articles, l’un de Nicos Poulantzas et l’autre de Jean-Marie Vincent (Maheu, 1965). De son côté, Piotte a découvert le Traité d’économie marxiste du trotskiste Ernest Mandel dont la lecture, affirme-t-il, lui permet de comprendre Marx (Piotte, 1965b). Il n’a jamais lu Le Capital, jugé trop difficile, mais il insiste néanmoins sur le fait que sa « vision du monde » prend sa source désormais dans le « marxisme-léninisme » (Piotte, 1965b, p. 109). André Pollender s’appuie sur l’économiste marxiste français Henri Denis dans un article sur la planification en URSS (Pollender, 1965). Les théories économiques de Marx, telles qu’appliquées en URSS, sont exposées par Georges Kostakeff dans « Marxisme et créditisme » (Kostakeff, 1966). Chamberland se réfère lui explicitement à l’ouvrage de Louis Althusser, Pour Marx.

Première décantation

Le thème « Aliénation et dépossession » devient fort après 1967, au détriment du langage de la colonisation et de la décolonisation qui s’éclipse. Formé à l’anthropologie culturelle, Marcel Rioux s’est intéressé au marxisme et au socialisme dans les années 1940, lors d’un séjour à Paris. Dans son Essai de sociologie critique, en 1978, il affirme privilégier un marxisme culturel qui serait distinct du marxisme économique (Rioux, 1978). Cette version humaniste du marxisme se rapprocherait de la pensée d’Ernst Bloch et de l’école de Francfort.

Nationalisme et socialisme :

Jean-Guy Loranger essaie lui de clarifier ce qu’il considère comme ses positions nationalistes par rapport aux positions socialistes de Van Schendel (Loranger, 1969). Loranger veut « justifier les fondements de la nation québécoise sur les plans culturel, social, économique et politique » de même que « les possibilités de la réalisation socialiste de la nation québécoise » (Loranger, 1969, p. 43).

Charles Gagnon présente sa problématique de la question nationale, dans « Classes et conscience de classes au Québec », qu’il a écrit en 1966, au cours de son emprisonnement (Gagnon C., 1969). Il critique férocement les artisans de la défunte revue Parti pris, qu’il considère comme un groupe petit-bourgeois qui mettait sur le même pied socialisme et nationalisme. Or, le nationalisme, selon Gagnon, est l’idéologie des bourgeois. Néanmoins, la conscience de classe des travailleurs a une dimension nationale. Ils aspirent à la libération nationale et socialiste car les deux sont indissociables.

Critiques entre marxistes

Michel Pichette établit, à partir de plusieurs citations de Marx, que « le syndicat se trouve lui-même inséré dans la structure des rapports de production capitalistes » (Pichette, 1969, p. 14). D’où il conclut que le syndicalisme « allie les travailleurs au système établi » et « retarde... l’émergence de la conscience révolutionnaire » (Pichette, 1969, p. 18).

Gilles Dostaler et Luc Racine signent « Contre Marcuse. Essai sur la pensée idéologique dans les sociétés industrielles », une brillante critique du caractère idéaliste et inopérant, selon les auteurs, de l’analyse marcusienne de la société capitaliste (Dostaler et Racine, 1969). « Marcuse ne retient de Marx, écrivent-ils, que les aspects secondaires et dépassés, par Marx lui-même, de sa pensée » (Dostaler et Racine, 1969, p. 45), c’est-à-dire les aspects hégéliens, idéalistes, bref non scientifiques. Les concepts et les hypothèses de Marcuse sont donc récusés en tant qu’ils s’opposent à une approche scientifique.

xxx

Genèse de la sociologie marxiste au Québec | Érudit | Sociologie et sociétés v37 n2 2005, p. 183-207 |
http://www.erudit.org/revue/socsoc/2005/v37/n2/012917ar.html